« Gbagbo mérite que j’aille lui demander pardon »
Le président de l’assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Kigbafori Soro, a publiquement présenté ses excuses et avoué son implication dans la crise post-électorale de 2012 le 20 juillet 2017. Une situation qui avait officiellement fait plus de 3000 morts et durant laquelle il fut le chef de la rébellion. Ces déclarations sont survenues au lendemain du refus de remise en liberté provisoire de L’ancien président Laurent Gbagbo, détenu par la Cour pénale Internationale depuis six ans.
« La crise de 2012, j’en suis un acteur important jusqu’à ce jour »
Guillaume Soro, président de l’assemblée nationale ivoirienne et chef de la rébellion durant la crise post-électorale de 2012 a annoncé qu’il irait s’excuser personnellement et individuellement auprès de Konan Bédié (président de la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999 ; de l’actuel président ivoirien Alassane Ouattara ; et de l’ancien chef de l’Etat destitué Laurent Gbagbo, pour sa responsabilité dans les exactions faites sur la population. Une sortie surprenante alors même que le politicien est sous le coup d’un mandat d’amener pour avoir refusé de répondre de ses actes face au procureur de la Cour pénale internationale. C’est le média français France 24 qui a diffusé une vidéo contenant des extraits de la déclaration de Guillaume Soro. France 24, elle-même impliquée dans le feuilleton françafricain de la Côte d’Ivoire puisque la chaîne avait annoncé, avant le résultat du scrutin présidentiel et avant la télévision nationale ivoirienne, la victoire du président Alassane Ouattara en direct de son GG. Une annonce publique qui discréditait de fait toute contestation locale. Le revirement survient alors que la CPI a rejeté la demande de remise en liberté provisoire de l’ex-président Laurent Gbagbo. Devant les caméras, Guillaume Soro a indiqué : « Je veux ici même, demander pardon aux ivoiriens pour tout ce que j’ai pu faire, les fautes que j’ai pu commettre, les offenses que j’ai pu faire à ce peuple qui a tant souffert. » Ce mea culpa qui survient six ans après les faits ouvrira-t-il la voie d’une réelle réconciliation du peuple ivoirien ?
La paix, l’enjeu capital du destin ivoirien
Depuis les crimes commis après la destitution de Laurent Gbagbo et l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, la Côte d’ivoire connaît une déchirure de la cohésion nationale, alimentée par une grave recrudescence du tribalisme. Ce pays d’Afrique de l’ouest composé d’une population regroupant plus de 60 ethnies différentes, voit aujourd’hui une partie de ses habitants s’observer sur la base du nom, qui détermine désormais la sympathie présupposée aux hommes qui occupent le devant de la scène politique. Ainsi, les noms à consonance guinéo-malienne, que portent les ivoiriens originaires du Nord du pays tels que Traoré ou Cissé, feraient d’emblée de ces citoyens des pro-Ouattara. Les noms originaires du pays Bété tels que Sery ou Bailly par exemple, trahiraient une sympathie obligatoire envers Laurent Gbagbo. Un climat houleux motivé par la rancœur et le sentiment d’injustice, qui a transformé le pays en véritable poudrière. Ce danger, l’avocate de Laurent Ggabo, Maître Habiba Touré le dénonçait encore dans une interview récemment donnée au média NOFI. Par ailleurs, la femme de Droit avait également rappelé que des familles de victimes avaient depuis longtemps fournit des dossiers complets, photos et vidéos à l’appui, et déposé plainte contre Guillaume Soro lui-même pour des faits de crimes contre la population. La CPI n’avait pourtant pas daigné prendre l’affaire à bras-le-corps. Ce revirement dans l’attitude de Guillaume Soro qui martèle : « Ce dont la Côte d’Ivoire a besoin, c’est beaucoup plus de tolérance, de pondérance, de pardon, de réconciliation, de paix et de stabilité » ; marque-t-il un tournant dans ce dossier particulièrement délicat ? Guillaume Soro, premier ministre de 2007 à 2012 au sein du gouvernement Gabgbo, est perçu comme un tacticien ambitieux et opportuniste, qui sait tirer les ficelles pour satisfaire ses aspirations politiques. Suite à cette situation de guerre que les médias aiment à appeler « crise politico-militaire ivoirienne » [omettant ainsi la très active participation de la France dans les faits], connaît des sursauts avec les sorties de militaires et de rebelles armés. Pour l’heure, aucune institution ne s’est saisie de ces aveux pour rendre justice en toute transparence. A moins de 3 ans de la prochaine élection présidentielle ivoirienne, Guillaume Soro semble faire un pas vers es concitoyens, même s’il n’a pas encore annoncé les actions concrètes qui découleraient de cette volte-face. Rien non plus concernant l’impact de ces excuses sur l’avancement du dossier Gagbgo.
http://nofi.fr/2017/07/habiba-toure-avocate-laurent-gbagbo/41061