Patrice Talon vole au secours du franc CFA

Il y a quelques temps, Alassane Ouattara fustigeait une « campagne de dénigrement » contre la monnaie de singe que constitue le Franc CFA. C’est désormais au tour du président du Bénin, Patrice Talon de défendre cette devise néo-coloniale. Le Bénin et la Côte d’Ivoire seraient-ils les derniers bastions de la Françafrique, ou voient-ils réellement en ce système monétaire une issue pour le développement de leurs états ? Une question étrange, certes, mais qui se pose de fait, en cette période où les tendances contradictoires entre chefs d’états africains anti-Fcfa et pro-Fcfa sèment un vent de doute quant à l’orientation du vieux continent.

Dimanche 16 avril, sur RFI, le président béninois a pris le parti de défendre le franc CFA [1]. En effet, pour l’ancien homme d’affaires :

« La stabilité d’une monnaie par rapport à une devise est un avantage. »

Il a argumenté son propos à l’aide du poncif classique des amoureux du Franc CFA, cette monnaie imposée le 25 Décembre 1945 par décret du Général de Gaulle. A savoir que la modification de la parité Euro/FCFA ou sa dévaluation va :

« générer beaucoup de pauvreté, beaucoup de misère dans une situation déjà assez difficile, sans que cela nous apporte quelque chose d’intéressant en matière de compétitivité »

Ces propos font écho à ceux qu’avaient tenu dernièrement Alassane Ouattara, en marge du Sommet Extraordinaire des dirigeants de l’UEMOA [2] le 10 Avril dernier à Abidjan. Le président ivoirien avait alors déclaré que le le Franc CFA serait « une monnaie saine [qui serait] entre de bonnes mains« . Il avait ajouté par la suite :

« Notre constat est que le CFA se porte bien et la preuve est qu’il dispose de 5 mois d’impression de réserve alors que la norme est de 3 mois »

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L’imprimerie de la Banque de France, entourée de murs et barbelés de 5m de haut, est la seule imprimerie de France où ont été imprimés les billets en Francs et où sont aujourd’hui imprimés les francs CFA.

 

Ces déclarations présidentielles vont à contre courant de la vague de mobilisation historique de la société civile africaine contre ce qui apparaît comme la plus grande entrave à la souveraineté africaine. En ce début de XXIe siècle, force est de constater que la Françafrique est encore solidement enracinée sur le continent africain.

Il convient de rappeler, que le franc CFA (fabriqué en France à Chamalières) c’est :

  • La mise en esclavage de 15 pays d’Afrique via le seul système monétaire colonial au monde encore en activité.
  • L’enrichissement systématique de la France via le transfert au Trésor Français des devises étrangères.
  • 12 milliards d’euro des banques centrales africaines stockés au Trésor français dans un compte d’opération. En clair, les pays de la zone CFA ont accès seulement à 15 % de leur propre argent.
  • Le droit de veto des administrateurs français siégeant aux conseils d’administration des Banques Centrales Africaines de la zone CFA garantissant les intérêts stratégiques de la France en Afrique.
  • Et bien d’autres joyeusetés digne de l’époque coloniale…
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Samedi 7 janvier 2017, près de 700 personnes se sont réunies en région parisienne pour participer au Front historique contre le Franc CFA – © Crédits photos : Sarah Kouaka, NOFI

Selon Kemi Seba, président de l’ONG « Urgences Panafricanistes« , à l’initiative du Front Anti-CFA (Colonisation Française en Afrique):

« Face au néocolonialisme français, beaucoup de nos chefs d’États finissent par porter des Hauts TALONS, du rouge à lèvres, et autres strings ficelles.Nous autres membres du FRONT ANTI CFA saurons en tenir compte. »

Notes et références :

[1] Le FCFA est le nom de 2 monnaies communes à plusieurs pays d’Afrique constituant en partie la zone franc d’Afrique centrale (CEMAC) (CFA = Coopération Financière en Afrique) et la zone franc d’Afrique de l’Ouest (UEMOA) (CFA = Communauté Financière d’Afrique).

[2] L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est une organisation d’Afrique de l’Ouest dont le but est de réaliser l’intégration économique de ses États membres.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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