Le Bilan de José Eduardo Dos Santos

Mercredi 23 aout 2017, les Angolais élisaient João Lourenço à la tête du pays, mettant ainsi un terme aux 38 ans de règne de José Eduardo Dos Santos. L’occasion de revenir sur le bilan économique de ce dernier et sur le développement phénoménal de cette ancienne colonie portugaise.

Une fin de règne préparée

José Eduardo dos Santos avait déclaré en décembre 2016 qu’il ne se représenterait pas aux élections présidentielles en Angola, laissant ainsi sa place à João Lourenço, ministre de la Défense angolais, choisi par le Movimento Popular de Libertação de Angola (MPLA) dont il est le vice-président [1] [2] . Dos Santos, âgé de 74 ans, et au pouvoir depuis 1979, aurait des problèmes de santé le contraignant  à tirer sa révérence [3]. Courant 2017, il s’était rendu à Barcelone pour raisons médicales et avait longuement séjourné à l’hôpital,bien que le gouvernement soit resté discret sur le sujet.

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Joao Lourenço et José Dos Santos

Toutefois, même si Segnor Dos Santos quitte la présidence, il ne part pas sans s’être octroyé une gigantesque part du gâteau angolais :

  • Il demeure président du MPLA, s’assurant ainsi de toujours jouer un rôle de premier ordre sur l’échiquier politique angolais.
  • Il a placé ses enfants à des postes clés de l’économie angolaise.

En effet, José Edouardo Dos Santos est le père d’Isabel Dos Santos et de José Filoméno Dos Santos, deux enfant à qui il a octroyé de grands pouvoirs politiques et économiques.

Isabel dos Santos, âgée de 44 ans est une business-woman angolaise désignée par le magazine Forbes  la femme la plus riche d’Afrique [4].  A ce jour, toujours selon le magazine Forbes, sa richesse nette s’élèverait à plus de 3,5 milliards de dollars. La fille Dos Santos est la première femme milliardaire du continent et par la même occasion, l’une des plus influentes du monde.

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C’est en 1997 qu’elle se lance dans le monde des affaires en ouvrant le Miami Beach Club. En 20 ans, Isabel Dos Santos a su faire prospérer son entreprise qui a finit par devenir un acteur économique angolais majeur. Depuis 2008, elle a aussi investit dans de nombreux secteurs au Portugal et en Angola, principalement dans  les télécommunications, les médias, le commerce de détail, la finance et de l’énergie. En outre, en juin 2016, José Eduardo Dos Santos a congédié l’ensemble du conseil d’administration de la Sonangol [5] et placé sa fille Isabel à sa tête.

Par ailleurs, la riche héritière est mariée  à Sindika Dokolo depuis 2002. Ce dernier est connu pour être un brillant homme d’affaires congolais et grand collectionneur d’art. On le dit en possession de l’une des plus importantes collections d’art africain contemporain.

Isabel dos Santos et son mari Sindika Dokolo

José Filoméno Dos Santos quant à lui, s’est vu octroyer par son présidentiel géniteur le Fundo Soberano de Angola, le fonds souverain du pays s’élevant à près de 5 milliard de dollars. Il siège aussi au conseil d’administration depuis 2012,  succédant à Armando Manuel en qualité de président depuis juin 2013.

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Le bilan économique du règne de José Eduardo Dos Santos

L’Angola dispose d’un riche sous-sol, notamment en matière de diamant, de pétrole, d’or, de cuivre ainsi que d’une faune et une flore riches. Depuis l’indépendance, le pétrole et les diamants sont la ressource économique la plus importante du pays. Depuis la fin de la guerre en 2002, l’Angola s’est reconstruite sur le pétrole et, dans une moindre mesure, sur le diamant. En effet, l’Angola est à la huitième place au palmarès des producteurs OPEP pendant la décennie 2010, derrière l’Arabie saoudite et l’Irak, l’Iran et les Émirats, mais aussi le Koweït, le Nigeria et le Venezuela.

L’agriculture des petites et des moyennes plantations a considérablement chuté en raison de la guerre civile. Néanmoins le secteur a regagné en dynamisme après 2002. Le gouvernement avait feint de vouloir diversifier l’économie en donnant la priorité à l’agriculture commerciale et à l’industrialisation. En vain. Des dizaines de milliards de dollars ont été dépensés dans de grandes infrastructures souvent défaillantes après la saison des pluies. Il convient aussi de noter que l’industrie de la transformation qui a existée à la fin de la période coloniale portugaise s’est effondrée à l’indépendance, en raison de l’exode de la majorité de la population portugaise.

Dans l’ensemble, l’économie angolaise a évolué sous la présidence Dos Santos du désarroi provoqué par un quart de siècle de guerre civile pour devenir une économie de plus en plus forte sur le continent africain et l’une des plus rapides au monde. Pour rappel, l’Angola c’est une croissance moyenne du PIB de 20% entre 2005 et 2007. En 2017, le PIB de l’Angola s’élève à 193,935 milliards de dollars, soit davantage que ceux de l’Ethiopie, du Kenya et du Rwanda réunis (64e rang mondial). En 2014, le prix du baril de brut angolais était d’environ 104 dollars ; il allait diminuer de moitié l’année suivante. Au cours de la période 2001-10, l’Angola a enregistré la croissance annuelle la plus élevée du PIB mondial, à 11,1%.

L’économie angolaise est en plein essor du fait des revenus du pétrole et de la politique stable de Dos Santos.

Le parti a été pris de collaborer avec la Chine, ce monstre économique qui est devenu sous le règne de Dos Santos, le principal partenaire commercial et exportant de l’Angola, ainsi que le quatrième importateur du pays. Le commerce entre les deux nations a atteint 27,67 milliards de dollars en 2011, en hausse de 11,5% par rapport à l’année précédente. Les importations chinoises, principalement le pétrole brut et les diamants, ont augmenté de 9,1% pour s’établir à 24,89 milliards de dollars, tandis que les exportations de la Chine, y compris les produits mécaniques et électriques, les pièces de machines et les matériaux de construction, ont grimpé de 38,8%. La marge d’huile a conduit à un prix de vente d’essence sans plomb local « de £ 0,37 par gallon.

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Le magazine d’actualité hebdomadaire britannique The Economist a rapporté en 2008 que les diamants et le pétrole représentent 60% de l’économie angolaise, presque tous les revenus du pays et toutes ses exportations dominantes. La croissance est presque entièrement due à la hausse de la production pétrolière qui a dépassé 1,4 million de barils par jour (220 000 m3 / j) à la fin de 2005 et devrait atteindre 2 millions de barils par jour (320 000 m3 / j) d’ici 2007. Contrôle de l’industrie pétrolière est consolidé dans Sonangol Group, un conglomérat appartenant au gouvernement angolais. En décembre 2006, l’Angola a été admis comme membre de l’OPEP. Cependant, les opérations dans les mines de diamants comprennent des partenariats entre Endiama et sociétés minières telles que ALROSA qui continuent leurs activités en Angola. L’économie a progressé de 18% en 2005, de 26% en 2006 et de 17,6% en 2007. Cependant, en raison de la récession mondiale, l’économie s’est contractée d’environ -0,3% en 2009. La sécurité provoquée par le règlement de la paix de 2002 a conduit à la réinstallation de 4 millions de personnes déplacées, ce qui a entraîné une augmentation importante de la production agricole.

Bien que l’économie du pays se soit considérablement développée depuis sa stabilité politique en 2002, principalement grâce à la croissance rapide du secteur pétrolier, l’Angola est confronté à d’énormes problèmes sociaux et économiques. Ce sont en partie le résultat de l’état de conflit presque continu à partir de 1961, bien que le plus haut niveau de destruction et les dommages socio-économiques aient eu lieu après l’indépendance de 1975, pendant les longues années de guerre civile. Cependant, les taux élevés de pauvreté et les inégalités sociales flagrantes sont principalement le résultat d’une combinaison d’un autoritarisme politique persistant, de pratiques «néo-patrimoniales» à tous les niveaux des forces politiques, administratives, des forces armées et économiques et d’une corruption omniprésente. Le principal bénéficiaire de cette situation est un segment social constitué au cours des dernières décennies, autour des détenteurs de pouvoir politique, administratif, économique et militaire, qui a accumulé (et continue d’accumuler) d’énormes richesses. Les «bénéficiaires secondaires» sont les couches intermédiaires qui sont sur le point de devenir des classes sociales. Cependant, globalement, près de la moitié de la population doit être considérée comme pauvre, mais à cet égard, il existe des différences dramatiques entre les campagnes et les villes (où actuellement plus de 50% des personnes vivent).

Une enquête menée en 2008 par l’Institut national de statistique angolais indique que dans les zones rurales, environ 58% doivent être classés comme «pauvres», selon les normes de l’ONU, mais dans les zones urbaines, seuls 19%, alors que le taux global est 37%. Dans les villes, une majorité de familles, bien au-delà de celles classées comme pauvres, doivent adopter diverses stratégies de survie. Dans le même temps, dans les zones urbaines, l’inégalité sociale est plus évidente et assume des formes extrêmes dans la capitale, Luanda. Dans le Human Development Index, l’Angola se classe constamment dans le groupe inférieur.

En conclusion, le bilan de la présidence de José Eduardo Dos Santos comporte de nombreux aspects positifs. Cependant,  les mesures prises se sont bien trop souvent avérées éphémères. D’aucun diront que Le MPLA n’a plus d’autre solution que le développement réel. D’autant qu’une grande partie de la population angolaise a moins de 25 ans. Les jeunes ne sont plus sensibles à la mythologie du parti, à la diabolisation de l’Unita. Ils veulent des emplois. C’est ça là le défi que devra relever João Lourenço, dès aujourd’hui.

Notes et références

[1] Agence France Presse ~ « Angola: le président dos Santos ne se présentera pas à un nouveau mandat« , L’Express, publié le 2 décembre 2016

[2] Le Mouvement populaire pour la Libération de l’Angola (MPLA) est le parti politique au pouvoir depuis l’indépendance de l’Angola en 1975. Le MPLA s’est battu contre l’armée portugaise au coté de l’União Nacional para a Independência Total de Angola (UNITA) du Front de libération nationale d’Angola (FNLA), deux autres puissances anti-coloniales, dans la guerre civile angolaise de 1975 à 2002.

[3] Michael Pauron ~ « Angola : Dos Santos malade, la guerre de succession a commencé« , Jeune Afrique, publié le 19 mai 2017

[4] Kate Vinton ~ « African Billionaire Fortunes Decline On New FORBES List Of The Continent’s Richest« , Forbes, publié le 9 janvier 2017

[5] La Sonangol est une entreprise en charge de la supervision de la production de pétrole et de gaz naturel en Angola. Le groupe est la principale entreprise d’Angola, représentant près d’1/3 du P.I.B du pays.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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