Contrairement aux idées reçues, des souverains de célèbres empires africains ont cherché à s’unir avec d’autres, pourtant de confessions religieuses et d’horizons ethniques différents, face à la menace de la colonisation européenne.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Les divisions politiques et ethno-confessionnelles sont souvent-et à juste titre-invoquées pour expliquer en partie la colonisation du continent africain par les puissances européennes. Toutefois, si ces efforts ont été vains, il convient de noter que plusieurs souverains de grands états africains pré-coloniaux ont cherché à s’unir avec d’autres en dépit de leurs hétérogénéité ethnique et religieuse. Qu’il suffise de donner quelques exemples.
1) En 1888, l’Empereur d’Abyssinie chrétienne (actuelles Ethiopie et Erythrée) Yohannes IV écrivait à son homologue du Soudan mahdiste musulman, le Khalifa Abdullahi au sujet d’une attaque jugée inutile de ce dernier contre lui :
« Ne tuons pas les pauvres sans défense sans raisons, unissons nous plutôt contre nos ennemis communs les Européens. S’ils conquièrent mon pays, loin de vous épargner, ils détruiront votre pays…Il est donc de notre intérêt commun de les combattre et de les détruire. »
2) En 1895, le successeur de Yohannes, Menelik II d’Abyssinie fait une approche similaire auprès du Khalifa. « Et à présent un ennemi pire que tous ceux que nous avons connus jusqu’à présent apparaît devant nous pour nous réduire chacun en esclavage. Je suis Noir et vous êtes Noir. Unissons nous donc pour chasser cet ennemi qui nous est commun. »
Dans ces deux cas, alors que le Khalifa ignore d’abord les empereurs abyssins, devant la pression de l’avancée européenne, les deux parties en viendront à un accord de principe en 1897. Malheureusement, cette entente ne se matérialisa jamais et si l’Ethiopie avait repoussé victorieusement les Italiens en 1896, le Soudan sera conquis par les Britanniques en 1899.
3) En 1895, les troupes de l’empereur musulman de Wassoulou, l’Almami Samory Touré envahit le territoire du souverain de Gyaman (actuels Ghana et Côte d’Ivoire). Pour s’en protéger, ce dernier fait appel aux Français et aux Ashantis dirigés par l’Empereur Prempeh. Les premiers, bien qu’ennemis de Samori refusent alors que les Ashantis, alors en conflit avec les Britanniques, s’allient avec Wassoulou dans le cadre d’un pacte d’assistance militaire mutuelle. Bientôt circulent en France, des rumeurs selon lesquelles Samori se serait rendu en personne à Kumasi, capitale de l’Ashanti. Toutefois, pour des motifs financiers, cette union s’écroulera, laissant la souveraineté de deux des plus grands empires de l’Afrique à la portée de la colonisation européenne.
Références
Richard Alan Caulk / Between the Jaws of Hyenas
G. N. Sanderson / Contributions from African Sources to the History of European Competition in the Upper Valley of the Nile
Ivor Wilks / Asante in the Nineteenth Century