Hadja Mafory Bangoura (1910-1976) est une héroïne de la lutte pour l’indépendance de la Guinée-Conakry.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Mafory Bangoura nait vers 1910 à Wonkifon dans ce qui est alors la région administrative de Dubreka et ce qui est aujourd’hui la préfecture de Coyah (actuelle République de Guinée). Elle est issue d’une famille d’ethnie soussou. Elle grandit dans un milieu rural et modeste et vit principalement de la pêche. Elle poursuit ces activités, en plus d’un travail de couturière une fois arrivée avec sa famille à Conakry. Avec son époux, elle s’efforce de subvenir aux besoins de leurs trois enfants. N’ayant pas reçu d’éducation occidentale, Mafory Bangoura est alors illettrée. Elle ne fait pas partie de la frange privilégiée de la société guinéenne d’alors et a donc tout à gagner d’un changement social. Elle n’est pas non plus employée par le pouvoir colonial et n’a donc pas peur de perdre son gagne-pain. Ces deux caractéristiques, associées à la personnalité extraordinaire de Bangoura vont en faire un terreau particulièrement fertile à l’appel révolutionnaire, anti-colonialiste et activement ouvert à l’émancipation des femmes du futur président Sékou Touré et de son Rassemblement Démocratique Africain (RDA).
Pendant la grève générale de 1953 destinée à faire respecter le Code du Travail, elle part à la rencontre de Sékou Touré qui l’invite à mobiliser des femmes. Elle y parvient avec succès et apporte, comme le dira plus tard Touré, la première conquête de son mouvement : « l’unité organique, dans les luttes, de la femme et de l’homme de Guinée ». Après la grève, elle est élue présidente du comité des femmes du RDA qui, à l’aide de désormais nombreuses autres militantes vont revendiquer auprès du gouvernement des mesures favorables aux femmes et aux enfants. En 1954, lors d’un rassemblement du RDA, elle invite ses camarades à faire la grève du sexe auprès de leurs maris si ceux-ci refusent de rejoindre le RDA, voire à les quitter. Elle les invite aussi à vendre leurs bijoux et vêtements de valeur pour aider les autres membres du parti. Dans cette période de heurts civils, elle créée et dirige aussi une ‘milice populaire’ de femmes qui apprennent le maniement des armes et attaquent physiquement leurs rivaux.
A l’instar de la lionne qui part à la chasse et s’occupe de ses petits, Bangoura est aussi à la tête de la Croix-Rouge de Conakry et sa maison sert de refuge pour les blessés lors des heurts ayant lieu lors des manifestations anti-coloniales.
L’importance du travail de Bangoura commence à inquiéter les autorités coloniales. Une violente campagne de la part de sa police à son endroit commence alors. Celle que la police appelle ‘la dangereuse Amazone du PDG’ et ‘la femme terrible du RDA’ est dénigrée comme une ancienne prostituée. Accusée d’avoir transmis un document anti-français à des militants emprisonnés, elle est condamnée en juillet 1955 à payer une amende de 70000 francs et à un an de prison ferme.
C’est alors que les enfants de la lionne viennent à son secours. Des centaines de femmes se mobilisent en manifestant armées devant le commissariat. Dans le même temps, elles parviennent à réunir une caution pour libérer Bangoura en août 1955. Elle sera escortée en triomphe à son domicile et sa sentence réduite à trois mois en février 1956, dont elle ne servira qu’un seul. Lors de l’indépendance du pays, Bangoura occupera de nombreuses fonctions lié aux femmes au sein du gouvernement de Sékou Touré avant d’hériter du poste de ministre des affaires sociales en 1971. Cinq ans plus tard, elle décède en Roumanie. C’est alors toute une nation, encore nourrisonne, qui pleurera cette mère qui avait bravé les codes sociaux pour à la fois la nourrir et l’émanciper, laissant à son père-fondateur l’initiative d’une oraison aussi funèbre qu’atemporelle:
« Le Peuple de Guinée, ton Peuple
A tous ses fils et filles intrépides
Fera suivre ton exemple de fidélité.
Tu n’es donc pas partie!
Tu vis encore et tu vivras toujours!
Car tes compagnons de la grande lutte
Honoreront ta mémoire jusqu’au jour
Où ils se retrouveront dans ce monde nouveau
Gloire à toi MAFORY
Notre immortelle MAFORY. »
Bibliographie
André Lewin / Ahmed Sékou Touré (1922-1984), Président de la Guinée de 1958 à 1984
Elizabeth Schmidt / Mobilizing the Masses
Ahmed Sékou Touré / Révolution Démocratique Africaine, numéros 96 et 107