Au Kenya, des femmes âgées de 60 à 85 ans luttent à leur manière contre les agressions dont elles sont victimes.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
On aura beau blâmer l’Occident pour l’introduction du SIDA en Afrique Noire, on ne pourra nier le rôle prépondérant de la crasse ignorance de nombreux Africains dans le maintien de ce fléau. On connaissait en effet déjà le mythe du viol des vierges qui permettrait de guérir du SIDA. Celui-ci avait causé le viol de bébés en Afrique australe dans les années 2000. On sera désormais familier d’une autre croyance en vigueur chez certains Kényans. Selon celle-ci, les femmes âgées ne pourraient que difficilement être porteuses du virus HIV, car supposément abstinentes depuis trop longtemps pour avoir été infectées. Et comme elles ne pourraient que difficilement l’être, elles pourraient être violées.
Triste logique, qui révèle pourtant la dure réalité du viol des femmes au Kenya. Entre le 30 décembre 2007 et le 30 juin 2008 avait été conduite une étude sur la question. Elle avait fait état de 40500 cas de viols et d’actes pédophiles déclarés durant cette période dans le pays. Le nombre de ces crimes rapportés, dont les victimes étaient des personnes de 9 mois à 105 ans, était considéré comme pouvant être en réalité au moins trois fois plus important. L’une des raisons de ce manque de témoignages serait le stigmate associé à la femme violée qui pouvait ne plus être considérée comme propre à se marier et qui freinerait nombre de femmes à déclarer leurs agressions. Une autre raison à ce silence serait la justice exercée dans les régions rurales du pays par des tribunaux traditionnels ne prêtant que peu d’attention à ce genre de crimes.
C’est pour combler cette lacune que Sheila Kariuki, âgée de 29 ans en 2016, a décidé d’entraîner des femmes âgées à l’auto-défense. Plutôt que de laisser ses aînées se faire violer et chercher la justice chez une police corrompue et connue pour ‘couvrir’ ses membres coupables de viol, elle a décidé de prendre les choses en main. Elle leur donne donc des cours, une fois par semaine, dans des locaux fournis par une organisation caritative à Korogocho, à une douzaine de kilomètres du centre de Nairobi, la capitale du pays. A des âges allant de 55 à 100 ans, la puissance et surtout la vitesse ne sont souvent plus là. Cependant, Kariuki apprend à ses élèves à se focaliser sur la précision plutôt que sur la force de frappe. Des zones sensibles sont ainsi visées : le nez, le menton, les parties génitales et la clavicule. Les techniques utilisées sont un mélange de kung-fu, de karaté et de Taekwondo. Elles sont un réchauffé des techniques de self-défense des militantes féministes US des années 70 où le cri du ‘Non’ face à l’agresseur accompagne les coups et se substitue au cri plaintif des victimes. La méthode porterait ses fruits. D’après Kariuki : »Notre programme fait son effet. On a désormais des témoignages de femmes âgées désormais capables de se défendre en utilisant des techniques verbales comme physiques ».