Shuck One l’artiste graffeur guadeloupéen engagé

Shuck One, graffiti artiste d’origine guadeloupéenne, est connu pour avoir exposé dans les lieux les plus importants du monde. Il fait aujourd’hui partie des artistes pionner dans le domaine du graffiti. En exclusivité, il a ouvert les portes de son atelier à NOFI.

Tout commence en Guadeloupe où Shuck one se retrouvait confronté dès son plus jeune âge à des écriteaux, des manifestations murales, des messages indépendantistes sur les murs de Pointe-à-Pitre. A l’adolescence, il quitte sa terre natale pour rejoindre la métropole où il découvre un monde artistique différent, mais porteur de la même fonction de revendication. 1980, le mouvement Hip-Hop débute en France, Shuck nage en plein dedans en s’intéressant de plus en plus à cette forme d’art nouveau, le « graff ». Il en devient très vite un des pionniers. Ses Graffiti se distinguent de par leur agressivité et leurs formes. Inspiration, passion, pouvoir; de fil en aiguille son travail d’artiste est reconnu, il devient un créateur au style unique dans le milieu.

Après avoir intégré le collectif d’artistes « Basalt »,  qui lui donne un rayonnement international, Shuck One décide de faire évoluer son art vers un support en toile. On est au début des années 1990. Ce changement lui permettra de pénétrer les expositions publiques et privées. L’artiste expose au Palais Royal, à la Fondation Louis Vuitton et même au Biennale de Venise. Il reste toutefois fidèle à son engagement identitaire à travers ses œuvres, comme c’est le cas pour  » L’Histoire en Marche », exposé dans l’enceinte du Mémorial ACTe, le musée de Pointe à pitre (en Guadeloupe), dédié à la mémoire de la traite et de l’esclavage dans le monde.

Cette oeuvre représente la bataille menée par le colonel Delgrès, Ignace et leurs compagnons d’octobre 1801 à mai 1802 face à l’armée de Napoléon 1er revenue pour rétablir l’esclavage. L’artiste a choisi de représenter cet événement par une fresque constituée d’assemblages, de collages, de peinture et d’aérosols.  L’oeuvre représente l’extrême violence de cet affrontement.

Comment liez-vous Street art et activisme ?

Ces deux choses sont naturellement liées et elles ont conçu la colonne vertébrale de ma personne et de mon parcours artistique engagé. J’ai découvert le graffiti par les mots et les traces laissées par les indépendantistes à la fin des années 1980 en Guadeloupe, à travers des revendications murales. Ce graffiti version  » Gontran Damas » m’a permis de m’éveiller et  de contribuer à différents mouvements culturelles, idéologiques et politiques.

Ensuite, c’est en arrivant à Paris en 1984 que j’ai découvert le graffiti comme expérience et expression calligraphique murale avec une diversité de styles et surtout fort en intensité de couleurs. Je suis devenu un enfant du mouvement Hip-Hop et cela m’a permis de développer un travail singulier et d’avoir une émancipation sociale et urbaine.

Vous faites partie des premiers à avoir exposé au Mémorial ACTe en Guadeloupe, vers quelle réflexion vouliez-vous emmener  les visiteurs et surtout les Guadeloupéens à travers « l’Histoire en marche » ? 

J’ai réalisé l’œuvre principale de la collection permanente du  Mémorial ACTe et c’est une Fierté ! Le fait d’avoir travaillé in situ au Mémorial ACTe a été une expérience intime, personnelle et collective en partageant l’histoire de cette oeuvre avec certaines personnes « d’autres cultures… ». Je suis né à Pointe-à-pitre et j’y ai vécu toute mon enfance donc je connais mon Histoire : la diaspora Africaine que nous sommes et que nous ne devons jamais oublier ! J’ai surtout voulu démontrer par la réalisation de cette installation,  » l’Histoire en Marche « , la période abominable de l’esclavage, et démontrer que 2 ans plus tôt en 1789 lors de la déclaration des droits de l’homme, la violence de cette bataille  » Octobre 1801-Mai 1802″ où des femmes et des hommes se battaient déjà pour leurs libertés! C’est un travail artistique contemporain avec comme pédagogie et une vision future de construire et reconstruire un autre monde.

 

En quoi est-il plus facile d’utiliser un art aussi particulier que le vôtre pour dénoncer avec violence des sujets sensibles comme l’esclavage ?

Pour moi cela n’a pas été facile, car nous vivons dans un monde hypocrite et ou l’histoire est souvent réécrite. Le graffiti est un Mouvement de contestation et de revendication nourri de messages et de maux de notre société contemporaine…cela me permet de ne pas oublier d’où je viens, la rue ! La rue reconnaît les siens…quand ceux-ci ont fait avancer ses valeurs dans la dignité !

Nous sommes 2 ans après l’ouverture du Mémorial ACTe, qu’avez-vous réalisé aux Antilles en termes d’exposition ? Comment votre art est-il perçu en Guadeloupe ?

Je viens de réaliser l’exposition  » Archipel Abstraction »  du mois d’avril à mai 2017, en référence aux textes d’Edouard Glissant sur l’errance Humaine et la notion de Liberté d’expression. Mon Art est très bien perçu en Guadeloupe, car j’ai effectué une démarche originale et personnelle. J’ai quitté celle-ci très jeune pour aller découvrir le monde et  me confronter pendant des années à d’autres civilisations et cultures pour ensuite revenir partager mes connaissances et mes expériences avec les miens.

« Il aurait été réducteur d’exclure de son champ d’étude le rôle de l’Afrique dans l’histoire de la traite transatlantique. L’exposition évoque le rôle des marchands négriers africains, sans qui les Européens n’auraient rien pu faire. » propos du journaliste Antoine Flandrin. Qu’en pensez-vous ?

L’Européen a toujours eu cette façon de se dédouaner dès qu’il est mis au banc des accusés ! Antoine Flandrin, est un journaliste que j’ai rencontré et avec qui j’ai collaboré en Guadeloupe en 2015. Sa conclusion me paraît manquer de consistance et je suis assez surpris ! Cela peut être dû à un manque de connaissances profondes sur ce sujet sensible, tragédie de l’Humanité. Ces propos reflètent une certaine tradition et persévérance dans la pensée unique qui n’aide et n’aidera jamais notre monde à avancer ! Il va falloir ASSUMER, donc inscrire dans nos manuels scolaires et d’Histoire si on veut vivre ensemble en France et sur notre Planète.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre collaboration avec Maxime Lénik pour la réalisation de l’oeuvre  » l’Histoire en marche » ?

Ma collaboration avec Maxime Lenik fut d’abord une rencontre, puis nous avons tissé des liens amicaux et artistiques. Nous avons cette approche commune pour le voyage et les expériences artistiques diverses et nous parlons d’Histoire ! Lors de mon travail en amont pour le Mémorial ACTe, je lui ai fait voir les différentes maquettes et leurs évolutions et c’est par la suite que je lui ai demandé s’il était prêt et capable de composer une musique pour cette installation. Je souhaitais  une bande son originale et qui emprunte une voix non victimaire mais qui interpelle et transporte les personnes qui seront en face de l’installation avec la musique aux oreilles.

 

À SAVOIR


L’Histoire en Marche » composée par Maxime Lenik sera disponible en version vinyle connecté dès la rentrée, une production du label Unicum Music.

 

 

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