Le 16 juin 2017, 46e anniversaire du rappeur Tupac Shakur s’il eût encore vécu, le président américain Donald Trump a exigé que Cuba extrade sa tante, Assata Shakur, activiste politique, ancienne membre du Black Panther Party et de la Black Liberation Army.
Vendredi 16 juin 2017, alors que sortait au cinéma All Eyez on Me, biopic sur la légende du rap 2Pac, Donald Trump a expressément demandé à Cuba d’extrader Assata Shakur, tante et marraine de la star du Hip-Hop, vers les Etats-Unis.
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Mais quelle est donc la raison de cette demande ferme du 45e président des États-Unis ? En réalité, il y en plusieurs :
- En 1977, elle est reconnue coupable du meurtre de l’agent de police Werner Foerster et de sept autres crimes liés à la fusillade [4].
- En 1979, elle s’échappe de la prison où elle est incarcérée.
- Elle mène quelques années une vie de fugitive avant d’obtenir l’asile politique à Cuba.
- Depuis le 2 mai 2005, le FBI l’a classée comme une terroriste intérieure et a « mis sa tête à prix » 1 000 000$.
- Depuis le 2 mai 2013, le FBI l’a ajouté à la liste des terroristes les plus recherchés. Elle est la première femme à figurer sur cette liste [5].
Les relations politiques historiquement tendues entre Cuba et les États-Unis, décor sur lequel se joue cette intrigue, ne facilitent guère la situation. En 1997, le surintendant de la police de l’État du New Jersey en avait même fait appel au pape Jean-Paul II afin qu’il aborde directement le sujet de l’extradition d’Assata Shakur lors de sa rencontre avec feu le président Fidel Castro [6].
http://nofi.fr/2016/10/shakur-ligne-de-mire-fbi/31385
L’ancien révolutionnaire et Chef d’État cubain de la République de Cuba avait d’ailleurs publiquement défendu Assata Shakur en 2005. Selon lui, Assata avait été «lynchée par un jury entièrement blanc». La révolutionnaire afro-américaine dira au sujet de Cuba, dans une lettre ouverte, qu’il s’agissait de :
« l’un des Palenques les plus grands, les plus résistants et les plus courageux (campement de Nègres Marrons) qui a déjà existé sur le visage de cette planète. » [7]
Celle qui faisait référence à elle-même comme une «esclave en fuite du XXe siècle» [7] se retrouve à nouveau dans le collimateur du « Pays de l’Oncle Sam« . Le Sénateur des États-Unis pour le New Jersey, Robert Menendez, a publié une déclaration saluant l’appel de Donald Trump pour qu’Assata Shakur soit extradée aux États-Unis :
« L’annonce d’aujourd’hui est un pas dans la bonne direction pour inverser une politique cubaine, mal informée et mal orientée, qui n’a pas réussi à respecter ses promesses, a abandonné le peuple cubain, pire et a permis aux fugitifs américains, comme la terroriste et tueuse de policier recherchée, Joanne, afin d’échapper à la justice (...) J’ai continué à presser à la fois les Administrations Obama et Trump pour le retour de Joanne Chesimard, et je suis heureux que le président a fait son revirement (en termes clairs et absolus, comme je l’y ai incité) sous réserve d’un nouvel engagement américain à Cuba. » [8]
Sont-ce là d’énièmes paroles en l’air du président le plus excentrique de l’histoire américaine ou, celle que les autorités américaines avaient surnommée la « Jeanne d’Arc Noire » pourra continuer à compter sur le soutien de la république cubaine ? Raul Castro défendra-t-il aussi ardemment que son frère décédé l’activiste révolutionnaire ? L’avenir nous le dira et NOFI vous en informera.
Le parcours révolutionnaire de Joanne Chesimard aka Assata Shakur
Au sein du Black Panther Party (BPP) elle coordonnait un programme de petit-déjeuner scolaire pour aider les étudiants dans le besoin. Elle quittera l’organisation nationaliste et socialiste noire révolutionnaire, ne supportant plus le comportement machiste des hommes [1]. Par ailleurs, pour Assata, le BPP manquait de connaissances et de compréhension de l’histoire afro-américaine :
« Le problème fondamental résultait du fait que le BPP n’avait aucune approche systématique de l’éducation politique. Ils lisaient le Livre rouge, mais ne savaient pas qui était Harriet Tubman, Marcus Garvey et Nat Turner. Ils parlaient d’intercommunalisme, mais ont toujours cru que la guerre civile était menée pour libérer les esclaves. Beaucoup d’entre eux ont à peine compris l’histoire noire, africaine ou autre. [...] C’était la principale raison pour laquelle de nombreux membres du parti, à mon avis, ont sous-estimé le besoin de s’unir avec d’autres organisations noires et de lutter contre diverses questions communautaires « . [2]
Shakur rejoint alors l‘Armée de la Libération Noire (BLA), décrite comme « une organisation radicale et violente de militants noirs » [3] dont « l’objectif principal était de lutter pour l’indépendance et l’autodétermination ses africains aux États-Unis« .
En 1971, elle rejoint la Republic of New Afrika, une organisation nationaliste noire fondée dans le but de créer une nation indépendante à majorité noire composée de l’Alabama, de la Géorgie, de la Louisiane, du Mississippi et de la Caroline du Sud; régions majoritairement noires et où l’empreinte de sociétés d’esclaves et d’Afrique est toujours puissante.
http://nofi.fr/2014/12/assata-shakur-icone-du-militantisme-noir-us-victime-du-rapprochement-americano-cubain/7860
Notes et références :
[1] Assata Shakur, contrairement à d’autres membres féminin du Black Panther Party, n’a jamais déclaré ouvertement, comme Regina Jennings, qu’elle avait été victime de harcèlement sexuel.
[2] Assata Shakur ~ « Assata – an autobiography« , London: Zed, 2014.
[3] Paul Harris ~ (May 3, 2013). « FBI makes Joanne Chesimard the first woman to appear on most-wanted list« . The Guardian, publié le 3 mai 2013
[4 ] Le 2 mai 1977, Assata Shakur a été condamné pour meurtre au 1er degré, meurtre au 2nd degré, agression atroce, assaut contre un policier, agression avec une arme dangereuse, agression avec intention de tuer, possession illégale d’une arme et vol à main armée.
[5] Justin Peters ~ « Joanne Chesimard, première femme sur la liste des «terroristes les plus recherchés» du FBI« , Slate.fr, 3 mai 2013
[6] « N.J. cops enlist pope; Seek help in getting fugitive out of Cuba« , Chicago Sun Times », publié le decembre 1997
[7] Assata Shakur ~ « An Open Letter from Assata« , assatashakur.org, publié le 5 septembre 2009.
[8] « Trump to Cuba: Return woman convicted in NJ trooper’s murder« , northjersey.com, publié le 16 juin 2017