Mardi 21 Mars 2017, le parquet de Paris a requis un non-lieu à l’égard de soldats français accusés d’avoir sexuellement agressé des enfants en République centrafricaine durant une mission de maintien de la paix. Une décision qui tombe dans un contexte social français tendu, au moment où les attaques contre les vestiges coloniaux en Afrique se font plus intransigeantes.
En 2014, la France avait ouvert une première enquête au sujet d’accusations de viol d’enfants, à l’encontre de soldats français mobilisés en République centrafricaine pour rétablir et maintenir la sécurité après des mois de violences dans le pays. Une affaire sordide qui a véritablement éclaboussé l’honneur de l’armée française.
En Avril 2015, le quotidien d’information, The Guardian, publie un rapport confidentiel faisant état d’actes de viols commis par 16 soldats français sur une dizaine d’enfants à Bangui, la capitale centrafricaine. Selon le troisième site de presse le plus consulté au monde, des soldats français auraient, entre autres méfaits, agressé sexuellement quatre jeunes garçons de 9 à 13 ans, « affamés et sans abri » moyennant « nourriture ou argent« . Selon le fameux rapport, ces pratiques pédophiles se produisaient dans un abri aux abords de l’aéroport de Bangui, dont les soldats français avaient la garde.
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Ce n’est pas tout. Une fonctionnaire de l’ONU qui officiait dans le pays avait raconté l’horreur de ces pratiques :
« Un petit garçon m’a expliqué qu’un militaire lui avait demandé de le masturber puis lui avait fait pipi dans la bouche »
Un autre fonctionnaire de l’ONU avait affirmé quant à lui qu’un officier français avait dénudé, attaché et violé trois jeunes filles en échange d’une petite somme d’argent. Les accusations deviennent alors plus nombreuses et plus précises. De jeunes frères et sœurs de 7 et 9 ans, par exemple, ont affirmé avoir été contraints de pratiquer des fellations à des soldats de la force Sangaris contre une bouteille d’eau et un paquet de biscuits.
Anders Kompass, ancien haut responsable des Nations unies, que d’aucun soupçonne comme étant la personne ayant fait fuiter les affaires d’agression sexuelles, a démissionné en 2016 afin de dénoncer l’impunité dont bénéficient les responsables de ces actes et le manque de volonté de l’ONU.
http://nofi.fr/2016/03/5-derapages-de-noshommes-et-femmes-politiques-francais/28269
Cependant, malgré l’extrême gravité des accusations, le parquet de Paris a tout de même estimé que l’enquête menée à ce sujet ne permettait pas d’établir les faits avec exactitude. Les témoignages des enfants (parfois contradictoires) n’ont pas assez pesé dans la balance. Un des juges en charge déclarera pour motiver sa décision :
« Il ne peut être affirmé qu’aucun abus sexuel n’a été commis, mais les éléments recueillis ne permettent pas d’établir des faits circonstanciés à l’encontre des militaires »
Traduction :
« Les soldats ont certainement violer des enfants, mais c’est la parole de l’armée française contre celle d’enfants des rues d’un pays du Tiers-monde«
« Je regrette que le parquet n’ait pas attendu que les magistrats instructeurs refusent peut-être cette demande d’acte en disant qu’elle n’est pas fondée, elle n’est pas pertinente, avant de rendre son réquisitoire définitif. Parce que rendre ce réquisitoire définitif dans ce tempo, dans ce calendrier, c’est d’une certaine façon, qu’on le veuille ou non, alimenter le procès qui est fait à cette instruction de vouloir aller relativement vite pour couvrir les agissements de l’armée française. »
Une impunité qui serait donc habituelle concernant certains agissements criminels de l’Armée française, surnommée à juste titre, « La grande muette ». Le doute avait déjà commencé à poindre lorsque des enquêteurs français avaient mis la main sur des vidéos pouvant « être interprétées comme de la matière pédophile » qui se trouvaient sur le PC d’un militaire en mission en RCA. Ce dernier ne fut pas inquiété car, d’après les enquêteurs: « le faible volume […] ne peut pas caractériser en l’état l’expression d’une déviance de type pédophile ».C’est affaire n’est malheureusement pas un cas isolé, d’autres enquêtes relatives à différentes accusations de viols, de zoophilies ou de violences diverses aussi bien par les forces françaises ont été, en majorité, classées sans suite. Quoi qu’il en soit, tout notre soutien va aux victimes et à leurs familles.
Notes et références :
L’Obs : Centrafrique : la justice enquête sur des abus sexuels commis par des soldats français, par Paul Laubacher.
En Centrafrique, les accusations de viols d’enfants se multiplient contre les soldats étrangers, Le Monde du 7 janvier 2016.
Bangui : l’introuvable vérité sur les viols d’enfants, Libération du 6 avril 2016
RCA: la justice française enquête sur de nouveaux témoignages de viols, RFI du 9 février 2016.
Centrafrique : des soldats français accusés d’avoir violé des enfants avec des animaux, Marianne du 1er avril 2016