Interview : Hery Djehuty fait le point sur la situation de Kemi Seba

Dans cet entretien, Nofi a donné la parole à Hery Djehuty, conseiller stratégique et coordinateur de l’ONG urgences panafricanistes. L’occasion d’aborder la situation de Kemi Seba, actuellement en détention provisoire à Dakar au Sénégal.

Bonjour Hery, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et nous parler de toi ?

Bonjour, je suis Hery Djehuty, historien de formation, j’ai aussi étudié la géopolitique et suis actuellement doctorant en sciences politiques. J’ai fait la rencontre de Kemi Seba fin 2005, date depuis laquelle je travaille à ses côtés. Kemi est ainsi devenu au fil du temps mon compagnon d’armes et mon ami. J’ai appartenu à la quasi-totalité des mouvements qu’il a initiés, de la « Tribu Ka » jusqu’à l’ONG « Urgences Panafricanistes » dont je suis le coordinateur et le conseiller stratégique. Mon rôle au sein de cette structure a notamment été de coordonner les différentes mobilisations du Front anti-CFA (Colonialisme Français en Afrique). C’est d’ailleurs dans ce cadre que je me trouvais à Dakar, sur la place de l’obélisque aux côtés de mon frère lorsqu’il a symboliquement brûlé un billet de 5 000fCFA.

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Kemi Seba et Hery Djehuty, cadres de l’ONG « Urgences Panafricanistes ».

Pourrais tu faire le point sur la situation de Kemi Seba?

Il est actuellement en mandat de dépôt à la prison centrale de Rebeuss, dans la banlieue de Dakar. Il a été arrêté à son domicile vendredi 25 août dernier, vers 7 heures du matin, par les agents de la DIC. La DIC c’est la Division des Investigations Criminelles, c’est l’équivalent sénégalais du FBI. Généralement, on trouve dans ses rangs des agents de l’Etat. C’est une division connue pour son instrumentalisation politique. D’ailleurs, elle est régulièrement critiquée au Sénégal actuellement. Un autre frère de l’ONG, Bentaleb Sow a lui aussi été interpelé à son domicile.

Ils ont été tous les deux interrogés toute la journée, avant d’être déférés au parquet aux alentours de 19h00. Suite à cela il ont été entendus par le procureur, qui les a placés en mandat de dépôt. Ils sont donc en détention provisoire jusqu’à leur procès, mardi 29, dans le cadre d’une comparution immédiate. A l’issue de ce procès, il y aura deux possibilités : soit ils ressortiront libres en vue d’un autre procès sur le fond qui devrait se tenir dans les prochains mois, soit ils resteront en détention, toujours dans l’attente d’un procès ultérieur.

Comment se porte Kemi Seba ?

Il se porte bien et demande à chacun de rester mobilisé. Voilà les informations dont nous disposons actuellement. Il est entre de bonnes mains puisque que le ténor du barreau, Me El Hadji Diouf est son avocat. Le staff suit la situation de près et sollicite la présence d’autres avocats afin de constituer un pôle de pénalistes ayant en commun leur activisme.

Quel est son état d’esprit ?

D’après son avocat, Kemi est très calme, répondant sereinement aux questions sans jamais se défiler. Comme à son habitude, il assume pleinement son acte, au regard de l’Histoire et est conscient que le fait de brûler un billet est répréhensible par la loi sénégalaise, et encore, il existe des jurisprudences démontrant que les choses sont beaucoup plus complexes. Kemi connaît parfaitement les risques du combat qu’il a entreprit. On considère que la lutte contre le fCFA est une lutte indispensable. Il s’agit de la lutte pour la souveraineté de l’Afrique.

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Kemi demande surtout à chacun de ne pas poser d’actes inconsidérés, car il est indispensable que la lutte de la souveraineté pour l’Afrique reste en cohérence avec notre ligne idéologique afin de ne jamais rien avoir à regretter. Les actes inconsidérés risqueraient d’être cotre-productifs alors que notre objectif est de susciter un débat permettant in fine l’avènement d’une nouvelle Afrique.

Comment peut-on venir en aide à l’action d’Urgences Panafricanistes ?

La meilleure façon de soutenir notre démarche de lutte contre le fCFA  peut s’opérer de deux manières : nous avons avant tout besoin de l’engagement de chacun, sur la toile, les réseaux sociaux, à travers le hashtag #LiberezKemiSeba, car nous sommes à l’ère de la guerre de la communication. C’est important du fait que les médias mainstream ont tendance à travestir la réalité. Il nous faut donc des médias alternatifs qui diffusent les véritables infos, comme NOFI que je remercie au passage.

Cette affaire est justement l’occasion de débattre, d’échanger à ce sujet. On considère que tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice de ce côté là. Mais aussi sur le terrain en se déplaçant lors des mobilisations qui se dérouleront un peu partout et qui sont en préparation,que chacun fasse l’effort d’être présent pour manifester son soutien physiquement.

Mais on peut aussi nous soutenir via une cagnotte. Il faut comprendre que l’adversaire est organisé, puissant. Il est donc nécessaire qu’on soit capable, nous aussi de produire une défense solide, structurée d’une équipe de pénalistes aux convictions panafricanistes. Ils sont certes prêt à faire des sacrifices, mais il nous est indispensable d’être en mesure d’assurer un maximum de leur frais.

Que faut-il absolument éviter ?

Bien entendu, évitons les pièges tendus par l’adversaire, ne cédons pas à l’énervement. Je sais que nombreux son ceux qui sont touchés par le sort réservé aux deux frères de l’ONG, mais ça n’est pas en étant dans l’impulsivité, dans l’émotivité, qu’on parviendra à remporter la bataille. C’est justement dans ce genre de situations délicates qu’il s’agit de faire montre de froideur analytique au niveau du comportement et des actions. C’est de cette manière que nous pourrons être plus efficaces. Dès lors que nous gagnerons en efficience, nous serons en mesure d’être la génération qui apporte le changement sans avoir à dire à nos enfants qu’ils auront à lutter contre les mêmes problématiques. Nous devons tirer les enseignements de notre passé et cette démarche demande du calme.

Où peut-on suivre l’actualité de cette affaire ?

Les seules informations officielles et autres instructions seront données via la page facebook de Kemi Seba.

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http://nofi.fr/2017/08/kemi-seba-2/42281

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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