Hissène Habré, purgera bien sa peine de prison à perpétuité au Sénégal ou dans un autre pays de l’Union Africaine.
le 27 Avril dernier, à Dakar, Hissène Habré, ancien président du Tchad, placé au pouvoir par la France et les États-Unis [1] a définitivement été condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité. Cela fait de lui le premier ancien chef d’État à être reconnu coupable de violation des « Droits de l’Homme » par le tribunal d’un autre pays. L’occasion pour nous de revenir plus en détail sur le déroulé de ce feuilleton judiciaire.
Plusieurs groupes de défense des droits de l’homme tiennent Habré pour responsable de la mort de milliers de personnes, (le nombre exact est inconnu, mais avoisinerait les 40 000) [2]. Ces meurtres de masse incluaient des massacres ethniquement ciblés dès 1984. L’ONG Human Rights Watch déplore des dizaines de milliers de meurtres politiques et de tortures physiques [3]. Habré avait été tristement surnommé « le Pinochet africain« , une sordide référence à l’ex-président chilien [4].
Le 19 Septembre 2005, le Royaume de Belgique lance un mandat d’arrêt international visant l’arrestation immédiate de l’ancien Président de la République du Tchad. Ce mandat sera transmis aux autorités de la République du Sénégal. Hissène Habré,venu au pouvoir à la suite du coup d’État en 1982, sera arrêté le 15 novembre et placé en garde à vue, avant d’être rapidement libéré. La justice sénégalaise s’était à l’époque estimée incompétente et avait renvoyé le cas Habré à l’Union Africaine (UA).
Retour à l’envoyeur dès l’été 2006, puisque l’organisation d’États africains, créée en 2002 à Durban en Afrique du Sud, mandatera finalement le Sénégal pour juger Hissène Habré pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture [5]. Dès lors le « Pays de la Terenga » engagera des réformes législatives et modifiera sa Constitution afin d’être en mesure de juger l’ancien dictateur tchadien.
En Juin 2013, Hissène Habré est placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte par un tribunal spécial. En Juillet 2015, l’ancien Chef de l’État sera jugé à Dakar par les Chambres africaines extraordinaires [6]. Si ce procès à lieu, c’est grâce à l’action d’un avocat américain, « spécialiste » de la défense des victimes des régimes dictatoriaux. Celui que l’on surnomme « le chasseur de dictateurs« est aussi conseiller juridique et porte-parole de l’ONG Human Rights Watch avec laquelle il lutte pour les victimes de Hissène Habré.
Le 30 mai 2016, il est finalement déclaré coupable de crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavages et enlèvement. Le Tribunal Spécial Africain le condamnera à la prison à perpétuité dès la première instance. Cette peine sera alourdie le 29 juillet 2016 par l’injonction de verser entre 10 et 20 millions de FCFA (soit entre 15 245 et 30 490 euros) à chacune de ses victimes.
Hissène Habré a fait appel de sa peine. Le second jugement débutera le 9 janvier 2017. Le maintien de la condamnation à la prison à perpétuité sera finalement retenu. Hissène Habré épongera son ardoise sanglante au Sénégal ou dans un autre pays de l’UA. Par ailleurs, la Chambre d’appel a fixé les dommages à 82 milliards 290 millions de francs CFA.
Notes et références :
[1] Douglas Farah, « Chad’s Torture Victims Pursue Habre in Court« , The Washington Post du 27 Novembre 2000.
[2] Dionne Searcey, « Hissène Habré, Ex-President of Chad, Convicted of War Crimes« . The New York Times. publié le 30 Mai 2016.
[3] « Senegal: « US Urges Action on Chadian Ex-Dictator’s Trial« . Archivé à partir de l’original le 22 juillet 2011.
[4] Augusto Pinochet est l’ex-Président du Chili responsable de la mort/disparition de plus de 3 200 personnes de la torture de 38 000 autres ainsi que de l’arrestation de des dizaines de milliers d’arrestations de dissidents
[5] Deux ans plus tard, en Aout 2008, Hissene Habre sera officiellement condamné à mort par contumace pour crimes contre l’humanité par un tribunal de N’Djamena.
[6] Les Chambres africaines extraordinaires forment une juridiction spéciale créée par le Sénégal et l’Union Africaine.