Le 19 août 2017, l’humoriste Dick Gregory nous quittait, à l’âge de 84 ans, des suites d’une insuffisance cardiaque. Pour rendre hommage à cet activiste des droits civiques, revenons sur l’engagement d’un homme qui maniait l’humour avec brio pour dénoncer l’injustice raciale.
Humour noir et suprématie blanche…
Né en 1932 à St Louis dans le Missouri, Richard Claxton Gregory, plus connu sous le nom de Dick Gregory, était un homme à la vie bien remplie. Acteur, athlète, soldat, critique social, écrivain, entrepreneur, il a porté de nombreuses casquettes. Cependant, c’est en tant qu’humoriste (de talent) que Dick Gregory débute sa carrière colle personnage public.
En effet, durant les 1960, Gregory à gagné en notoriété dans le « stand-up » en se moquant, sur scène et sans aucune concession, du racisme qui sévissait aux États-Unis à cette époque. Alors qu’il ne se produisait que devant un public noir jusqu’en 1961, du fait de la Ségrégation raciale, il est devenu le premier humoriste afro-américain à jouer devant un public blanc et à être couronné de succès. Il fut celui qui ouvrit la voie à des artistes tels que Richard Pryor ou Bill Cosby. Dick Gregory n’est jamais resté silencieux face aux multiples avanies auxquelles étaient en proie la communauté noire américaine, sur scène comme dans sa vie personnelle.
Il n’hésitait pas à aborder les manifestations de la negrophobie quotidienne les plus courantes et les plus graves, même face à un public 100% « WASP » [1]. Voici un petit florilège de ses « punchlines » les plus caustiques :
- « Je n’ai jamais appris la haine à la maison, ou la honte. J’ai dû aller à l’école pour cela.«
- Je n’ai jamais cru au Père Noël parce que je savais qu’aucun type blanc ne viendrait dans mon quartier après la tombée de la nuit.«
- « Dans la plupart des endroits dans le pays, voter est considéré comme un droit et un devoir, mais à Chicago, c’est un sport.«
- « Quand j’ai perdu mon fusil, l’armée m’a facturé 85$. C’est pourquoi dans la marine, le capitaine coule avec le navire.«
Cependant, Dick Gregory n’était pas seulement un pitre. En effet, l’humoriste était d’abord un militant, et même un activiste. Il a rejoint le Mouvement des droits civiques dans les années 1960 alors que le terrorisme domestique et autres barbaries négrophobes étaient monnaies courantes. Dick Gregory s’est rangé du côté d’individus tels que Malcolm X, le Dr Martin Luther King Jr. ou les dirigeants du Black Panther Party. Et la flamme du militantisme ne le quitta plus jusqu’à son dernier souffle.
Une vie sous le signe de l’activisme politique et social
Le 7 octobre 1963, Dick Gregory était à Selma pour galvaniser et rassurer les électeurs noirs quelques jours avant le « Freedom Day » [2].
- En 1967, Dick Gregory faisait campagne pour gagner la mairie de Chicago. Il perdra l’élection, mais cette entrée dans le monde de la politique ne sera pas la dernière.
- En 1968, il se présente aux élections présidentielles américaines en tant que candidat du « Peace and freedom Party« [3] mais n’obtiendra que 47 097 votes.
- En 1980, il se rend à Téhéran pour tenter de négocier la libération des otages lors de l’épisode dit de « la crise des otages américains en Iran » [4]. Il s’engage alors dans une grève de la faim. Il ne pèsera que 45 kg lors de son retour aux États-Unis.
- En 1984, il fonde Health Enterprises, Inc., une société de produits destinés à la perte de poids. Une façon pour lui de contribuer à améliorer l’espérance de vie des Afro-Américains, qui, selon lui, étaient bien trop sujets à la mauvaise alimentation et aux abus en tous genres.
- En 1998, Gregory pris la parole en tant qu’invité d’honneur de la célébration de l’anniversaire du Dr Martin Luther King, Jr., aux côtés du président de l’époque, Bill Clinton.
Même ces dernières années, Dick Gregory demeurait une figure du « Black Power », toujours engagée pour la justice. Celui qui appelait les États-Unis « le système le plus raciste de la planète » s’était d’ailleurs prononcé dernièrement, sur les réseaux sociaux au sujet de l’attentat de Charlotteville:
« Au moment où j’approche de ma 85e révolution autour du soleil cette année, je me demande pourquoi l’humanité a tant de mal à se montrer bonne. »
C’est un artiste de talent et un homme engagée qui disparaît, laissant derrière lui un pays où les tensions raciales demeurent toujours vives.
Notes et références
[1] White Anglo-Saxon Protestant (WASP) est un terme désignant une l’élite sociale américaine blanche, riche et puissante d’origine britannique et bien entendue protestante.
[2] Le 7 octobre 1963, fut l’une des deux journées du mois où le palais de justice recevait les postulants à l’inscription sur les listes électorales. James Forman, un mobilisa plus de 300 noirs du comté de Dallas afin de s’inscrire en masse au bureau de vote. Ce genre de pratique était appelé Freedom day (ou « jour de la liberté »)
[3] Le Peace and Freedom Party (PFP) était une organisation anti-guerre, en faveur du Mouvement des droits civiques, opposée à la guerre du Viêtnam et soutenant le « Black Power Movement« , etc.
[4] La crise des otages américains en Iran opposa l’Iran et les États-Unis, lorsque 52 diplomates et citoyens américains furent pris en otage, au sein même de l’ambassade américaine, durant 444 jours par un groupe d’étudiants iraniens entre le 4 novembre 1979 et le 20 janvier 1981. C’est la plus longue crise d’otage de l’histoire.