Lamonte McIntyre avait été emprisonné en 1994 pour deux meurtres qu’il avait toujours nié avoir commis.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
La compensation financière : un luxe pour certains prisonniers américains emprisonnés à tort
Sur NOFI, on a plusieurs fois rapporté des cas de prisonniers américains victimes d’erreurs judiciaires. Ce fut par exemple le cas de Ricky Jackson, emprisonné pendant 39 ans pour un meurtre qu’il n’avait pas commis. Une autre victime de ce type d’injustice fut Derrick Deacon emprisonné à tort pendant 24 pour les mêmes raisons. Un autre exemple d’une situation similaire est celui de Kareem Bellamy, inculpé pour meurtre en 1995 avant d’être innocenté en 2011.
Chacune de ces victimes de la justice a été indemnisée suite à la reconnaissance de leur innocence. Ricky Jackson le fut par l’Etat de l’Ohio, où il avait été emprisonné. Kareem Bellamy avait été dédommagé par l’Etat de New York où le crime dont il était accusé avait eu lieu. Quant à Derrick Deacon, il avait reçu une indemnisation à l’amiable de la part de la ville de New York après avoir poursuivi l’Etat de New York.
Si ces indemnisations sont loin de pouvoir réparer des années de privation de liberté, elles demeurent un luxe pour de nombreux prisonniers américains victimes d’erreurs judiciaires. Dans de nombreux Etats américains en effet, aucune compensation financière n’est due aux personnes emprisonnées à tort.
Au nombre de 18, il s’agit de l’Alaska, l’Arizona, l’Arkansas, le Dakota du Nord, le Dakota du Sud, le Delaware, la Géorgie, l’Idaho, l’Indiana, le Kansas, le Kentucky, le Nevada, le Nouveau Mexique, l’Oregon, la Pennsylvanie, Rhode Island, la Caroline du Sud et le Wyoming.
Lamonte McIntyre, qui a été emprisonné dans l’Etat du Kansas, ne peut donc bénéficier de compensations comme les ex-prisonniers d’Etats comme ceux de New York et de l’Ohio mentionnés plus haut.
Lamonte McIntyre
En 1994, alors qu’il n’était âgé de 17 ans, Lamonte McIntyre fut accusé du double meurtre de Doniel Quinn et Donald Ewing et emprisonné durant 23 ans. Outre Lamonte McIntyre qui a toujours clamé son innocence dans la mort des deux hommes, cette condamnation fut jugée abusive par de nombreuses personnes de leurs entourages. L’alibi fourni par les cousins et tantes de Lamonte McIntyre, qui affirmèrent qu’il était présent avec eux dans un lieu de la ville très éloigné du lieu du crime au moment du meurtre fut par exemple ignoré. De même, dès le procès initial ayant donné lieu à la condamnation de Lamonte McIntyre, les familles des victimes ont exprimé leur certitude quant à son innocence. Et pour cause : aucun élément physique, aucune arme et aucun mobile n’ont pu permettre d’associer Lamonte McIntyre, qui ne connaissait même pas les victimes, au crime. Aucune fouille n’a été faite chez ou sur Lamonte McIntyre. Sa condamnation abusive reposait sur des interrogatoires bâclés de témoins par des policiers corrompus n’ayant pas dépassé les vingt-minutes. Ce n’est que lorsque les spécialistes de médecine légale, sous la pression des avocats de Lamonte McIntyre et de ses soutiens, examinèrent le cas que ce dernier fut acquitté après seulement deux jours d’analyse puis libéré en octobre 2017. Ressortissant de l’Etat du Kansas, Lamonte McIntyre ne peut donc pas être indemnisé en compensation des 23 années passées par erreur derrière les barreaux. Pour essayer de lui permettre de recommencer la nouvelle vie qu’il mérite plus que tout, les soutiens de Lamonte McIntyre, qui a reçu une formation de coiffeur, ont lancé une collecte de fonds en ligne.
Un phénomène qui touche majoritairement les Noirs Américains
Outre celle qui pénalise encore davantage les ressortissants de certains Etats américains par rapport à d’autres en ne leur attribuant pas de compensation financière, un autre type de discrimination frappe certains citoyens américains innocents. Il s’agit de la couleur de peau. Ainsi, d’après une étude conduite par le National Registry of Exonerations en 2017, les Noirs Américains condamnés pour meurtre ont 50% plus de chance d’être innocents que leurs compatriotes blancs condamnés pour le même motif. Ces erreurs peuvent expliquées par divers facteurs comme la corruption des policiers, les préjugés conscients ou inconscients de la justice et des victimes. Par un effet boule de neige, de nombreux accusés innocents préfèrent plaider coupable pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, plutôt que de risquer des condamnations plus graves en plaidant leur innocence face à une justice qu’ils savent bien souvent être plus criminelle qu’eux.