Dora B. , une jeune Italienne âgée de 15 ans, s’est vue interdire la participation à Canta Verona, un festival de musique se tenant dans la ville de Vérone. L’organisateur du festival a justifié son refus en déclarant que la jeune fille n’était une ‘vraie Italienne’.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Dora B. est née à Vérone, dans le nord de l’Italie il y a environ seize ans. Ses parents, d’origine ghanéenne, vivent en Italie depuis trente ans environ. Son éducation en Italie a conduit Dora à se sentir italienne à 100%. Les brimades qu’elle a pu subir de la part de ses camarades n’ont que renforcé ce sentiment d’appartenance. Passionnée depuis l’enfance par la musique, c’est en toute confiance qu’elle a contacté l’organisateur du Canta Verona, un festival dédié à la chanson dans sa ville natale, dans l’espoir d’y participer.
Alors qu’elle demandait, via Facebook Messenger, des informations sur une éventuelle participation au festival, son interlocuteur lui répondit qu’ils n’acceptaient pas les étrangers. Lorsqu’elle l’ informa de sa nationalité italienne, son interlocuteur lui rétorqua qu « On naît italien et que l’on ne le devient pas [que] Les Italiens naissent de parents italiens ».
Dora B. a confié à la presse que ses mains se mirent à trembler lorsqu’elle reçut ce message. Elle ajouta qu’elle se sentait entièrement italienne et que bien qu’elle respecte ses origines, elle n’a pas grand chose à voir avec le Ghana. Elle a ensuite fait une capture d’écran du message, le diffusant sur les médias sociaux où il a suscité une vive émotion.
Interrogé à ce propos, l’interlocuteur de Dora s’est défendu de tout racisme. « Je reçois de nombreux messages sur Facebook. Comment savoir qui est derrière ces profils? » a-t-il déclaré à nos confrères de Vanity Fair. « Je sais que j’ai fait une erreur en écrivant ces choses, mais je ne savais pas à qui j’avais affaire. Je pensais qu’il s’agissait d’une blague, d’une provocation. Cela dit, c’était mon opinion, je ne pense pas avoir commis un crime. »
A ces propos, on rétorquera qu’une opinion ne pose pas de problème tant qu’elle ne se réalise pas dans des faits qui violent la loi. En refusant à la jeune Dora la participation à un festival réservé aux citoyens italiens, il a précisément violé la loi.
Après la polémique, Dora s’est vue re-proposer de participer au festival, une invitation qu’elle a refusé. Elle a toutefois fait part de sa détermination à se faire reconnaître comme une Italienne à part entière :
« Je tiens à dire aux autres personnes qui pourraient être dans ma situation- n’abandonnez pas. N’arrêtez pas de vous battre jusqu’à ce que votre Italianité ne soit reconnue ».
Un pays à l’identité nationale pourtant fragile
Comparativement à la France par exemple, l’Italie peut sembler être un pays fractionné régionalement. Et pour cause, l’unification du pays ne date que du 19ème siècle. De véritables langues, parfois difficilement intelligibles, y sont fréquemment parlées selon la région alors qu’en France, les dialectes ‘régionaux’ sont en voie de disparition. De même, des partis politiques comme la Lega Nord dominent la vie politique du nord du pays en basant leur discours politique sur le dénigrement des populations du sud. Dans un article intitulé ’25 anni di insulti leghisti contro il Mezzogiorno. Che il Sud non dimentica’ (25 ans d’insultes de la Lega Nord contre le midi que le Sud n’a pas oublié)’, notre confrère Mauro Orrico énumère les insultes proférées par les leaders de la Lega Nord à l’endroit de leurs compatriotes du sud au cours des dernières décennies. Parmi celles-ci, les Italiens du sud y sont qualifiés de ‘parasites’, de ‘sangsues’ ou encore de ‘personnes vivant sur le dos des autres’.
Devant cette volonté de nier la réalité du pays qu’est l’Italie, on pourrait s’attendre à ce ses ressortissants n’aient aucun problème à associer des populations d’origine étrangère avec cette identité qu’ils jugent factice. Il n’en est toutefois rien. Au contraire, il semble que la confrontation des Italiens à des populations étrangères solidifie leur sentiment d’appartenance à une identité italienne. Que la revendication d’une identité régionale ou ethnique les rendent encore plus hostile à la cohabitation avec des populations lointaines. C’est précisément ce que laisse illustrer les propos, bien qu’anciens, de l’ancien Président du Sénat italien Roberto Calderoli, membre de la Lega Nord, lors de la victoire de l’Italie face à la France en finale de la Coupe du Monde 2006.
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