Après le premier déplacement de la candidate d’extrême droite aux élections présidentielles françaises, au Tchad le 21 mars 2017. Certains ont été porté à croire, au vu du programme pour l’Afrique du Front National, que Marine Le Pen serait la meilleure alliée des africains. Décryptons cette fantaisie.
Le 21 Mars dernier, Marine Le Pen, présidente du Front national et en lice pour la magistrature suprême de l’Etat français, était reçu par Idris Deby le président tchadien. Lors de sa présence dans la république sahélienne, la patronne du FN à particulièrement peaufiné son projet pour le continent africain, à travers son discours et un programme de 15 pages. Brocardant sa « sur-diabolisation » médiatique, elle se fendit d’une déclaration ironique :
« Le thème des relations franco-africaines figure au cœur des attaques mensongères et grossières dont je suis la victime depuis des années : ainsi, je serais, dit-on «raciste, xénophobe, islamophobe !», que sais-je encore ? »
http://nofi.fr/2016/01/le-front-national-nouveau-soutien-des-congolais-de-lopposition/26199
Intitulé « L’Afrique : notre priorité pour l’international « , le programme de la candidate frontiste pour le continent est sans doute le plus fourni de la campagne.Tout au long de cette véritable « opération séduction » à l’endroit des populations d’origines africaines. En effet, Marine Le Pen y aborde des thèmes chers à un bon nombre d’entre nous, qui appelons de nos vœux une Afrique puissante et véritablement autodéterminée :
« Nous allons mettre fin au ”deux poids, deux mesures“ qui caractérise l’actuelle politique africaine de la France et nous en tenir à une ligne claire : le respect des souverainetés nationales. »
« La Françafrique visait aussi à maintenir le poids diplomatique de la France dans le contexte de la Guerre froide et, sur la fin malheureusement, à permettre à des personnalités privées ou à des réseaux de s’enrichir sur le dos des africains. »
« Les perspectives d’évolution de l’Afrique mobilisent toute mon attention. Présidente de la République, j’en ferai ma priorité. […] Nous créerons une structure ministérielle unique pour le développement, la solidarité et les sécurités. »
« J’ose ainsi espérer que ce discours restera comme «le discours de N’Djamena», celui qui aura exposé au grand jour l’hypocrisie des racistes qui m’accusent de l’être, mais également l’hypocrisie qui caractérise la politique africaine de la France depuis la fin de la Guerre froide. »
« Concernant la souveraineté, nous parlons le même langage. Y compris sur la monnaie car j’estime que le franc CFA est inconvénient économique pour les pays d’Afrique. On ne peut pas être souverain à moitié. »
« J’ai expliqué au président Déby que je n’entendais pas continuer cette politique de la «Françafrique», faite d’ingérences et d’exigences de contreparties, parfois opaques. Je lui ai dit également que j’étais un défenseur de la souveraineté des États, alors que l’Union européenne ne cesse de faire du chantage. »
Ces déclarations, ainsi que quelques autres lancées de-ci-de-là au cours de sa carrière politique, poussent certains défenseurs de l’Afrique à soutenir la candidate de l’extrême droite. Aujourd’hui, il devient de plus en plus banal d’échanger avec un africain ne voyant aucun problème à offrir son vote à Marine Le Pen. Certains, à l’instar de collectifs congolais qui avait appelé au vote du Vlaams Belang [1] afin de précipiter la chute du royaume belge ; pensent que la France ne survivrait pas à un quinquennat « Bleu Marine« . D’autres voient dans le Front National le parti de la renaissance africaine. Aussi invraisemblable qu’il n’y paraisse, malgré la réputation « sulfureuse » du parti, il en est, de plus en plus nombreux , à penser que Marine Le Pen est la meilleure amie de l’Afrique.
Saviez-vous, par exemple qu’il existe en Côte d’Ivoire un comité de soutien au Front National ? En effet, Emile Kima le fondateur de la Fondation pour la paix et la réconciliation en Afrique de l’Ouest (FPAO) à prévu d’organiser une manifestation où de nombreux leaders frontistes seront invités. Le président de la FPAO,vante, sans ambages, ce qui serait pour lui les aspects positifs d’une présidence Le Pen :
« En tant qu’Africain et de surcroît francophone, j’ai suivi le débat entre les candidats à l’élection présidentielle en France. J’ai vu que Marine Le pen fera l’affaire de l’Afrique. Marine Le Pen dit qu’il n’ y aura plus de Francafrique, elle dit que c’est la misère qui apporte l’immigration, elle parle également de notre monnaie le CFA qui est fabriqué en France, est ce que nous trouvons cela normal? Nous avons notre indépendance politique, mais nous n’avons pas notre indépendance économique, il ne faut pas avoir peur des mots. Je pense qu’avec elle, les choses changeront. » [1]
Nous pourrions aussi citer l’organisation, le 18 janvier dernier, d’une conférence ayant pour thème « Les cinq raisons qui font que l’élection de Marine le Pen est une chance pour l’Afrique« , par la section béninoise de l’ONG Promotion de la Jeunesse Unie pour le Développement (PJUD). Pour l’initiateur de ce mouvement, Cyrille Ayewomu :
« des questions d’actualité comme la contestation du franc CFA trouveraient écho auprès d’une administration dirigée par Marine Le Pen. » [2]
http://nofi.fr/2015/04/portrait-de-francois-shematsi-militant-fn/15336
En effet, le Bénin aussi a son « mouvement Bleu Marine« …
En France, des afrodescendants de nationalité française sont eux aussi de plus en plus séduits par le parti patriote français. En 2012 déjà, Rosine Nahounou, une membre du comité de soutien du FN déclarait :
« Je me suis proposée par moi-même au Front National. Personne ne m’a appelée. J’ai été à gauche, j’ai été à droite. Mais la gauche ou la droite, j’y crois plus. Et j’ai été séduite par le Front National, notamment sa politique étrangère. […] Allez sur son site, vous verrez qu’elle est pour la souveraineté des nations et l’autonomie des peuples, notamment pour mon continent africain. […] C’est la seule qui est crédible et cohérente dans ses propos. Je ne veux pas voir des diplômés africains venir en Europe pour travailler dans la sécurité. Je préfère les voir rester en Afrique et les voir développer leur continent africain. » [3]
Ces espérances sont elles fondées ? Le FN serait-il le parti qui apporterait aux anciennes colonies française la souveraineté ? Marine Le Pen serait-elle vraiment l’amie des africains ? Qu’en est -il vraiment ?
Même s’il est important de ne pas gober benoîtement la litanie anti-FN qui inonde les médias, il convient de garder deux ou trois fondamentaux à l’esprit. En effet, soutenir MLP, c’est, entre autre, soutenir :
-
l’abolition de la bi-nationalité UNIQUEMENT pour les Africains (mais pas pour les Européens)
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l’interdiction de toute régularisation de sans-papiers et l’automatisation de leur expulsion
-
la promotion à l’école d’un « roman national » exaltant la colonisation
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la fin du « regroupement et au rapprochement familial » et à l’aide médicale pour les clandestins
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la négation du caractère criminel de la colonisation
-
la présence de l’armée française en Afrique
-
l’assimilation et la perte d’identité des afrodescendants de France
-
la domination coloniale de la France sur ses plus anciennes colonies, devenues »départements »
Est-il possible de croire en ses promesses visant à stopper le colonialisme moderne alors que toute une série de mesures du FN vont à l’encontre de l’élévation politique, économique, sociale et culturelle du contient et de sa diaspora vivant en France ? Est-il de plus nécessaire de revenir sur les saillies négrophobes du parti d’extrême droite, depuis sa création ? Mais au-delà de Marine Le Pen et de ses contradictions, questionnons notre volonté véritable de libérer l’Afrique des forces exogènes qui freinent son développement en nous rappelant les sages parole de Malcolm X :
« Personne ne peut vous donner la liberté. Personne ne peut vous donner l’égalité ou la justice. Si vous êtes un homme, c’est à vous de la prendre. »
Ainsi, selon ce même principe il n’incombe pas à Marine Le Pen ou à quelques candidats français que ce soit de faire renaître la « Terre-Mère » à la société civile africaine du continent et de la diaspora, de lutter avec la dernière énergie pour l’indépendance réelle de ses populations. L’Afrique, comme l’enseigne l’Histoire n’a d’autres amis qu’elle-même.
Notes et références :
[1] Le Vlaams Belang (« Intérêt flamand« ) est un parti politique flamand d’extrême droite.
[2] « Vous êtes africaine et vous soutenez Marine Le Pen ?! » publié dans le Bondy Blog le 18 juillet 2012
[3] Un comité de soutien à Marine Le Pen… au Bénin publié dans l’opinion le 19 janvier 2017