Sur la base des objectifs déclarés par le Traité de Lagos, la CEDEAO pourrait se transformer en une superpuissance mondiale bénéficiant aux populations africaines sur le continent et dans la diaspora. Comment ? Cet article va tenter de démontrer le potentiel de cette institution.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (ou CEDEAO) est un groupe inter-gouvernemental de 15 pays, fondé en 1975 par le traité de Lagos (Nigeria). Sa mission est de promouvoir l’intégration économique dans tous les domaines du secteur :
- transport
- télécommunication
- énergie
- agriculture
- ressources naturelles
- commerce
- questions monétaires et financières
- questions sociales et culturelles
Les pays membres sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.
Selon la dernière version du traité de Lagos instaurant la CEDEAO, l’organisation inter-gouvernementale reconnait :
« La nécessité de relever ensemble les défis politiques, économiques et socio-culturels actuels et futurs et de mettre en commun les ressources de nos peuples dans le respect de leur diversité en vue d’une expansion rapide et optimale de la capacité de production de la région. »
Sur la base de cette déclaration, voyons comment la CEDEAO pourrait se transformer en une superpuissance mondiale bénéficiant à tous les Africains du continent et de la diaspora.
La CEDEAO, un puissant potentiel
Chinweizu Ibekwe, un critique, essayiste, poète, et journaliste nigérian est une référence journalistique dans son pays. Ayant étudié au Etats-Unis durant sa jeunesse, il a eut l’opportunité de voir de plus près le « Black Power Movement« . L’oeuvre de Chinweizu fait notamment la promotion du panafricanisme. Dans son manifeste Black Power Pan-Africanism, ce dernier déclare :
« Une superpuissance noire en Afrique est le facteur clé pour rétablir le respect mondial et le respect de soi envers la race Noire; Donc, la construction de cette superpuissance est notre projet primordial. Car, comme Marcus Garvey nous l’a enseigné, une race sans autorité ni pouvoir est une race sans respect.«
Pour rappel , la CEDEAO c’est :
- une population de 340 000 000 personnes (soit le 4° rang mondial)
- une superficie de 5 112 903 km2 (soit le 7° rang mondial)
- un PIB de US$ 1 322 milliard de dollars (soit le 18° rang mondial)
Avec de tels chiffres la CEDEAO pourrait devenir un géant sur le plan politique, économique, social et culturel. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a véritablement le potentiel de devenir une sorte d’Empire Songhai 2.0. Les férus d‘histoire apprécieront le parallèle…
Bien évidement, la CEDEAO n’est pas une solution magique à tout les maux de l’Afrique, mais cette structure supra-étatique lorsqu’elle se sera départi de tous ses dysfonctionnements inversera sans aucun doute la situation méprisable et humiliante des populations africaines. La CEDEAO est un formidable outil, qui entre des mains averties constituera une machine de guerre nous permettant d’accroître l’efficacité des décisions que nous prenons et de les mettre en œuvre pour notre développement. Comme nous le répétons souvent, la puissance ne respecte que la puissance. Une puissance qui jaillira de notre unité effective. L’unité réelle des membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest nous est donc plus que nécessaire.
De la nécessité d’une réelle émancipation économique
Nous vivons à un tournant historique qui marquera une nouvelle ère pour le continent. Il semble que la jeunesse africaine (continentale et diasporique) soit mûre et déterminée à en finir avec le néocolonialisme. En effet, le 7 Janvier 2017, Kemi Seba, à travers l’ONG « Urgence Panafricaniste » lancé un appel international à la mobilisation contre le franc CFA. Cette monnaie, réminiscence honteuse de la période coloniale est une entrave au développement du continent. La CEDEAO, plutôt que de s’aligner sur les ordres de l’Occident devrait comprendre que la génération actuelle ne lâchera rien vis-à-vis de cette question primordiale. 8 des 15 membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest utilisent cette monnaie de singe. Kemi Seba, porte-voix de cette jeunesse avide de souveraineté monétaire réelle a ainsi déclaré :
« On part du principe que chaque peuple du monde à le droit de disposer de sa propre monnaie. Partout dans le monde, la plupart des peuples ont chacun une monnaie qui lui est propre. Est-il normal de parler de souveraineté alors que notre monnaie est garantie par l’ancienne puissance coloniale ? Il faut que la France cesse de nous escroquer sur le plan économique. Aucune décision économique ne peut être prise sans la puissance française. Cela montre que nous ne sommes pas libres. Les français ont viciés les indépendances, mais ne peuvent pas vicier l’indépendance du XXI° siècle qui est la souveraineté monétaire. »
Il est du devoir de la CEDEAO et surtout des chefs d’états qui la composent d’entendre les revendications de sa jeunesse. En plaçant la libération économique véritablement au centre de ses priorités, la CEDEAO amorcerait un formidable pas en avant bénéficiant au plus grand nombre.
S’engager pleinement dans la lutte contre le terrorisme
Outre la question monétaire, la sécurité, surtout en cette période où le terrorisme est très présent sur le continent est une affaire importante. Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Liberia, est à la tête de la CEDEAO depuis le 4 Juin 2016. Sa présidence aura comme challenge de gérer ce problème en profondeur est d’assurer la sécurité des millions d’africains menacés par ce cancer. La prix Nobel de la paix en 2011 a d’ailleurs indiqué sa volonté de travailler sur la sécurité en renforçant la coopération entre les Etats membres, avec aussi l’Union africaine et les Nations unies. Elle a déclaré juste après sa nomination :
« Nous devons nous assurer que le terrorisme ne puisse plus gagner du terrain tel que cela a été le cas au Burkina Faso, au Mali, en Côte d’Ivoire (…) Nous devons également, à travers un effort collectif et déterminé, nous assurer que Boko Haram soit entièrement défait. »
En tant que tel, l’organisation inter-gouvernementale ouest-africaine doit adopter une conscience guerrière nécessaire pour assurer la sécurité des ressortissants de la CEDEAO ainsi que ses intérêts collectifs (nationaux ou internationaux).
La maîtrise du sous-sol ouest-africain
500 ans après l’exploitation commerciale de ses ressources par les puissance coloniales européennes, l’Afrique possède toujours de nombreux gisements de minéraux importants et inexploités. Par exemple, l’Afrique représente 3/4 de l’offre mondiale en platine la moitié en diamants et en chrome. Elle compte jusqu’à 1/5 des exportations en or et en uranium de la planète. De plus, régulièrement des gisements de pétrole y sont découverts.
Pourtant, à quelques exceptions près, l’Afrique ne consomme pas ou n’apporte pas de valeur ajoutée aux produits de son sous-sol. Les nations africaines sont plutôt des exportatrices de matières premières qui alimentent la prospérité et le développement d’autres régions. Le vieux continent joue un rôle marginal dans le commerce international. En effet, les nations africaines subissent les prix imposés par d’autres, plutôt que de les fixer elles-mêmes.
La question qui se pose est: pourquoi la CEDEAO peine à se transformer économiquement ? Pourquoi les revenues issus des ses richesses naturelles sont faibles voire inexistants ? Au cours des dix dernières années, la part des bénéfices des membres de la CEDEAO a été minime par rapport à ce que les sociétés minières étrangères ont réalisé. Pour que les masses africaines puissent bénéficier au mieux de leurs ressources humaines et matérielles, la CEDEAO doit poursuivre sa démarche d’industrialisation, et le faire rapidement.
De l’importance de maîtriser son image
A l’aune de cette citation de Stokely Carmichael, la CEDEAO aurait besoin de se doter d’un arsenal médiatique afin de décoloniser les esprits de plus de 300 millions africains vivant à l’intérieur de ses frontières. Les semences culturelles de ce contenu se transmettraient naturellement à d’autres populations africaines sur le continent et dans la diaspora. L’extraordinaire dynamisme de Nollywood , par exemple (deuxième puissance cinématographique au monde), serait un parfait vecteur pour cette révolution culturelle et médiatique.
Un tel projet aurait un effet positif net sur la majorité des africains-de même que les idées euro centrées venant d’Hollywood infecteront et toucheront la plupart de ses consommateurs – et donnera aux afro-descendants, en particulier ceux d’ascendance européenne, une vision positive d’eux-mêmes dans le monde.
Exister par elle-même
La CEDEAO doit se concentrer sur l’entraide. Cette plateforme permettrait idéalement de réunir régulièrement les nations d’Afrique de l’ouest pour discuter des problèmes du peuple et développer des solutions africaines à des problèmes africains. La CEDEAO a le potentiel d’être un acteur majeur dans l’élévation du continent dans son ensemble. Cette structure trans-gouvernementale doit reconnaître et respecter le rôle de chacun de ses membres et apprendre à travailler avec eux, même en cas de désaccords idéologiques. La CEDEAO doit constituer un front uni dans le but de faire converger les efforts pour atteindre des objectifs communs d’ici une dizaine d’années.
En tant que peuple, nous devons reconnaître et comprendre que, pour que l’UE survive, elle doit se serrer la ceinture, et l’ensemble de ses citoyens devrons faire des sacrifices. L’Union Européenne n’est donc pas en mesure de donner parce qu’elle a hypothéqué son avenir. Par conséquent, les dirigeants de la CEDEAO ne peuvent plus aller vers elle mendier pour qu’elle assure un avenir aux populations africaines. Supplier l’Occident n’est pas un plan d’action judicieux pour que nos dirigeants fassent progresser les choses au nom du peuple. Cette vieille mentalité héritée de l’esclavage qui nous maintient en conflit les uns contre les autres et nous rend dépendants d’autrui doit être brisée.
Le leadership de la CEDEAO doit défendre la stratégie de « l’agir-pour-soi« , qui signifie que nous devons enseigner à notre peuple à utiliser nos talents, notre temps et notre argent, mettre en commun nos ressources éducatives et financière pour résoudre nos problèmes. Quel que soit ce que l’Occident décide de faire, les actions de la CEDEAO ne peuvent plus être tributaires de celles de l’ancien colonisateur.