Il s’agit de la première commission historique d’Etat qui ne porte pas sur la Seconde guerre mondiale.
En 2014, le Ministère des Outre-mer a mandaté une commission officielle indépendante pour faire la lumière sur les tragiques événements qui ont secoué la Martinique, à partir de 1959 ; la Guadeloupe en 1967 et la Guyane entre 1960 et 1970. La transversalité de ces drames, qui posent la question de l’intégration des départements de l’outre-mer à l’hexagone, raisonnent encore aujourd’hui. En outre, ce rapport éclaire sur l’implication, voire, la responsabilité de l’Etat français dans cette part de l’Histoire. A l’aune de ce travail méticuleux, nous allons étudier, au cas par cas, la chronologie de ces affaires et les résolutions apportées par le travail des historiens-chercheurs. Commençons par présenter ce projet de mémoire inédit.
Ces travaux devaient faire émerger des éléments de réponses objectives à trois questions capitales. Il s’agissait en effet de connaître le degré d’implication de la police dans les émeutes de 1959 en Martinique ; révéler le secret autour du crash d’avion en Guadeloupe en 1962, transportant entre autres des indépendantistes guyanais ; l’ampleur du massacre de mai 1967 en Guadeloupe.*
Ces trois thèmes étaient les objets d’enquête de la commission. La résonance des mouvements de soulèvement contre la métropole est d’autant plus forte qu’ils sont corollaires.
Ladite commission temporaire d’information et de recherche historique a commencé son travail le 22 avril 2014. Elle avait été instituée par Victorin Lurel, ancien ministre PS des outre-mer (16 mai 2012-31 mars 2014) et ancien président du Conseil régional de la Guadeloupe (29 mars 2004-18 décembre 2015). Sa conduite fut reprise par celle qui lui succéda, George Pau-Langevin, ministre des outre-mer jusqu’à sa démission du gouvernement le 30 août 2016. Cette commission indépendante avait une année pour rendre son rapport au ministère. Le 30 octobre 2015, la date de remise avait finalement été repoussée au 31 octobre 2016. Dès le mois d’avril 2016, les chercheurs ont pris soin de communiquer publiquement les premiers résultats à Cayenne, Point-à-Pitre et Fort-de-France.
La commission indépendante
La première réunion plénière a lieu en janvier 2015. Ce groupe d’historiens-chercheurs a été conduit par Benjamin Stora. Il s’est ensuite divisé en trois sous-groupes, chacun chargé d’un département. Ainsi, au sein de cette commission indépendante on retrouvait :
Jacques Dumont : Professeur à l’université des Antilles et de la Guyane où il est également directeur adjoint du laboratoire EA929 AIHP-GEODE (Archéologie Industrielle, Histoire, Patrimoine/Géographie-Développement Environnement de la Caraïbe).
René Bélénus : Directeur d’Etat en Histoire de la Guadeloupe et directeur du collège de Versailles à Basse-Terre en 2011. Chef d’entreprise, sa société a été fermée le 22 mars 2017.
Laurent Jalabert : Professeur d’histoire contemporaine et maître de conférences en Histoire moderne. Ses recherches s’articulent autour de l’Histoire confessionnelle (XVIIe-XIXe siècles) ; l’Histoire sociale, spatiale et religieuse des armées (XVIIe-XIXe siècles), la Mémoire et l’identité.
Serge Mam Lam Fouck : Professeur d’Histoire contemporaine à l’université des Antilles et de la Guyane.
Louis-Georges Placide : Historien et auteur de l’ouvrage « Les émeutes de décembre 1959 en Martinique ».
Michelle Zamarini Fournel : Historienne, professeure d’Histoire contemporaine à l’université Claude-Bernard-Lyon-I et coordinatrice de la revue CLIO, magazine semestrielle dédié à la recherche sur la femme et le genre.
Sylvain Mary : Doctorant ATER (attachée temporaire d’enseignement et de recherche) et chargé de cours à l’université Sorbonne Paris IV. Il devient officiellement chargé de mission auprès de la commission le 15 janvier 2015.
Benjamin Stora : Historien et professeur à Paris XIII. Il est également inspecteur général de l’Education nationale et chercheur sur l’Histoire de l’Algérie, sur la guerre d’Algérie, sur le Maghreb contemporain, sur l’Empire colonial français et l’immigration en France. Depuis août 2014, Benjamin Stora est président du Conseil national de l’Histoire de l’immigration. Il est aussi l’un des fondateurs du syndicat d’inspiration trotskiste UNEF, en Ile-de-France.
Aussi, à la lumière des éléments apportés, nous reviendront sur le contexte dans lequel se sont survenus ces trois événements, dans trois articles distincts.
*Ce rapport de la commission Stora n’a pas la prétention d’apporter une conclusion à la recherche de la vérité sur ces épisodes. Ces résultats n’ont pas non plus valeur de preuves irréfutables. Ils s’agit toutefois de données objectives, obtenues grâce à des enquêtes, le dépouillement de documents d’archives et la parole de témoins directs de ces événements.