John Boyega et Will Poulter: un duo brillant pour un film déchirant

Par Pascal Archimède. John Boyega: Quand on arrive à Hollywood, on ressent le besoin de se soutenir les uns les autres. »

NOFI a rencontré les deux anglais John Boyega et Will Poulter. Actuellement en promotion pour leur dernier film « Détroit », de Katryn Bigelow, qui sortira en salles françaises mercredi 11 octobre, les deux acteurs nous ont accordé un entretien cordial et décontracté dans lequel ils abordent la question du racisme aujourd’hui et de leurs rôles respectifs. En tant que jeune homme Noir et jeune homme Blanc issus de milieux différents, le duo évoque également la condition sociale et donne son regard sur l’industrie hollywoodienne.

John, tu es jeune et tu choisis souvent de tourner des films qui questionnent la société. Dirais-tu que tu es un homme noir conscient ?

John: Absolument. Dès mon plus jeune âge, j’ai été élevé pour être conscient de ma négritude. Mes parents, originaires du Nigeria, ont immigré au Royaume-Uni. Je pense que c’était la première fois qu’ils étaient confrontés à une autre culture. Mon père, très attaché à ses racines africaines, m’a longuement raconté et expliqué le changement qu’il a vécu en arrivant en Angleterre. A l’époque, il cumulait 2 jobs : l’un chez Burger King et l’autre dans le métro londonien. Évidemment, il a rencontré des gens d’origines et expériences diverses et en tant que technicien d’entretien, tu vis pas mal de choses qui t’exposent à la dureté de la vie. Par la suite, conscient qu’il avait fait des enfants dans ce nouvel environnement et que ce n’était pas facile tous les jours, il a fallu trouver des solutions pour s’en sortir. Pour survivre, tu dois être conscient des différences qui existent et mettre en place des stratégies. Selon lui, la situation est totalement différente pour ceux qui sont de souche britannique. J’ai donc été élevé dans cet état d’esprit et j’ai rapidement compris que la couleur de ma peau aurait un impact sur mes expériences futures.

John Boyega dans « Star wars »

Quels critères prends-tu en compte pour accepter ou refuser un rôle ?

 John: Ouh ! Excellente question ! Premièrement, le rôle doit être créatif. Si le script et l’histoire me plaisent et que le réalisateur est bon, alors tout est réuni pour que je l’accepte. Par contre, ça ne m’intéresse pas de jouer un personnage qui se rapproche de quelque chose que j’ai déjà fait. Je ne tiens surtout pas à ce que les gens s’ennuient en ayant une impression de déjà-vu. Je n’ai que 25 ans et le côté artistique détermine mes choix. Après Star Wars, la question raciale était un sujet brûlant. A chaque interview, je me sentais bizarre, car conscient que je faisais partie de l’aventure et de la franchise Star Wars, les gens ont tendance à te cataloguer et à te considérer comme un petit blanc. Je leur rappelais sans cesse que je suis noir, ne l’oubliez pas (rires). « Détroit » représentait donc tout cela pour moi et était une vraie opportunité de mettre en avant une prise de conscience. C’est ce qui m’a poussé à accepter ce rôle.

Will, dans Détroit tu incarnes Krauss, un policier blanc raciste. Quel effet cela t’a fait de jouer ce personnage ? D’avoir un peu le mauvais rôle en somme ?

Will: Bien sûr. Au départ, j’ai éprouvé un sentiment de plaisir à l’idée de jouer ce personnage, une vraie excitation à l’idée de mettre quelqu’un comme ça à nu et d’en faire un exemple. Ne t’y méprends pas, comprends-moi bien, mais nous n’avons pas fait ce film à un moment où le racisme était latent et puis, soudainement, on s’est dit que nous devions sortir le film avant que le racisme ne refasse surface. C’était plutôt à une époque où on assistait à une augmentation spectaculaire de bavures policières au cours desquelles des jeunes noirs innocents, non armés se faisaient tuer dans des endroits publics, dans des parcs ou encore dans la rue. Les policiers impliqués étaient souvent poursuivis en justice et étaient acquittés. Ces évènements ont choqué pas mal de personnes comme moi issues de milieux aisés. Je me suis donc renseigné sur le nombre de bavures recensées et quand j’ai appris que ça se passait déjà comme ça il y a 50 ans, j’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice afin d’attirer l’attention sur ces faits. Il ne s’agissait pas juste de faire la lumière sur les incidents qui se sont produits il y a 50 ans. Dieu merci, les choses ont changé, la situation n’est plus la même.

En jouant Krauss, j’ai voulu incarner sans complaisance le raciste dans toute sa splendeur. Je ne souhaitais surtout pas tomber dans le piège de créer une quelconque empathie pour le personnage et personne n’est venu me voir en me disant « Wouah, vous étiez super dans ce rôle ! »

Justement, quels retours as-tu eu du public quant à ton interprétation ?

John : Justement, j’ai rencontré un de mes potes il y a quelques jours qui m’a dit « Eh, Man, j’ai juste envie de frapper ce mec ». Et moi, je lui ai répondu, « Non Man, il n’est pas comme ça dans la vie, il jouait juste un personnage».

Will : J’ai discuté avec une afro-américaine d’un certain âge qui m’a dit exactement la même chose : « J’ai juste envie de vous gifler ». Un jour, à Detroit, des policiers blancs sont venus me serrer la main en me remerciant d’avoir fait ce film. Je leur ai répondu que j’ai très certainement rendu leur travail plus difficile car un jeune afro-américain qui voit ce film pourrait se sentir frustré par mon personnage, car quelque part j’exacerbe le rapport conflictuel qui existe entre la police et les jeunes en général. De plus, il est important de rappeler qu’en 1967, les afro-américains représentaient 40 % de la population de Détroit et que la police était composée de 95 % de blancs.

Du coup, la conclusion hâtive que pourrait tirer un blanc ignorant serait que les gens responsables de l’ordre sont à 95 % blancs, ce qui sous-entend que seulement 5 % d’afro-américains souscrivent à la loi et à l’ordre. Tu vois ce que je veux dire ? Ça renforce et alimente cette mentalité arriérée. Heureusement, les choses ont bien changé depuis et la police de Détroit représente aujourd’hui un modèle à l’échelle nationale.

Will Poulter (Krauss) et la réalisatrice Kathryn Bigelow

John, dans le film tu es Melvin Dismukes, un agent de sécurité qui tente de mettre fin à cette violence durant les émeutes de 1967. C’est une position délicate que d’être celui qui arrondit les angles, n’est-ce pas ?

En effet, c’est une situation délicate et conflictuelle. Il bosse dans une épicerie et souhaite juste aider, être l’intermédiaire. Il le confirme en disant qu’il voulait juste s’assurer que les policiers ne leur tirent pas dessus. Il quitte alors l’épicerie dans le but de calmer les choses. Il veut simplement servir de médiateur. Même si officiellement il n’est pas policier, il jouit d’une certaine autorité. Le fait qu’il soit noir lui permet d’être l’homme à qui parler. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Melvin Dismukes. Il est très impliqué au sein de la communauté et prêche la bonne parole auprès des jeunes. Dans le film, il se retrouve dans une situation particulièrement délicate et dérangeante. Témoin d’une fouille sur de jeunes noirs au cours de laquelle la police abuse de son pouvoir, Melvin n’ose intervenir de peur de se faire tuer.

En parlant de prêche, j’ai entendu dire que ton père était pasteur.

John : Il l’est encore. Quel jour on est aujourd’hui ? Vendredi ? Il officie ce soir à 19 heures (Rires).

Tu étais donc à l’aise dans ce rôle ?

John : Il ne s’agit pas de prêcher d’un point de vue religieux, mais plutôt de motiver les jeunes et de remettre sur le droit chemin ceux qui s’égarent. J’appelle ce genre de personnes des «Gandhi » car elles réussissent à donner de la profondeur aux choses les plus simples.

John, tu as dénoncé l’absence de noirs dans les films et séries fantastiques tels que «Games of Throne » ou «Le seigneur des anneaux ». Comment perçois-tu la question raciale et la représentation des noirs dans l’industrie cinématographique américaine aujourd’hui ?

Je pense que tu trouveras des noirs dans les séries telles que «Games of Throne », mais ils ne font que copier/coller la même «mentalité minoritaire » que l’on retrouve sur la planète terre. Ensuite, ils la transfèrent dans toutes les séries qui dépeignent des mondes imaginaires. Du coup, quand tu regardes de plus près, tu vas compter les noirs sur les doigts d’une main. Quand je dis cela, certaines personnes le prennent mal en répliquant «Mais bien sûr qu’il y a des noirs dans ces séries ». Tu comprends ce que je veux dire ? Par contre, tu ne les trouves pas forcément sur le dragon ou à la tête d’un royaume. Je viens du Nigeria qui est le pays africain le plus peuplé et parmi les pays les plus peuplés du monde, et dans ces séries je trouve que nous avons des rôles mineurs alors que nous représentons une majorité.

John Boyega dans « Star Wars »

Dirais-tu que les acteurs noirs sont solidaires ?

​Cette question m’intéresse car je pense qu’aujourd’hui, l’unité s’est renforcée. Je ne sais pas comment ça se passait avec les générations précédentes, mais maintenant, plus précisément au Royaume-Uni, il y a un vrai réseau. Un sentiment d’unité nous anime, surtout parce que beaucoup d’entre nous ont été formés ensemble et travaillent sur des projets communs. Du coup, quand on arrive à Hollywood, on éprouve le besoin de se soutenir les uns les autres.

Will Poulter dans « Le labyrinthe »

Vous venez tous les deux d’Angleterre. Est-il difficile de percer à Hollywood quand on est originaire du Royaume-Uni ?

Will : En tant que britannique, je répondrai non. Nous avons de la chance car Hollywood se tourne vers le Royaume Uni, l’Australie, les pays scandinaves et beaucoup d’autres pays en dehors des États-Unis. Hollywood semble être friand d’acteurs britanniques.

Par Pascal Archimède.

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