6 exemples d’actes de « terrorisme domestique » à l’américaine

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la suprématie blanche tue plus que n’importe quelle autre forme de terrorisme aux Etats-Unis. En voici quelques exemples.

Le racisme tue encore et toujours au États-Unis

Alors que l’extrême droite américaine était rassemblée, avec l’aval des autorités, la haine raciale s’est une fois de plus exprimée de façon meurtrière samedi 12 août à Charlottesville en Virginie. En effet, tandis que les militants « antiracistes » protestaient contre la tenue de la manifestation, une femme de 32 ans est morte, renversée par une voiture lancée à vive allure. Un acte terroriste clairement prémédité qui a notamment fait de nombreux blessés avant que le chauffard ne prenne la fuite. Un témoin oculaire de la funeste scène décrira à la presse l’horreur de la scène  :

« On marchait dans la rue quand une voiture, une berline noire ou grise, nous a foncé dessus, elle a percuté tout le monde. Puis elle a reculé et nous a encore heurtés. Il y avait une fille derrière qui essayait de se relever (…) Une fille au sol a été mutilée. C’était volontaire, ils ont fait exprès de reculer » [1]

Le conducteur qui a foncé sur des contre-manifestants à Charlottesville samedi 12 août 2017, en marge du rassemblement s’appelle Alex Fields. Il s’agit d’un sympathisant d’extrême-droite de 20 ans proche de Vanguards America, une organisation blanche et nationaliste basée à Charlotteville. Il est de plus décrit comme ayant une « admiration pour les Nazis, pour Adolf Hitler » selon l’un de ses anciens professeurs. Le terroriste sera appréhendé par la police et inculpé pour meurtre, blessures et délit de fuite.

On ne s’étonnera qu’à moitié des dernières déclarations aberrantes de Donald Trump, l’excentrique président-milliardaire américain au sujet des attentats de Charlotteville :

« J’ai regardé de très près, de beaucoup plus près que la plupart des gens. Vous aviez un groupe d’un côté qui était agressif. Et vous aviez un groupe de l’autre côté qui était aussi très violent. Personne ne veut le dire. Que dire de l’alt-left qui a attaqué l’alt-right” comme vous dites ? N’ont-ils pas une part de responsabilité ? »

Ce qui est en réalité bien plus étonnant, c’est que le terrorisme dit « islamiste » est présenté au pays de l’Oncle Sam comme la plus grande menace pour le peuple américain, alors qu’en réalité le terrorisme domestique, souvent motivé par la haine raciale ou le fanatisme religieux (chrétien pour le coup), est bien plus meurtrier aux Etats-Unis.

La longue tradition du terrorisme domestique américain

Avant toute chose, il convient néanmoins de s’entendre sur la définition de quelques termes. En effet, il n’y a pas de consensus international quant à la définition du terrorisme. De nombreux états à travers le monde utilisent différentes définitions. En outre, il serait dangereux pour certains gouvernements de définir avec précision le terrorisme car, comme l’a dit le Dr Khalid Abdul Muhammad, de la NOI, « les terroristes des uns sont les combattant de la liberté des autres« .

Ainsi, lorsque nous évoquerons le terrorisme dans cette article, nous l’entendrons au sens que lui donne la législation américaine, c’est-à-dire comme une :

« violence préméditée et politiquement motivée, perpétrée contre des cibles non-combattantes par des groupes sous-nationaux ou des agents clandestins » [2]

Plus précisément, nous nous attarderons sur la notion de terrorisme domestique américian qui consiste en des actes terroristes effectués par des citoyens américains ou des résidents permanents aux États-Unis. Le Partiot Act, signé par G.W Bush quelque temps après les attaques du 11 septembre, définit juridiquement le terrorisme domestique comme des activités qui :

  • (A) implique des actes dangereux pour la vie humaine qui constituent une violation des lois pénales des États-Unis ou de tout État; 
  • (B) semble être destiné:
    • (i) à intimider ou à contraindre une population civile;
    • (ii) à influencer la politique d’un gouvernement par intimidation ou coercition, ou
    • (iii) affecter la conduite d’un gouvernement par destruction massive, assassinat ou enlèvement, et
  • (C) se produisent principalement dans la juridiction territoriale des États-Unis. [3]

Au vu de telles définitions, il est indéniable que les Etats-Unis aient à de nombreuses reprises étés le théâtre d’actes terroristes perpétré par des américains contre d’autres américains. Nous vous proposons dans cet article une liste non-exhaustive d’actes de terrorisme domestique à l’américaine qui, comme vous allez pouvoir le constater sont bien loin de la menace islamiste si souvent brandie pas les autorité :

1° Les attentats terroristes d’East St. Louis

Durant les mois de mai et de juillet 1917, la ville industrielle d’East St. Louis a été la proie d’une explosion de violences racistes. Ces actes de terrorisme domestique ont causé la mort de près de centaines d’afro-américains ainsi que des dégâts matériels chiffrés aujourd’hui à plus de 8 millions de dollars. La raison en est qu’au printemps 1917, alors que les ouvriers en majorité blancs de l’Aluminium Ore Company avaient voté la grève générale afin de protester contre leur condition de travail, la société recruta des centaines d’ouvriers Noirs pour les remplacer. Les tensions raciales s’accrurent, exacerbées de surcroît par des rumeurs selon lesquelles des hommes noirs et des femmes blanches avaient sympathisé lors d’une réunion de travail tenue le 28 mai. [4]

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Il ne fallut pas longtemps pour que de simples ouvriers deviennent de sanguinaires terroristes motivés par la haine de l’Homme noir. Environ 3 000 hommes blancs marchèrent sur le quartier Noir d’East St. Louis, s’attaquant aux Afro-américains qui croisaient leur chemin, détruisant des bâtiments. Suite à ce premier attentat, un véhicule occupé par des blancs fit irruption dans le même quartier Noir de la ville le 2 juillet et fit feu sur un groupe d’afro-américains. Quelques instants plus tard, une voiture similaire, occupée elle aussi par des blancs, traversa le quartier et essuya les tirs de représailles de la communauté noire. Malheureusement, les passagers de la voiture n’étaient autres que des agents de police et des journalistes. Un policier mourut sur le coup et un autre fut grièvement blessé.

Plus tard dans la journée, une foule blanche se rassembla autour du véhicule encore criblé de balles et marchèrent une seconde fois sur le quartier noir. Cette fois, ils coupèrent les tuyaux d’eau des pompiers, incendièrent des parties entières du quartier et abattirent de sang-froid les afro-américains qui tentaient de s’extirper des flammes. Il en lynchèrent de nombreux autres. Selon certains témoins, plusieurs voix s’écriaient d’ailleurs, dans la foule raciste, scandant que « les Nègres du Sud méritaient un véritable lynchage » [5]. D’aucuns affirme même que certains membres des forces de l’ordre se joignirent aux massacres, c’est notamment le cas de ce média de l’époque déclarant :

« Tous les témoins impartiaux conviennent que la police était indifférente ou stimulée par les barbaries et que la majeure partie de la garde nationale était indifférente ou inactive. Aucun effort organisé n’a été fait pour protéger les nègres ou disperser les groupes assassins. La frénésie et une foule furieuse ont rendu la tâche facile. Dix officiers déterminés auraient pu empêcher la plupart des actes de violence. Cent hommes agissant avec autorité et vigueur auraient pu empêcher toutes atrocités. » [6]

Photo de la marche de protestation silencieuse à New York, le 28 Juillet 1917.

La sauvagerie de ces actes terroristes ainsi que le refus des autorités américaines de protéger les vies innocentes de leur concitoyens noirs, ont contribué à la radicalisation de nombreux Noirs à travers le pays. Marcus Garvey, chantre du panafricanisme déclara lors d’un discours, le 8 juillet 1917 que le massacre d’East St. Louis furent « l’un des actes les plus sanglants contre l’humanité » et « un massacre de masse de notre peuple » [7].

2° La vague terroriste du « Red Summer » de 1919

Le « Red Summer » [Été Rouge, NDLR] fait référence aux nombreux attentats terroristes meurtriers qui ont eu lieu durant l’été 1919. Ces manifestations de terrorisme domestique à caractère racial ravagèrent de nombreux quartiers afro-américains à l’économie florissante [8]. C’est l’écrivain de la « Harlem Renaissance » et militant du Mouvement des Droits Civiques James Weldon Johnson [9] qui a inventé le terme « Red Summer« .

Les attaques furent sanglantes et de nombreux afro-américains y laissèrent la vie :

  • Charleston => 3 morts
  • Longview (Texas) => 4 morts
  • Norfolk => 6 morts
  • Knoxville (Tennessee) => plus de 20 morts
  • Elaine dans l’Arkansas => entre 100 et 240 morts
  • Washington => 38 Noirs morts
  • Chicago => 15 Noirs morts

À l’instar des massacres d’East St. Louis, la vague terroriste du « Red Summer » tire son origine de la concurrence entre ouvriers blancs et noirs sur le monde du travail au sortir de la Première Guerre Mondiale, mais aussi du fait que les travailleurs Noirs étaient régulièrement embauchés dès qu’il s’agissait de briser des grèves.

Will Brown, brulé vif lors de la vague de terrorisme du « Red Summer »

Notons que durant l’Été Rouge, le 3 juillet, la police locale de  Bisbee dans l’Arizona, ira jusqu’à attaquer les soldats du 10th U.S. Cavalry, une unité afro-américaine plus connue sous le nom de « Buffalo Soldiers« .

3° Les attentats terroristes de Tulsa et la destruction de « Black Wallstreet »

http://nofi.fr/2017/01/black-wall-street-brillant-exemple-dautodetermination-economique/34145

4° Le massacre de Rosewood

Fondé en 1845, Rosewood était un village afro-américain auto-suffisant situé au bord de la ligne de chemin de fer de Seaboard Air Line, dans le comté rural de Levy. Au tournant de l’année 1923, des blancs de plusieurs villes voisines lynchèrent un résident noir de Rosewood, l’accusant d’avoir battu et violé une femme blanche. Lorsque les citoyens noirs de la ville se rassemblèrent pour se défendre contre d’autres éventuels lynchages, une foule hystérique de plusieurs centaines de blancs se mit à les traquer. Les attaques terroristes de Rosewood qui étaient elles aussi racialement motivées, eurent lieu la première semaine du mois de janvier 1923. Selon les rapports officiels, les massacres se soldèrent par la mort de 6 noirs. Cependant, d’autres rapports font eux état de près de 150 morts. De plus, dans leur furie collective, les terroristes brûlèrent la quasi-totalité des bâtiments du village, le laissant à l’état de ruine fumante. Rosewood n’était plus. [9]

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Les survivants trouvères refuges dans les marécages alentours avant d’être finalement évacués vers de plus grandes villes. Les autorités (fédérales et locales) avaient eut vent de cet attentat contre la communauté noire de Rosewood, toutefois, il n’y eut aucune arrestation. Les survivants et leurs descendants ont gardé le silence des décennies durant. Ce n’est que 60 ans plus tard que les massacres et la destruction de Rosewood seront rendus public par les médias dans les 80’s. Une action en justice sera intentée contre l’État pour ne pas avoir assuré la sécurité de la communauté noire de Rosewood. La Floride indemnisera finalement les survivants  et leur descendants. Le réalisateur, scénariste et producteur afro-américain John Singleton à rendu hommage aux victimes de ces attentats à travers le film éponyme sortit en 1997.

5° L’attentat de l’Église baptiste de la 16eme rue

Le 15 septembre 1963, à l’époque où le mouvement pour les droits civiques militait activement, l’Église baptiste de la 16ème rue située à Birmingham en Alabama, fut la cible d’attentats meurtriers. En effet, 4 membres du Ku Klux Klan avaient déposé une bombe à retardement devant cette église majoritairement fréquentée par des afro-américains. Il est a noter qu’au cours de la même année, Birmingham était en proie à de multiples tensions raciales, dues à la dureté des lois Jim Crow qui y sévissaient. Le révérend Martin Luther King dira d’ailleurs au sujet de Birmingham qu’elle est « probablement la ville la plus complètement ségréguée des États-Unis ». [10]

Par ailleurs, l’attentat de l’Église baptiste de la 16 ème rue ne sera que le 22 ème attentat à la bombe visant des biens appartenant à des membres de la communauté afro-américaine, à tel point que l’on finira par surnommer la ville « Bombingham« .

Aux alentours de 10 h 20, un homme téléphona anonymement à l’Église baptiste de la 16 ème rue en ne disant rien d’autre que « Trois minutes« , [11] avant de raccrocher. Quelques instants plus tard, une détonation retentit alors que cinq enfants se trouvaient dans le bâtiment. L’explosion causera la mort de 4 jeunes filles et en blessera 22 autres. Le Dr King déclarera au sujet de l’attentat qu’il est « l’un des crimes les plus cruels et les plus tragiques jamais commis contre l’humanité« . [12]

Addie Mae Collins, Cynthia Wesley, Carole Robertson et Carol Denise McNair, les 4 petite filles tuées par l’explosion.

6° L’attentat de l’église de Charleston

Le 17 juin 2015, l’Emanuel African Methodist Episcopal Church à Charleston en Caroline du Sud, fut le théâtre tragique d’un des actes de terrorisme domestique les plus sanglants de ces récentes années. Ce jour-là, Dylann Roof, un suprématiste blanc âgé de 21 ans fit irruption dans l’église durant un prêche et ouvrit le feu sur les paroissiens. Cet attentat fit 9 victimes et un blessé. Commentant son massacre, il donnera comme explication à ses victimes, « Vous violez nos femmes et vous prenez le contrôle de notre pays. Vous devez partir. »

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Cynthia Marie Graham Hurd, Susie Jackson, Ethel Lee Lance Depayne Middleton, Clementa C. Pinckney, Tywanza Sanders, Daniel Simmons, Awendaw. Sharonda Coleman-Singleton et Myra Thompson les 9 victimes des attentats de l’église de Charleston.

Cette église fut sans doute la cible du terroriste car elle est le symbole de la résistance afro à l’oppression. C’est la plus ancienne congrégation noire du sud de Baltimore. Elle fut le QG de Denmark Vesey qui avait fomenté une rébellion d’esclaves à Charleston en 1822. L’église fut d’ailleurs détruite lorsque le plan de Vesey fut découvert. Elle sera reconstruite à l’identique par l’un des fils de Denmark Vesey et deviendra un lieu de réunions clandestines jusqu’en 1865.

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http://nofi.fr/2017/01/le-tueur-de-charleston-condamne-a-mort-le-deuxieme-cas-depuis-1991/34657

27 attentats à caractère raciste de l’extrême droite américaine depuis 1995

Comme nous le précisions plus haut, il ne s’agit là que d’une liste non-exhaustive d’actes de terrorisme domestique sur le sol américain. Le but de cet article étant plus de pointer du doigt le fait que le racisme (en l’occurrence la négrophobie) est l’un des principaux mobiles d’attentats terroriste aux Etats-Unis. Loin devant le terrorisme islamique qui est présenté comme l’ennemi mortel de l’Amérique, le terrorisme domestique, spécialement à l’encontre des afro-américains est le plus récurrent et meurtrier. Ainsi, selon le Southern Law Poverty, depuis 1995, 27 attentats à caractère raciste et antigouvernemental ont frappé les États-Unis, coûtant la vie à près de 60 personnes.

Notes et références

[1] Source AFP

[2] U.S Code ~ « Title 22 › Chapter 38 › § 2656f »

[3] U.S Code ~ « Title 18 › § 2331″

[4] Rudwick ~ « Race Riot at East St. Louis« , publié en 1964

[5]  Willard Allison Heaps ~ « Riots, U.S.A., 1765-1970« , publié en 1970

[6] St. Louis Post-Dispatch, publié le 5 juillet 1917

[7] Discours de M. Garvey du 8 juillet 1917

[8] « For Action on Race Riot Peril« , New York Timepublié le 5 octobre 1919

[9] R. Thomas Dye ~ « Rosewood, Florida: The Destruction of an African American Community« , The Historian, publié au Printemps 1996

[10] Lettre de la prison de Birmingham par Martin Luther King Jr., rédigée le 16 avril 1963

[11] Lisa Klobuchar ~ 1963 Birmingham Church Bombing: The Ku Klux Klan’s History of Terror, publié en 2009

[12] David J. Kravicek ~ « Justice Story: Birmingham church bombing kills 4 innocent girls in racially motivated attack« , publié le 1er septembre 2003

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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