Telle « Fatoumata au bois dormant« , il semblerait que nous soyons plongés dans un sommeil profond. En apnée dans notre délire somnambulique, aurions-nous fini par croire au conte de fées intégrationniste récité par la République. Suivre docilement le cursus de l’Éducation Nationale, trouver un emploi bien comme il faut, payer des impôts et voter, suffirait-il à nous garantir joie et félicité, comme pour nombre de nos concitoyens ?
Voyons ce qu’il en a été ces derniers temps.
A priori, l’histoire des relations entre la France et la composante la plus sombre de sa société ne semble justifier en rien une telle croyance. Force est de constater que pour les « Noirs de France » l’intégration a fréquemment rimé avec désintégration. La République française célébrait les « Droit de l’Homme » mais pratiquait l’esclavage. Elle prétendait apporter la civilisation mais imposait la colonisation. Aujourd’hui, la France prône l’intégration mais pratique la discrimination.
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L’optimisme peut nous faire penser que les choses ne vont pas si mal et qu’il ne faut pas voir le racisme partout. En effet, certains Noirs ont, au fil du temps, accédé à de hautes responsabilités. Des présidents du Sénat, des ministres régaliens, de grands journalistes et autres personnalités publiques sont issus de la communauté afro. Toutefois, la situation collective de notre communauté a-t-elle fondamentalement évolué ? Eléments intégrés à la République ou « serpillières de la République« . Nous figurons en tout cas, objectivement, du côté de ceux qu’il est aisé de brimer, presque sans conséquences.
Les exemples sont nombreux et réguliers. L’actualité offre régulièrement son lot de drame négrophobe.
- L’affaire Adama Traoré, 12 ans après la Mort de Zyed et Bouna, nous enseigne qu’en France un afrodescendant peut trouver la mort suite à une rencontre avec la police.
- L’Affaire Théo, du nom de ce jeune « français » d’origine congolaise violé et insulté de « Bamboula » par la police devrait nous interpeller. Nous savons désormais qu’en France, un éducateur de quartier sans histoire peut se retrouver avec une déchirure anale de 10 cm pour avoir simplement été au mauvais endroit au mauvais moment.
- Luc Poignant, syndicaliste policier de l’Unité SGP-FO est d’ailleurs venu nous rappeler qu’il est « à peu près convenable » pour un garant des liberté (c’est, en droit, le rôle de la police) de traiter un Noir de « Bamboula« .
- Le manque de réactivité de la France à l’égard de la pénurie d’eau de plusieurs mois à Mayotte interroge sur le caractère français du 101ème département.
- En Guyane, un mois de conflit social est venu nous rappeler que les ultramarins, « français » depuis la loi de départementalisation de 1946, ne sont pas logés à la même enseigne que les métropolitains. Être intégré ne leur a pas permis d’être considérés comme des français à part entière.
- Quid de Christiane Taubira, ancienne « Garde des sceaux » ? Être intégrée lui a-t-il évité les attaques négrophobes ?
- Quid du rappeur Black M ? Être intégré lui a-t-il évité d’être banni de la commémoration de la bataille de Verdun ?
- Quid de tous ces afro-descendants nés en France ? Être intégrés leur a-t-il épargné les discriminations au logement, à l’emploi ou encore les contrôle au faciès ?
http://nofi.fr/2016/11/controles-facies-letat-francais-condamne/32635
Tout ces exemples (et la liste est interminable) doivent nous rappeler que, qui que nous soyons, quoi que nous fassions nous ne serons jamais véritablement chez nous. Il ne s’agit pas de s’apitoyer sur notre sort, mais de comprendre rapidement cela afin d’avancer. Et puis d’ailleurs, n’avions-nous pas été prévenu ? Le Général de Gaulle, figure paternelle de la France moderne avait pourtant été explicite :
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« C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France . Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » [1]
http://nofi.fr/2016/09/cesserons-de-pleurnicher/31002
Le message est clair n’est-ce pas ? La place du Noir en France est anecdotique et il ne saurait en être autrement. C’est en tout cas ce que nous rappelle quotidiennement la frange la plus à droite de la politique française qui chaque jour se répand en petites phrases contre les immigrés, leurs descendants (pourtant « français« ) et tout ce qui ne rentrerait pas dans la norme du « français de souche« . Ce cher papa De Gaulle à qui chaque politicien se réclamant républicain (apparemment les autres ne le seraient pas) aime tant faire allusion. La présence noire est tolérée en France tant qu’elle est discrète et l’intégration serait selon les hommes politiques le « sésame » obligatoire pour être pleinement accepté et respecté dans le giron national.
Puisque nous sommes en période électorale, faisons le tour de ce qu’ont à dire les principaux candidats au sujet de l’intégration :
Pour Emmanuel Macron :
« la question de l’intégration reste un problème en France. » [2]
Pour François fillon :
« Le défi de l’intégration ne sera gagné qu’avec l’autorité d’un État capable de défendre, d’affirmer les valeurs du progrès et de la raison. » [3]
Pour Mélenchon :
« Le modèle d’intégration française est mis en panne par la misère et le néolibéralisme. » [4]
Mai au fait, qu’est-ce que l’intégration ? Définir ce que recouvre ce terme nous renseignera certainement sur les véritables motivations de ceux qui le promeuvent.
Ainsi, selon le dictionnaire (qui devrait être l’un de nos livres de chevet), s’intégrer c’est :
- S’insérer dans quelque chose, s’y incorporer, entrer dans un ensemble
- Se placer dans un ensemble de telle sorte qu’on semble y appartenir, qu’on soit en harmonie avec les autres éléments
- Ne plus être étranger à une collectivité, s’y assimiler
S’intégrer rime donc automatiquement avec être assimilé qui est défini comme :
- Être Considéré comme semblable à quelqu’un d’autre, ou à être traité comme tel
- S’intégrer à un groupe social, prendre les caractères de celui-ci
A ce sujet, c’est clairement Marine Le Pen la moins hypocrite, car dans son programme, elle fait la promotion de l’« assimilation » plutôt que de l’« intégration ». Avec elle, les choses ont au moins le mérite d’être claires. S’intégrer, c’est se dépouiller de nos traditions. C’est se voir retirer la possibilité de vivre selon les principes et les valeurs de ses aïeux. Ne plus être en mesure d’agir pour ses propres intérêts, au sein de la république.
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Alors, la France serait donc une société multiculturelle et post-raciale. Les vagues successives d’immigration européenne (italiennes, portugaises, polonaises principalement) se seraient fondues dans le creuset républicain du « vivre-ensemble« . Mais il y eut un cheveux dans la soupe avec les populations afro …
Etant donné les sombres perspectives qu’annoncent les prochaines élections, il est urgent que nous comprenions que nous avons les capacités de maximiser notre potentiel, collectivement. Notre élévation, ce même principe qui conduira au respect, ne dépend que de nous. Car trop parmi n’espèrent qu’une chose : être accepté par la France. Quitte à faire les clowns pour elle, à chanter pour elle, à danser pour elle. L’amour n’étant pas un sentiment contrôlable, seul le respect peut et doit être exigé.
http://nofi.fr/2016/02/27442/27442
Qu’il s’agissent de gouvernement de droite ou de gauche, les soubassements idéologiques présidant aux rapports entre les Noirs et la France n’ont que peu évolué au cours de la V° République. Manuel Valls, ancien Premier Ministre, remercié lors des primaires de la Gauche ne parlait-il pas d’un « apartheid territorial, social, ethnique » [] qui fracturerait la société française ?
L’intégration est un « trompe-l’œil » visant à nous faire croire que nous serions tous pareils. Elle nous rendrait meilleurs citoyens. Il n’a jamais était prévu que nous soyons pleinement français et que nous jouissions des mêmes prérogatives que le reste de la population. Depuis les année 1980, où ce terme est entré dans le débat publique, nous devrions savoir que le modèle d’intégration est un échec.
Gardez cela en tête, si jamais vous allez glisser votre voix dans l’urne, dimanche prochain. Souvenez-vous que quelque soit le futur Président de la République, aucun ne pourra résoudre nos problèmes d’un coup de baguette magique. Ne nous laissons plus bercer par le conte de fée du « vivre nsemble » écrit sans nous. Prenons voix au chapitre en corrigeant, en prouvant, en refusant, en exigeant. Ne soyons pas telle « Fatoumata aux bois dormant« . Réveillons-nous et n’attendons pas que d’autres fassent pour nous,sans notre concours, ce que nous sommes parfaitement capables de faire par nous-mêmes.
Notes et références :
[1] Conversation entre de Gaulle et Alain Peyrefitte suite aux événements d’Algérie. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome 1, 1994
[2] Emmanuel Macron a répondu à La Cimade sur les questions de politique migratoire
[3] François Fillon sur Tweeter
[4] Mélenchon sur Tweeter