Détroit : retour sur les émeutes les plus sanglantes de l’histoire américaine

Les émeutes de 1967 à  Détroit comptent parmi les plus sanglantes de l’histoire des Etats-Unis. Sur un fond de guerre du Vietnam qui s’éternise et en pleine ségrégation raciale, la tension était à son comble dans les ghettos afro-américains. La réalisatrice Katryn Bigelow expérimente ces violences à travers  un fait divers survenu une de ces nuits, où la police a laissé libre cours à sa haine et tué plusieurs jeunes noirs dans l’intimité d’un hôtel. Sorti sur les écrans américains le 25 août,  Détroit sera dans les salles françaises le 11 octobre.

Détroit est à feu et à sang lors d’émeutes particulièrement  violentes où revendications sociales tournent aux règlements de comptes. La politique martiale de l’état américain est contestée par une grande partie de l’opinion publique, qui voit s’éterniser la guerre au Vietnam, où l’US armée s’embourbe tragiquement. Une guerre vue comme coloniale qui ajoute à la tension générée par la ségrégation raciale. En 1967, Noirs et bancs vivent en parallèle, chacun sa rue, chacun ses écoles, ses commerces, ses problèmes. Les ghettos afro-américains sont à l’abandon et les difficultés économiques de la nation pèsent sur ces populations de façon insoutenable. A l’heure de Martin Luther King, après l’assassinat de Malcolm X, les Noirs réalisent leurs conditions de vie et la perception négrohpobe des institutions, dans une société post-esclavagiste malade. Virginia Park, un quartier de Détroit dans l’Etat du Michigan, est l’épicentre de la violence des émeutes. Ainsi, les habitants sont sous le coup de l’état d’urgence. La police, blanche essentiellement, est sur les dents, débordées par les pilleurs, les casseurs, et  les manifestants. Le sergent  Krauss (Will Poulter), jeune policier peu sûr de lui, profite de cette situation chaotique pour s’octroyer le droit de nettoyer le quartier. Archétype du policier américain à la gâchette sensible, il voit là l’occasion de se prouver sa virilité en terrorisant et exécutant des noirs. De l’autre côté, une bande de jeunes afro-américains aspirant à une carrière musicale, va croiser par hasard la route de Krauss et de son équipe. Un soir, à l’hôtel Algiers, alors que les amis sont venus se détendre, loin de l’agitation du quartier, ils font la connaissance d’autres garçons et de deux jeunes femmes blanches. La joyeuse bande ignore que la nuit va tourner au drame.

Une longue nuit

Krauss et ses hommes encerclent l’hôtel Algiers à la recherche d’une arme à feu. Le petit jeu sadique mis en place pour faire peur à ces jeunes et les pousser à l’aveu tourne mal. Ils sont menacés, battus, abattus. Seules les forces de l’ordre sont en possession d’armes. Trois hommes sont tués, froidement et à bout portant, tous les autres blessés. Parmi les survivants finalement  relâchés, Larry (Algie Smith) est le plus traumatisé. Cette nuit impactera définitivement sa vie, d’autant que le drame sera remué lors du procès opposant les forces de police aux témoins et victimes de l’assaut. Un événement qui n’en n’est malheureusement pas un puisqu’il oppose des hommes blancs détenteurs de la force publique à quelques Noirs anonymes de basse classe. Bien que les  médias aient relayée l’affaire, la population pauvre de Détroit est sceptiques quant au verdict, elle qui connaît déjà la chanson.  Pourtant, la surprise ne demeurera pas tant dans le verdict que dans la tournure complètement inattendue et révoltante que va  prendre l’affaire.

John Boyega magistral dans le rôle de la force tampon

Dans cet affrontement social, racial et politique, il existe une force tampon : Melvin Dismukes. Agent de sécurité la nuit, Dismukes comprend l’enjeu de cette situation qui se dirige fatalement vers une hécatombe. Armé, portant son uniforme, il sait néanmoins qu’il ne pourra pas convaincre les policiers de résister à leurs passions. Pourtant, magnanime et diplomate, il tentera toute la nuit de faire la force tampon comme défenseur des uns et raisonneur des autres. De jeunes noirs coincés par la police dans un hôtel, en pleine nuit, durant les émeutes les plus violents de l’histoire américaine moderne, Dismukes sait que cela ne peut pas bien finir. Toute la nuit, lui qui a tenté de sympathiser avec les garants de la force publique va essayer d’atténuer la violence, comptant également sur son capital sympathie et sa présence qui met mal à l’aise la police. Contrairement à ce qu’il croit, le racisme ne voit pas de bons noirs et être gentil ne suffit pas. Ici, John Boyega (Star Wars, Half of a yellow sun…) incarne un rôle complexe. Il apparaît tantôt comme un homme de main des blancs pour les siens, qui, dans l’urgence, ne comprennent pas sa démarche ; comme un détail insignifiant pour les blancs. Lucide mais tempéré, le destin jouera tout de même contre lui. Le procès, qui se tiendra plus tard, permettra de faire revenir le spectateur à la réalité de cette époque, de cette nation. Personne ne s’en sort et bon ou mauvais, être noir ne sauve pas. Une performance brillante pour le londonien de 24 ans et tout le casting, essentiellement composé de jeunes interprètes.

Katrhyn Bigelow met les pieds dans le plat

En cette rentrée 2017, la réalisatrice américaine joue un grand coup avec ce film poignant. Aucun filtre, aucune amputation, Bigelow n’a pas tenté de fabriquer une « happy end » ou d’éluder la cruelle réalité d’être noir et souvent pauvre dans une Amérique blanche privée de ses esclaves, débordée par leurs descendants et qui n’a jamais pris à bras-le-corps le problème de la fracture raciale. Afin de donner de la profondeur à son dixième long-métrage, elle avoue elle-même avoir testé les acteurs dans des improvisations. Seuls sont qui se sont révélés ont été pris pour le tournage. Un mode opératoire qui a porté ses fruits et traduit également la conscience sociale et politique de ses acteurs à qui elle a laissé imaginer comment pouvait se dérouler cette partie cruciale du film, dans laquelle les victimes sont prises au piège dans l’hôtel. Cela sonne juste et fait la preuve que le contexte américain actuel, avec la visibilité mondiale des meurtres d’afro-américains par la police notamment, n’évolue pas vraiment et découle toujours directement de cette douloureuse histoire les autorités refusent toujours d’affronter. Le scénario est crédible, réaliste à la fois révoltant et nécessaire. L’ex-femme du réalisateur James Cameroun lâche une bombe cinématographique pour forcer la société à se regarder en face. A découvrir en salles le 11 octobre.

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SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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