Qualifiée autrefois de « locomotive du Congo », le département du Pool est aujourd’hui le théâtre d’une crise humanitaire. Retour sur un conflit dont on parle peu…
Congo-Brazzaville : La « guerre du Pool » ravage le pays
Le Pool est un département situé dans le Sud de la République du Congo. Il est depuis 1998 en proie à de nombreuses violences faisant suite à la guerre fratricide du Congo-Brazzaville de juillet 1993 à décembre 1999. Ce conflit que l’on à coutume d’appeler « la Guerre Civile du Congo Brazzaville » a été à la fois un conflit ethnique et politique qui opposa les partisans du président Pascal Lissouba, ceux de l’actuel président Sassou Nguesso et les partisans de Bernard Kolélas, maire de Brazzaville tous trois aspirants au trône présidentiel. Le conflit ne s’acheva qu’avec l’intervention de l’armée angolaise, qui replaça l’ancien président Denis Sassou Nguesso aux affaires. Ce dernier s’autoproclama Président du Congo le 24 octobre 1997. Le bilan officiel de cet affrontement fut d’au moins 400 000 morts, ce qui représente pas moins de 10% de la population congolaise. Malgré l’appel à la réconciliation des congolais lancé par Sassou Nguesso, les combats reprirent dès le mois de décembre 1998.
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La guerre civile a profondément fractionné le pays en trois camps :
- Au Nord les pro-Sassou-Nguesso
- Dans le Centre-Ouest les partisans de Pascal Lissouba (en exil à Paris depuis 2004.)
- Dans le sud, particulièrement dans la région du Pool (Brazzaville) les pro-Kolelas (décédé en France à l’âge en 2009).
Cette situation qualifiée de « Guerre du Pool » s’est intensifiée à la suite de la réélection de Denis Sassou NGuesso, à la tête du pays, en avril 2016. L’un des personnages centraux de cette crise est Frédéric Bintsamou, Alias le Pasteur Ntumi [1], un chef de milice et homme politique.
Ce singulier personnage a dirigé les « Ninjas« , un groupe de combattants rebelles opposé à Sassou Nguesso entre 1998 et 2005. Entre 2007 et 2016, il troque sa casquette de chef de guerre pour celle d’homme politique. Il deviendra l’homme fort du Conseil National des Résistances (CNR) [2]. En Avril 2007, Ntumi signe un accord avec le gouvernement congolais, en vertu duquel il obtiendrait le poste de vice-ministre s’il s’engageait à dissoudre les Ninjas, forts de 5 000 hommes. Finalement, il occupera le poste de « Délégué général chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre« . Il reprendra les armes après l’élection présidentielle de mars 2016.
Les Ninjas, comme les autres milices ont la triste réputation de s’en prendre aux populations locales. Les pillages, viols et autres assassinats font partie de la longue liste de leurs exactions. Ils seraient notamment responsables des violences post-électorales [3] qui ont suivi à Brazzaville ainsi que de l’attaque d’un train en septembre 2016 [4].
Selon Guy-Brice Parfait Kolelas, député de Kinkala, la préfecture du Pool, et ancien candidat à la présidentielle du Congo :
« Le département du Pool contient 13 districts. Il y a 6 districts qui sont en détresse, voire dans le chaos. Et dans ces districts, la quasi-totalité des villages ont été détruits, brûlés, des populations se sont déplacées massivement. » [5]
En effet, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont déjà fui le département du Pool du fait des violences. Si l’on en croit l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) dans son dernier rapport, la situation serait extrêmement préoccupante. Entre 10 000 et 30 000 personnes auraient quitté leurs villages depuis le début de la crise. Pour Trésor Nzila, le directeur exécutif de l’OCDH :
« Nous avons des témoignages très inquiétants, qui font craindre à la commission de graves violations des droits humains. Des tas de meurtres sont signalés, des actes de torture, des d’arrestations arbitraires, des viols. Les témoignages que nous avons des deux parties sont indexés dans la commission de violation. Une force officielle et non officielle commettent des exactions dans le Pool ». [6]
Cette crise dans le Pool fait payer à la région un lourd tribut. Avec l’impact humain il y a aussi l’impact économique. Le trafic ferroviaire est interrompu dans la région, la nourriture commence à manquer et celle qui reste devient de plus en plus chère. Il est opportun de tirer la sonnette l’alarme et de dénoncer cette situation dramatique, qui une fois de plus prend la population locale en otage. Les médias mainstream font peu de cas de cette « Guerre du Pool« . Certains estiment qu’il faut absolument mettre le Pasteur Ntumi hors d’état de nuire, d’autres qu’il faut négocier avec lui afin de trouver une issue à cette crise.
Mais il y a un autre élément à mentionner, et pas des moindres. La région du Pool est aussi et surtout une zone riche en matières premières. Ainsi, lors de la construction de la route Brazzaville/Ponte-noire, les Chinois auraient découvert d’énormes gisements de Coltan dans le département. La question qui se pose dès lors est de savoir si « la guerre du Pool » ne serait pas un triste remake du conflit meurtrier du Kivu.
Notes et références :
[1] « Ntumi » veut dire « messager » en Lari.
[2] Le Conseil National des Résistances est la face politique des Ninjas.
[3] « Congo-Brazzaville: Ex-government minister, Claudine Munari, accuses authorities of ‘genocide’« , publié le 14 Avril 2016.
[4] « Congo train attack kills 14 including children » publié le 3 Octobre 2016.
[5] « Congo-Brazzaville: Kolélas dénonce une crise humanitaire dans la région du Pool« , publié le 16 Mai 2017.
[6] « Congo-B.: les populations du Pool dans une situation dramatique, selon l’OCDH« , publié le 1er Mars 2017.
[7] « Congo : le président Sassou réélu au premier tour, l’opposition conteste« , publié le 20 mars 2016.