L’entrepreneur nigérian Taofick Okoya a lancé en 2007 sa marque de poupées noires Queens of Africa. Il a ensuite emboîté le pas avec Naija Girls. Elles remportent aujourd’hui un grand succès.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Beaucoup d’entre nous avons eu les larmes aux yeux en regardant la désormais célèbre vidéo du Doll Test (test de la poupée) télévisé en 2010 par la chaîne américaine MSNBC. Dans celle-ci, des enfants noirs se voient présenter une poupée noire et une poupée blanche. Lorsqu’on leur demande laquelle est la plus jolie et la plus gentille, ils montrent la blanche. Lorsqu’on leur demande quelle est la plus laide et la plus méchante, ils pointent du doigt la noire. Enfin, lorsqu’on leur demande à quelle poupée ils ressemblent, ils montrent évidemment la noire.
De nombreux entrepreneurs afro-descendants ont depuis intégré les effets négatifs de l’identification de nos filles avec des poupées blanches et décidé de gagner leur vie en combattant ce mal. L’un des pionniers dans ce domaine est le Nigérian Taofick Okoya.
Père d’une petite fille, il constate avec tristesse qu’elle était mal dans sa peau car elle rêvait d’être blanche. Pire, il réalisa qu’il en était en partie responsable. Au Nigéria avant 2007, toutes les poupées disponibles à la vente étaient blanches. Pire, les programmes de télévision à destination des jeunes filles mettaient tous en scène des personnages blancs.
Il comprit alors que ce qui lui semblait d’abord être une maladie touchait seulement sa fille était plus probablement une épidémie s’abattant sur beaucoup des jeunes filles de son pays. Pour remédier à cette situation, Taofick Okoya crée un nouveau vaccin sous la forme de Queens of Africa, une marque de poupées noires répondant au modèle Barbie de Mattel.
Les poupées Queens of Africa portent souvent des tenues africaines et des cheveux crépus ou tressés. Pour parvenir à ce résultat, Taofick Okoya a dynamisé l’économie locale en confiant le tressage des cheveux des poupées à des mères de famille spécialistes de la pratique.
Okoya n’est toutefois pas tombé dans le piège de la Barbie de Mattel à ses débuts qui avait réduit le modèle de la femme à une blonde aux yeux bleus et à la silhouette svelte. Le piège était pourtant tentant, au vu des stéréotypes qui continuent à voir les Noirs comme se ressemblant tous ou devant tous se coiffer de la même manière.
Au contraire, certaines poupées ont des traits, des morphologies, des vêtements et des coiffures différents.
Des débuts difficiles
Malgré la pertinence de son concept, celui-ci n’a pas pris tout de suite au Nigéria. La raison est ce que Taofick Okoya appelle la ‘mentalité de suiveur’. Peu de Nigérians étaient initialement intéressés par son produit et se contentaient d’acheter des poupées blanches. En revanche, la plus importante demande pour les poupées Queens of Africa à l’étranger le conduit à en manufacturer davantage. L’exportations de ces poupées, dont les pièces sont construites en Chine et assemblées au Nigéria, va générer un intérêt au Nigéria. Les « suiveurs » nigérians comme les appelle Okoya, voyant que le concept est prisé l’étranger vont alors le reconnaître et l’apprécier à sa juste valeur. Un autre problème se pose toutefois. Le prix de la fabrication et de la vente des Queens of Africa pour un certain public étranger n’est pas nécessairement à la portée de tous les Nigérians. Pour ce faire, Taick Okoya décide de lancer Naija Girls (littéralement ‘filles du Nigéria), des poupées à moindre coût. Elles représentent des jeunes Nigérianes appartenant à chacun des trois grands groupes ethnolinguistiques du Nigéria : Nneka représente les Igbo du sud-est, Azeezah les Haoussa et Peuls du nord et Temilola les Yoruba du sud-ouest.
Aujourd’hui, les ventes des poupées de Taofick Okoya ont dépassé celles des Barbie de Mattel au Nigéria. Taofick Okoya disait vendre plus de 9000 poupées par mois en 2016. A l’instar d’un scientifique ayant réduit le taux d’infection par un virus dans une populaton donnée, il a contribué à la réduction d’un mal qui ronge les jeunes filles de son pays et d’ailleurs. Son succès a inspiré d’autres entrepreneurs qui a sa suite à travers le monde, notamment aux Etats-Unis. Okoya espère lui aussi s’y implanter, histoire de combattre le virus à partir d’où il s’était pour la première fois popularisé.
Pour en savoir plus : www.queensofafricadolls.com