Figure emblématique du panafricanisme et du militantisme afro-américain, Khalid Abdul Muhammad a marqué l’histoire par son engagement inébranlable pour la justice sociale, la souveraineté africaine et l’émancipation des peuples noirs. Entre discours enflammés, actions radicales et héritage durable, il incarne une quête intemporelle de dignité et de liberté pour la diaspora africaine.
Khalid Abdul Muhammad : La voix d’une révolution afro-descendante
L’histoire de Khalid Abdul Muhammad, né Harold Moore Jr. le 12 janvier 1948 à Houston, Texas, est celle d’un homme animé par une quête inébranlable pour la justice sociale et l’émancipation des peuples noirs. Figure controversée, orateur hors pair et militant panafricain, il a incarné une résistance radicale face aux oppressions systémiques. Cet hommage revient sur sa vie, ses combats et son héritage.
I. Les racines d’une conscience militante
Né dans le Sud ségrégué des États-Unis, Harold Moore Jr. fut élevé par sa tante Carrie Moore Vann à Houston. Dès son jeune âge, il fit preuve d’un charisme et d’un sens de la justice qui allaient marquer sa trajectoire. Il était à la fois quarterback, débateur étoilé et leader étudiant. Son engagement communautaire débuta dans l’église méthodiste locale, où il prêchait avec passion.
Après le lycée, il intégra l’université Dillard en Louisiane pour des études théologiques. C’est là qu’il entendit pour la première fois le ministre Louis Farrakhan, figure de proue de la Nation of Islam (NOI). Subjugué par son discours, Harold rejoignit la NOI en 1970. Rebaptisé Harold X, puis Malik Rushaddin, il entreprit de redéfinir sa mission : celle d’élever la conscience politique et spirituelle des siens.
II. L’ascension au sein de la Nation of Islam
Dans les années 1980, sous le mentorat de Louis Farrakhan, Malik devint Khalid Abdul Muhammad, un nom inspiré du général islamique Khalid ibn al-Walid. En tant que « Supreme Captain » des Fruits de l’Islam et porte-parole national de la NOI, il galvanisa des milliers de personnes avec des discours mêlant histoire africaine, critique du colonialisme et appel à la responsabilité communautaire.
Son rôle de leader le conduisit en Afrique du Sud, en Libye et en Ouganda, où il rencontra des figures comme Muammar Kadhafi et Idi Amin Dada. Il croyait fermement à une Afrique libérée de toute ingérence étrangère. Khalid déclarait souvent :
« Je vais toujours me tenir du côté de mon peuple, que ce soit sur le sol africain ou sur la terre volée appelée Amérique. »
Cependant, son discours enflammé et sa critique acerbe du racisme institutionnel lui attirèrent de nombreux ennemis. En 1993, son discours controversé à Kean College, où il dénonça les « sangsues » économiques exploitant les Noirs, provoqua un tollé national. Ce discours lui valut une censure unanime du Congrès américain et son exclusion de la NOI par Farrakhan en 1994.
III. Le « Terroriste de la vérité » et le New Black Panther Party
Après son exclusion, Khalid trouva refuge dans le militantisme indépendant. Il rejoignit le New Black Panther Party (NBPP), qu’il transforma en un mouvement militant global. En 1998, il organisa la Million Youth March à Harlem, attirant des milliers de jeunes noirs malgré l’opposition du maire Rudolph Giuliani. Lors de cet événement, il exhorta la jeunesse à résister contre la brutalité policière et l’injustice systémique.
Pour Khalid, le militantisme n’était pas qu’une idée, mais une pratique quotidienne. Il déclarait :
« Nous ne voulons pas de simples changements cosémétiques. Nous voulons une véritable révolution, pas une réforme. »
Son leadership était caractérisé par une énergie inlassable et une rhétorique impitoyable envers l’oppression. Ses critiques du sionisme, du capitalisme et de l’impérialisme résonnaient non seulement chez les Afro-Américains, mais aussi auprès des luttes de libération à travers le monde.
IV. Une influence culturelle et politique durable
Khalid Abdul Muhammad comprenait l’importance de la culture populaire pour mobiliser les jeunes. Il collabora avec des artistes comme Tupac Shakur, Ice Cube et Public Enemy, qui l’intégrèrent dans leurs albums. Sa voix figure dans des morceaux emblématiques, portant ses messages de fierté noire et de rébellion.
En parlant de l’impact de la musique, il soulignait :
« Les rappeurs ont un pouvoir immense, celui de guérir ou de tuer notre peuple avec ce qui sort de leurs bouches. »
Son influence dépasse la musique. Il était une figure régulière sur les campus universitaires, inspirant des générations d’étudiants avec des discours percutants sur l’histoire africaine et les stratégies pour combattre l’oppression.
V. L’héritage d’un visionnaire
Le 17 février 2001, Khalid Abdul Muhammad s’éteignit subitement à l’âge de 53 ans des suites d’un anévrisme cérébral. Il repose au cimetière Ferncliff, près de la tombe de Malcolm X, un symbole poignant de leur lignée commune dans la lutte pour la liberté.
Son héritage perdure à travers des figures contemporaines comme Malik Zulu Shabazz et Kémi Seba, qui poursuivent son combat pour l’autodétermination des Afro-descendants. Le message de Khalid reste pertinent, rappelant que la justice et l’égalité sont des quêtes sans fin.
« Notre libération totale n’est pas négociable. Nous devons être libres ou mourir en essayant. »
Khalid Abdul Muhammad était bien plus qu’un orateur ou un militant : il était un architecte de la résistance noire. Son engagement envers la justice, son courage face à l’adversité et son amour inconditionnel pour son peuple font de lui une figure intemporelle.
Dans un monde où les inégalités persistent, son héritage est une boussole pour les générations prêtes à embrasser la lutte pour un avenir meilleur.
Sommaire
Sources
- Discours à l’Université Howard lors de la Conférence sur l’Holocauste Noir, 1994.
- The New York Times, « K.A. Muhammad, 53, Dies; Ex-Official of Nation of Islam », 18 février 2001.
- The Washington Post, « Khalid Muhammad Dies at 53 », 18 février 2001.
- The Village Voice, « The Hunt for Khallid Abdul Muhammad », 13 octobre 1998.
- Manning Marable, Malcolm X: A Life of Reinvention, Viking, 2011.
- Peniel E. Joseph, Waiting ‘Til the Midnight Hour: A Narrative History of Black Power in America, Henry Holt and Co., 2006.
- Louis Farrakhan, A Torchlight for America, FCN Publishing, 1993.
- Résolution 343 du Congrès des États-Unis (censure de Khalid Abdul Muhammad), 1994.
- Rapports de la Million Youth March, ville de New York, 1998.
- Wikipedia, « Khalid Abdul Muhammad », dernière mise à jour le 19 décembre 2024.
- ADL (Anti-Defamation League), « Khalid Abdul Muhammad: In His Own Words ».