La Gauche et la Droite française face à la colonisation (partie 1)

La Gauche et la Droite françaises ont pris leur part dans l’épopée coloniale et néocoloniale de l’ancien Empire. L’histoire de ces organisations politiques prouve qu’elles s’accordent, idéaux républicains mis de côté, quant à la nécessité de garder le contrôle sur l’Afrique.

Il est d’emblée important d’indiquer que le fait colonial est partie intégrante de l’ADN de la Gauche française. C’est notamment sous l’impulsion du père de « l’école publique laïque, gratuite et obligatoire« , Jules Ferry, figure tutélaire de la gauche actuelle, que la France se mis en tête d’aller partager sa culture avec le reste du monde (comme dirait F.Fillon). Pour ce qui est de la Droite française, elle s’est d’abord opposée à la création d’un empire coloniale. La priorité pour elle était de récupérer l’Alsace et la Lorraine. C’est bien plus tard, au XXI° siècle, que celle-ci à commencé à se revendiquer de la France coloniale et à l’assumer avec fierté.

Voici un florilège de déclarations de personnalités de Droite et de Gauche sans équivoque concernant leur rapport avec l’Afrique. Ces hommes et femmes, vous les connaissez (ou gagnerez à les connaître). Ils sont ou les maitres-à-penser de la classe politique française des trente dernières années ou des politiciens toujours en activité :

Buste de la figure emblématique de Gauche, Victor Hugo à l’Assemblée Nationale.

Débutons avec Victor Hugo, le  poète, dramaturge et prosateur romantique français. Homme de Gauche devant l’Éternel, il tiendra des propos qui, aussi insupportables soient-ils, sont symptomatiques de la pensée coloniale de gauche du XIX° siècle :

« (…) Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie, déserte c’est la sauvagerie ! (…) Allez peuples, emparez vous de cette terre ; Prenez-là ! A qui ? A personne !. Prenez cette terre à Dieu ; Dieu donne l’Afrique à l’Europe ! Prenez-là, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille mais pour l’industrie (applaudissements prolongés). Versez votre trop plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ! Croissez, cultivez, colonisez, multipliez, et que sur cette terre de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté (applaudissements enthousiastes..) ». Discours prononcé le 18 mai 1879 au banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage, en présence de Victor Schoelcher ! [1]

Charmant, n’est-ce pas ? Le même jour, l’auteur des Misérables affirmait de plus, comme un Nicolas Sarkozy, que l’Afrique n’était pas assez rentré dans l’histoire, puisque pour lui elle n’en avait pas :

« Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie à son histoire, l’Amérique à son histoire, (…) l’Afrique n’a pas d’histoire. » [2]

F.Hollande, plus haut magistrat de la République française rendant hommage à Jules Ferry, le père de la colonisation française.

Nous connaissons tous Jules Ferry, figure emblématique de la Gauche française et sous le patronage duquel François Hollande plaça son quinquennat [3]. Pour celui qui était l’un des pères fondateurs de l’identité républicaine, la colonisation avait une vertu émancipatrice (attention ces propos peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes) :

« Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. »   [4]

Les arguments de Ferry ont entrainé la France sur le chemin de l’expansion coloniale, malgré l’opposition d’un certain Clemenceau, radical-socialiste, président du Conseil de 1906 à 1909, qui lui avait rétorqué :

« Vous nous dites « nous avons des droits sur les races inférieures » [interruption du député Bonapartiste Paul de Cassagnac : « c’est la théorie des négriers ! » !], c’est bientôt dit ! Race inférieure les Hindous ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l’Inde pour la Chine ? Avec cette grande efflorescence d’art dont nous voyons encore les magnifiques vestiges ? Race inférieure les Chinois ? Inférieur Confucius ? » [5]

Jean Jaurès, l’un des rédacteurs de la loi de séparation de l’Église et de l’État et fondateur du « mythique » journal L’Humanité  était lui aussi un fervent défenseur de l’occupation française en terre africaine :

« La civilisation [que représente la France] en Afrique auprès des indigènes, est certainement supérieure à l’état présent du régime Marocain. » [6]

Que ce soit pour apporter la civilisation aux sauvages ou la démocratie au tiers-monde, c’est toujours avec les armes que la France opère.

Léon Blum, grande figure du socialisme français déclarait quant à lui le 9 juillet 1925 devant les députés :

« Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler au progrès réalisées grâce aux efforts de la science et de l’Industrie » [7]

Il est aussi juste de rappeler qu’en matière religieuse la Droite et la Gauche n’ont jamais vu la moindre objection à convertir les sauvages à la « vraie religion » :

« (…) le mot d’ordre commun est de civiliser ; Il s’agit pour les républicains de conquérir des débouchés indispensables à l’économe et en même temps d’apporter les Lumières au monde et faire rayonner la civilisation Française ; Pour les missionnaires, il s’agit de diffuser la religion catholique et de convertir ceux que l’on nomme alors des « primitifs ». L’unanimité habite alors les deux camps de la gauche à la droite.«  [8]

De nos jours, le schéma à eut tendance à s’inverser. La Gauche est devenue plus réservée à se sujet, prenant garde de ne pas blesser un électorat africain votant traditionnellement à Gauche (Du moins avant les dernières  élections…). Ainsi, l’ex locataire de l’Élysée, F.Holande a tout de même prit quelques précaution oratoires avant de se revendiquer de J.Ferry :

« Je n’ignore rien de ses égarements politiques. Sa défense de la colonisation fut une faute morale et politique. Elle doit à ce titre être condamnée ». Ajoutant : « C’est donc empreint de cette lucidité indispensable que je suis venu saluer le législateur Ferry qui conçut l’école publique, le bâtisseur de cette maison commune qu’est l’école de la République ». [9]

Le père du socialisme français moderne, François Mitterrand.

Toutefois, le père du socialisme moderne, François Mitterrand , l’un des principaux responsables du génocide Tutsi, selon la Commission Mucyo [10], ne s’émouvait pas de la situation coloniale ambiante :

« Faut-il que l’Algérie ferme la boucle de cette ceinture du monde en révolte depuis quinze ans contre les nations qui prétendaient les tenir en tutelle ? Eh bien non ! Cela ne sera pas, parce qu’il se trouve que l’Algérie c’est la France, parce qu’il se trouve que les département de l’Algérie sont des départements de la République française. Des Flandres jusqu’au Congo, s’il y a quelques différences dans l’application de nos lois, partout la loi s’impose, et cette loi c’est la loi française. » » [11]

La Droite actuelle, jouant la carte du conservatisme, de l’assimilation , du patriotisme ou encore de l’immigration massive a beaucoup moins de scrupules à évoquer avec admiration cette interruption de l’histoire Africaine, allant même jusqu’à vanter ses aspects prétendument positifs. Nous nous rappelons avec exactitudes des propos hallucinants du Républicain François Fillon qui déclarait, tout de go :

« Non, La France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique (…) » [12]

Souvenons-nous que c’est la Droite qui au cours du quinquennat de Jacques Chirac qui, via Michelle Alliot-Marie, a présenté et défendu au parlement la loi du 23 février 2005. L’article 4 alinéa 2 de cette disposition légale concernant les « aspects positifs de la Colonisation française » :

« Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. » [13]

Une loi qui a donné l’occasion à beaucoup d’hommes et de femmes politiques de Droite de  se laisser aller à des tirades abjectes. Pour Michelle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense :

« reconnaître l’œuvre positive de nos compatriotes sur ces territoires est un devoir pour l’État français. » 

Selon Nicolas Sarkozy , invité sur France3,  le 7 décembre 2005 :

« il faut cesser avec la repentance permanente [qui consiste à] revisiter notre histoire. Cette repentance permanente, qui fait qu’il faudrait s’excuser de l’histoire de France, parfois touche aux confins du ridicule ».

« On peut tuer en Indochine, torturer à Madagascar, emprisonner en Afrique Noire, sévir aux Antilles. Les colonisés savent désormais qu’ils ont sur les colonialistes un avantage. Ils savent que leurs « maîtres » provisoires mentent. » ~ Extrait de discours sur le colonialisme

Aimé Césaire, le chantre de la Négritude, avait pour sa part refusé de recevoir Nicolas Sarkozy. L’auteur du « Discours sur le colonialisme » déclarera dans un communiqué  :

« Je n’accepte pas de recevoir le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy pour deux raisons. Première raison : des raisons personnelles. Deuxième raison : parce que, auteur du ’Discours sur le colonialisme’, je reste fidèle à ma doctrine et anticolonialiste résolu. Je ne saurais paraître me rallier à l’esprit et à la lettre de la loi du 23 février 2005 » [14]

Nous pourrions longuement égrainer les paroles de responsables politiques justifiant, atténuant ou glorifiant l’épopée coloniale française, tant celles-ci sont nombreuses. Mais ce best-of que nous vous proposons au sujet du rapport de la Droite et de la Gauche permet de démontrer en que le rapport de la France à la mémoire des populations colonisées est obscure. Loin d’être une tentative de victimisation, cet article tend principalement à offrir au lecteur des clés de compréhension et des pistes de réflexion.

 

Notes et références :

[1] Discours prononcé le 18 mai 1879 au banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage.

[2] idem.

[3] Hommage officiel du Président de la République François Hollande le 15 mai 2012, lors de son investiture.

[4] Discours à la chambre du 28 juillet 1885.

[5] Discours à la chambre du 30 juillet 1885.

[6] Discours devant la Chambre en 1903.

[7] Débat sur le budget des Colonies à la Chambre des députés, 9 juillet 1925.

[8] Jacques Marseille, entretien donné à « Enquête sur l’histoire« , numéro spécial L’aventure coloniale, automne 1993

[9] François Hollande le 15 mai 2012, lors de son investiture.

[10] La commission Mucyo fut une commission nationale indépendante chargée de rassembler les éléments de preuve montrant l’implication de l’État français dans la préparation et l’exécution du génocide perpétré au Rwanda en 1994

[11] François Mitterrand, ministre de l’Intérieur du gouvernement Pierre Mendès France à l’Assemblée nationale française, le 12 novembre 1954.

[12] Discours de François Fillon, à Sablé-sur-Sarthe, le dimanche 28 août.

[13]  Loi française n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

[14] Communiqué d’Aimée Césaire en Décembre 2005.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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