L’introduction nocive des jeux d’argent dans le nord du Ghana par des Chinois

Le nord du Ghana est actuellement le lieu d’une épidémie de jeux d’argent aux graves conséquences, une habitude récemment importée dans la région par des immigrés chinois.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

En expliquant les maux de l’Afrique contemporaine, de nombreux observateurs africains ont tendance à blâmer l’arrivée d’étrangers. Ceux-ci auraient perturbé l’harmonie  des sociétés africaines originelles en y important leurs coutumes déviantes. Selon d’autres observateurs, la situation serait beaucoup plus complexe et les coutumes incriminées auraient précédé l’arrivée d’étrangers. Un cas particulièrement édifiant est celui de la Traite des Noirs dont l’existence en Afrique avant l’arrivée de l’Islam et des Européens continue de diviser. Un autre mal, aux conséquences certes moins graves, a pris naissance devant nos yeux au nord du Ghana. Et dans son cas, il est indiscutable qu’il provient effectivement de pratiques étrangères aux pratiques africaines locales. Il s’agit de l’introduction de la pratique de jeux d’argent par des immigrants chinois dans le nord du Ghana.

Dans son article pour nos confrères du L.A. Times, Jonathan Kaiman raconte l’arrivée de machines à sous  dans le nord du Ghana au début de l’année 2016. Y est expliqué comment dans cette région rurale vivant pour la moitié de sa population bien en dessous du seuil de la pauvreté, cette nouvelle introduction a conduit de nombreux locaux à délaisser leur activité d’agriculteur pour dépenser leurs maigres économies dans le hasard de ces jeux. Est aussi rappelé comment des enfants âgés pour certains, de seulement dix ans, ne vont plus à l’école et volent leurs parents pour pouvoir s’adonner à cette nouvelle addiction.

Ce fléau, Esther Armah, une animatrice radio et universitaire ghanéenne l’inscrit dans un phénomène plus général de colonialisme chinois en Afrique. Pour elle, l’économie du Ghana sert principalement les étrangers, et non les Ghanéens eux-mêmes comme elle le devrait.

jeux d'argent
Ubor Dawuni Wumbe, chef de la localité de Bunbong. (Noah Fowler / The Times)

Comme dans toute période d’oppression, on trouve des résistants. L’un d’entre eux, Ubor Dawuni Wumbe, chef de la localité de Bunbong, a décidé de chasser les gérants de machines de son village, puis a refusé des pots-de-vin de leur part. « Nous savions que cela causerait un grand nombre de problèmes dans un futur proche. On sait que cela entraînera l’arrivée de la drogue, de la prostitution et les vols. »

Ubor Dawuni Wumbe a eu raison dans ses prévisions. Dans les très nombreuses autres localités où les autorités ont collaboré avec les gérants chinois se produisent, comme directe conséquence de l’introduction des machines à sous, des événements déplorables.

Par exemple, en avril 2017, un Chinois possesseur de machines à sous envoya des voyous agresser le gérant d’un bar qu’il accusait d’avoir volé la recette des jeux d’argent.  L’individu fut hospitalisé avec des blessures causées par des coups de couteau.

D’autres autorités locales ont essayé de lutter contre la prolifération des machines à sous dans la région. Après avoir saisi 38 machines à sous dans le district municipal de Bolgatanga, des officiels se sont rendus compte que la société distribuant ces machines était une société obscure et impossible à joindre basée dans la capitale à Accra. Se pose alors la question de la responsabilité des institutions ghanéennes face à ce phénomène, qu’elles pourraient laisser couler devant les nombreuses infrastructures construites dans le sud du pays par la Chine.

Bien qu’elle eût récemment été importée dans le nord du pays, la pratique des jeux d’argent est légale dans le pays. Elle est fréquente et régulée dans la capitale, Accra, bien qu’elle soit interdite aux mineurs, ces mineurs si touchés par ce fléau dans le nord du pays.

Cette situation fournit un autre point de comparaison avec l’introduction et les conséquences de la traite des Noirs en Afrique.

Que la traite des Noirs ait existé plus tôt dans certaines régions d’Afrique que d’autres n’implique pas que son introduction dans une région ou l’autre ne provienne pas de l’étranger et ne doive pas être à mettre sur le compte de ces derniers.

Cette situation contemporaine montre aussi qu’au delà de la simple dichotomie entre esclavagistes eurasiens, collaborateurs africains et victimes afro-descendantes déportées dans le cadre de la traite des Noirs, il a existé des victimes africaines bien plus importantes mais pourtant passées sous silence.  Il s’agit de sociétés africaines détruites dans leur fonctionnement, leur économie et leur nature au détriment d’un petit nombre, alors que celles de l’Europe prospéraient dans le même temps sur le dos de la même traite.

Contrairement à la traite des Noirs toutefois, la popularisation à grande échelle des méfaits de l’introduction de machines à sous chinoises dans le nord du Ghana nous fournit un miroir de la situation nocive à laquelle nous sommes confrontés et devant laquelle nous sommes appelés à réagir.

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http://nofi.fr/2014/10/chine-afrique-des-raisons-de-craindre-le-pire/2452

 

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