Un homme s’est filmé en train d’abattre d’une balle dans la tête un homme de 74 ans, choisi par hasard. Comble de l’horreur, ce dernier a diffusé la vidéo de son crime sur Facebook live dimanche 16 avril dernier. Le meurtrier est toujours en cavale.
C’est au hasard que Steven Stephens, 37 ans, à choisi sa victime. Il s’agissait de Robert Godwin Sr. un homme de 74 ans. Comble de l’horreur, l’assassin, un afro-américain de forte corpulence, reconnaissable à son collier de barbe et son crâne rasé, s’est filmé alors qu’il commettait son forfait. En effet, dans une vidéo d’une rare violence, on peut entendre Steven Stephens, encore assis dans son véhicule, déclarer :
« J’ai trouvé quelqu’un. Je vais le tuer. Je vais tuer ce vieux gars »
Quelques instants plus tard, il quitte son véhicule, aborde un passant, échange quelque mot avec se dernier, l’abat d’une balle dans la tête puis repart comme il est venu au volant de sa voiture. Robert Godwin, l’innocente victime tentera de se protéger, mais en vain, car il sera mortellement touché à la tête. Sur la vidéo, l’on pouvait voir le corps sans vie du septuagénaire saignant abondamment, laissé à l’abandon.
Depuis, le compte Facebook de Steven Stephens duquel avait été posté la vidéo du meurtre a été désactivée. Avant cela, Stephens avait affirmé sur Facebook avoir tué en tout 15 personnes. Pour le moment, la police n’a confirmé qu’un seul meurtre.
L’assassin qui travaillait comme gestionnaire de soins de santé mentale (ironique n’est-ce pas) a pu être contacté par la police, via son portable, mais ces derniers n’ont pas réussi à le convaincre de se rendre. Le fugitif s’est suicidé, mardi selon la police. Les forces de l’ordre ont déclaré :
« Après une brève poursuite, (il) s’est suicidé par balle »
Au-delà du fait que Steven Stephens est un vil criminel et que son crime odieux est inexcusable, ce dramatique fait divers pose encore et toujours la question du « Black-on-Black crime« . L’actualité américaine n’a de cesse de nous rappeler que la vie d’un Noir ne vaut pas chère, mais pourquoi donc certains noirs eux-mêmes en sont venus à adhérer à cela ?
Le Black-on-Black crime est un crime (souvent, un meurtre) dans lequel l’auteur et la victime sont tout deux noirs. Ce terme fait polémique outre-atlantique. D’aucuns affirment qu’il s’agirait pour l’administration américaine de cibler et de sur-criminaliser la communauté afro alors qu’à y regarder de lus près, les caucasiens sont statistiquement ceux qui assassinent le plus au États-Unis. Cependant, ce concept reste tout de même utile tant il permet de toucher du doigt un problème profond de la communauté afro-américaine, et même, dans une certaine mesure, des Africains à travers le monde.
L’expérience de Noirs aux Etats-Unis est teintée de violence. Gardons à l’esprit la cruauté de l’esclavage, les lynchages, les violences policières, la souffrance et la mort. L’histoire de la violence à l’encontre des population afro-américaines est si horrible qu’elle dépasse l’entendement. Cette violence a eut des conséquences néfastes sur la communauté noire du « Pays de l’Oncle Sam« , tentons, ensemble de voir comment cela se manifeste.
Avec l’esclavage et l’oppression raciale qui fait encore rage aujourd’hui, il est aisé de comprendre que cela ait pu causer un traumatisme entraînant des dommages graves sur la psyché des victimes et de leur descendance. Il en résulte une crise d’identité, de la haine de soi, une faible estime de soi et une méfiance des afro envers le monde entier, même ( et surtout) à l’égard des membres de leur propre communauté. Ces phénomènes sont clairement explicités par W.E.B Dubois, le célèbre militant panafricain pour les droits civiques, éditorialiste et écrivain afro-américain [1] :
« Les hommes ont été dépouillés de toute forme de fierté et de respect de soi en étant humiliés devant leur famille. Les femmes ont souvent été enlevées à leurs maris et ont été violées à leur discrétion, ce qui a encore diminué le sens de l’estime de soi du Noir et l’estime de soi de la femme noire. »
La violence engendre la violence et la violence socio-structurelle et institutionnelle engendre la violence interpersonnelle et intra-communautaire. La violence entre Noirs que nous pouvons observer (violence de gangs, guerre de quartiers, génocide Tutsi) ne serait-elle pas la résultante de cela ?
Selon certains, lorsque les Hommes sont oppressés, ils intériorisent l’oppresseur et font pour eux-mêmes, à leurs pairs ce que l’oppresseur leur a fait et continue de leur faire subir. Ainsi, selon Amos Wilson [2] :
« Celui qui commet un « Black-on-Black crime » est un raciste blanc avec un visage noir… C’est la psychologie d’un peuple qui utilise et abuse des autres peuples afin de réaliser ses objectifs égocentriques et auto-concernés ».
De fait, ne serait-il pas juste de dire que la question du « Black-on-Black crime », cette violence que nous nous portons à nous-mêmes, est un problème de désorientation culturelle, d’aliénation personnelle et de haine de soi ? Le « Black-on-Black crime » pourrait être, d’après ce que nous avons dit plus haut, la reproduction de la négrophobie de nos oppresseurs que nous avons fait notre.
Encore une fois, il ne s’agit en aucune façon de justifier la barbarie qu’à commise de Steven Stephens à l’encontre de Robert Godwin Sr. mais de tenter de donner des pistes de réflexion ainsi que des clés de compréhension sur la dynamique que sous-tend le phénomène du « Black-on-Black crime ».
Notes et références :
[1] Dubois, The Souls Of Black Folk, 1903.
[2] Amos Wilson, Black-On-Black Violence: The Psychodynamics of Black Self-Annihilation in Service of White Domination, 1991