En 1831, durant la période de Noël, Samuel Sharpe, un prédicateur baptiste, mena la plus grande insurrection d’esclaves des Antilles britanniques.
Né sur sur une plantation de la paroisse de St James, au Nord-Ouest de la Jamaïque, Samuel « Sam » Sharpe eut l’opportunité de bénéficier d’une éducation solide qui lui permit de gagner le respect des autres esclaves. Ses qualités intellectuelles ainsi que son charisme lui permirent de devenir un prédicateur baptiste, le chef spirituel des populations serviles déportées du continent africain de Montego Bay. Sous son leadership religieux, les esclaves purent s’organiser de manière efficace. Les réunions dominicales qu’il présidait étaient la seule forme de rassemblement autorisée par le pouvoir colonial.
Durant ses prêches, Sam Sharpe fut en mesure de « conscientiser » politiquement les siens, concernant les débats anti-esclavagistes en Angleterre. En effet, depuis la fin du 17° siècle l’Angleterre s’engagea sur le chemin de l’abolition de l’esclavage dans ses colonies. Samuel Sharpe avait informé ses ouailles que le Parlement britannique discutait de cette question.
Une fausse rumeur selon laquelle l’esclavage avait été officiellement aboli se répandit parmi les esclave. Ce fut là, le point de départ d’une grève générale initiée par le prédicateur noir afin de protester contre leurs difficiles conditions de travail. Cette grève se voulait, au départ pacifique et s’étendit rapidement à de nombreuses plantations de l’Ouest jamaïcain. La période de Noël était aussi celle de la récolte de la canne à sucre. Les planteurs blancs étaient sur les nerfs, ce qui est facilement compréhensible lorsque l’on sait que la Jamaïque était une « puissance sucrière« . Une grève, alors que la récolte nécessitait des « heures sup » n’était pas pour arranger leurs affaires.
Le plan de résistance passive de Samuel Sharpe visait à faire pression sur les planteurs en « tapant au porte-monnaie » afin d’obtenir des autorités esclavagistes un meilleur traitement pour les esclaves et plus de considération pour leur humanité. Sam avait expliqué son plan à ses disciples soigneusement sélectionnés après ses offices religieux, les faisant jurer sur la Bible de lui rester loyal. Le plan fut transmis secrètement aux autres paroisses et bientôt, les esclaves de Trelawny, Westmoreland, St. Elizabeth et Manchester furent prévenus et prêts à passer à l’action.
Malheureusement, les plans de Sharpe arrivèrent aux oreilles de certains des planteurs. Bien évidement, les tenants de la société plantocratique n’avaient que faire des revendications des esclaves. La confrontation était inévitable.
La grève pacifique de Sharpe se transforma alors en la plus grande rébellion d’esclaves des Antilles britanniques, mobilisant pas moins de 60 000 esclaves. Le 27 décembre 1831, la plantation de Kensington Estate fut incendiée. ce fut le signal du début de l’insurrection. Une série d’autres incendies se déclarèrent dans la région, une grande partie des récoltes furent brûlées. En une semaine, les rebelles contrôlaient la totalité de l’intérieur à l’Ouest de la Jamaïque.
La rébellion armée et les pillages des plantations furent cependant rapidement matés. Dès la première semaine de Janvier le calme était revenu sur les plantations. 14 blancs avaient été assassiner par des insurgés armés, mais plus de 200 esclaves le furent par les milices armées au service des planteurs. Le gouvernement esclavagiste britannique jugea, condamna et pendit de nombreux leaders rebelles, dont Samuel Sharpe, en 1832. Entre 310 et 340 esclaves furent condamnés à mort, même si la plupart des esclaves n’avaient commis que des infractions mineures.
Juste avant son exécution le 23 Mai 1832, Sharpe prononça ses derniers mots reflétant sa détermination à briser ses chaînes ainsi que l’absence de regrets:
«Je préfère mourir sur la potence, plutôt que vivre dans l’esclavage.»
La Rébellion de Noël marqua fortement les esprits. Suite à cela, deux enquêtes parlementaires détaillées furent diligentées par la couronne britannique. Le gouvernement colonial jamaicain était déja depuis de nombreuses années en conflit avec les différentes bandes de Nèg Mawon de l’île et ne réussirent jamais à complètement éteindre la menace que représentaient ces africains auto-libérés de la servitude pour le « business » des plantations. L’insurrection menée par Sam Sharpe fut sans doute la rébellion de trop et contribua fortement à l’adoption par le Parlement de la Loi de 1833 sur l’abolition de l’esclavage et à l’abolition définitive de l’esclavage dans tout l’Empire britannique en 1838. La résistance africaine avait rendu l’esclavage trop coûteux et donc peu rentable.
Depuis le 31 mars 1982, le gouvernement jamaïcain honore Samuel Sharpe en tant que héros national aux côtés des légendaires Reine Nanny et Marcus Garvey.
Alors que Noël est devenu une fête mettant à l’honneur le consumérisme, rappelons-nous de Sam Sharpe qui se leva contre l’oppression. Puisse ses idéaux de liberté et sa détermination être pour nous une source d’inspiration.