Un tribunal ivoirien a jugé l’ex-première dame Simone Gbagbo non coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, après un procès relatif à son rôle présumé dans les troubles post-électoraux de 2010, qui conduisirent à la mort de milliers d’ivoiriens.
Le jury de la Cour d’assises d’Abijan a prononcé, mardi 28 Mars dernier, la libération de Simone Gbagbo. A l’issue du procès, le juge Kouadio Boiqui, président de la plus haute juridiction pénale du pays a déclaré :
« Le jury à la majorité déclare Simone Gbagbo non coupable des crimes qui lui sont reprochés, prononce son acquittement et ordonne qu’elle soit remise immédiatement en liberté si elle n’est retenue pour d’autres causes »
L’avocat de Simone Gbagbo quant à lui, a vu ses craintes dissipées. Il a déclaré :
« L’environnement du procès ne nous a pas rassuré. Un, les organisations de défense des droits de l’homme ont décidé de ne pas participer à ce procès. Deux, les avocats de la défense ont décidé de se retirer parce que la juge ne voulait pas mettre les acteurs des faits à la disposition de la justice pour qu’on ait leur version des faits. Trois, les avocats commis d’office de façon indépendante par le barreau ont décidé de se retirer. Donc les conditions du procès n’étaient pas sereines et équitables. »
L’accusation avait pourtant requis la réclusion criminelle à perpétuité car selon elle, Simone Gbagbo avait participé à un comité qui organisait des attaques meurtrières à l’encontre des partisans d’Alassane Dramane Ouattara, après les élections de 2010. Beaucoup pensaient le sort de l’ancienne « Dame de fer » scellé, tant le tableau que dressait d’elle le procureur était négatif. Le procureur Aly Yao allant jusqu’à déclarer :
« Après que son épouse soit arrivée au pouvoir, elle a commencé à s’imposer comme la véritable tête de la Côte d’Ivoire, l’armée, la police et la gendarmerie. »
Cela ne suffira pas à faire condamner l’ex-première dame. « Une fois encore » car Simone n’est pas libre pour autant. En effet, la même cours d’Assises d’Abidjan l’avait condamnée, en 2015, à 20 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat.
Laurent Gbagbo, délogé par le gouvernement Sarkozy, est en ce moment-même, jugé pour crimes contre l’humanité depuis le 30 Novembre 2011 à la Cour pénale internationale (qui ne semble s’intéresser qu’aux africains) de La Haye. La juridiction pénale permanente, « universelle » chargée de juger les personnes accusées de génocide et autres crimes de guerre a également voulu poursuivre son épouse. C’est uniquement parce que les autorités ivoiriennes ont refusé de la livrer que l’ex-première dame a été jugée chez elle.
Laurent Gbagbo, qui reste pour bon nombre de ses soutiens le président véritable de la Côte d’Ivoire, est incarcéré depuis 2011 aux Pays-Bas. Malgré les nombreuses demandes de ses partisans, la cour a insisté sur l’importance de l’incarcération de ce dernier. Notons que, dès le début de l’affaire, Fatou Bensouda, procureur général, a eut grand peine à apporter des éléments de preuves autres que provenant d’ONG ou de médias occidentaux. Jusqu’aujourd’hui, les accusations contre Laurent Gbagbo sont pour beaucoup fondées sur des ouï-dires anonymes [1]…
Mais ça n’est pas tout, certaines révélations de Nicolas Sarkozy, alors président de la France, jettent le trouble sur les éléments qui portèrent Alassane Ouattara au pouvoir. Ainsi, dans ses confidences à deux journalistes consignées dans l’ouvrage « Ça reste entre nous, hein ? Deux ans de confidences de Nicolas Sarkozy » [2] paru en 2014, l’ex-locataire de l’Élysée confiait :
« Quand je vois le soin que j’ai mis à intervenir en Côte d’Ivoire… On a sorti Laurent Gbagbo, on a installé Alassane Ouattara, sans aucune polémique, sans rien. »
Par ces mots, Nicolas Sarkozy a validé la thèse selon laquelle la France a renversé Laurent Gbagbo, à l’issue de l’élection présidentielle de novembre 2010, et mis en place via le Conseil constitutionnel, monsieur Ouattara plus docile et coopératif. Une implication française ayant provoqué in fine la mort de près de 3000 hommes, femmes et enfants. Un déni de démocratie semble-t-il, accompli au nom d’intérêts étrangers, duquel les populations africaines furent, une fois de plus, les victimes.
Les démêlés judiciaires des époux Gbagbo, ne sont peut-être pas ce que l’on veut bien nous en dire tant les zones d’ombres sont nombreuses et reposent la question de la souveraineté des états africains et de la françafrique.
Notes et références :
[1] Laurent Larcher, « La CPI décide de juger Laurent Gbagbo » La Croix, 15 juin 2014
[2] Ça reste entre nous, hein ? Deux ans de confidences de Nicolas Sarkozy, Flammarion documents, 4 Novembre 2014