L’élection présidentielle en République démocratique du Congo est normalement prévue par la constitution le 19 décembre prochain. A l’approche de l’échéance, la société civile s’organise tant bien que mal pour faire respecter son droit, alors que l’actuel président Joseph Kabila a déjà annoncé le report des scrutins à l’année 2019. Les autorités congolaises ont déjà ordonné le filtrage ou la coupure des communications 48 heures avant la date fatidique.
Joseph Kabila, est président de la république démocratique du Congo depuis 2001. Il rempile en 2006 pour un deuxième et ultime mandat, ainsi que la constitution congolaise le limite dans les termes suivants : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. [A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu.] » Ce dernier alinéa avait été ajouté à pour parer au vide politique dans le cas exceptionnel où le président décéderait ou dans une situation extrême qui le forcerait à déclarer la guerre. Une motion soumise à interprétation, que le président a su utiliser à son avantage. Le Congo ne se trouve dans aucune de ces deux situations. Toutefois, Soutenu par 286 députés de la majorité présidentielle, le président avait saisi la Cour Constitutionnelle, en interprétation, afin d’examiner si cette mesure pourrait s’appliquer à lui, au-delà de l’élection prévue le 19 décembre 2016, à laquelle il n’a pas le droit de participer.
La Cour lui a accordé le 11 mai dernier le droit de rester en exercice en cas de non-tenue du scrutin. Ainsi, appuyé par la plus haute institution du pays, Joseph Kabila avait annoncé, sur sa propre estimation, qu’il ne pourrait se tenir d’élection présidentielle avant 2019. Une subtilité qui lui permet de se maintenir sans toutefois briguer un troisième mandat. Cela toujours sur le principe de continuité de l’Etat, et à l’encontre d’une partie des congolais qui ne souhaitent pas renouveler l’expérience Kabila, une communauté internationale inquiète et une sommation de l’ancien président américain Barack Obama. Aussi, pour parer aux velléités de ses opposants, dont une partie du peuple, il n’avait pas hésité à user de la force. Jeudi, les autorités congolaises ont demandé un filtrage ou une coupure des réseaux sociaux à partir du dimanche 18 décembre, et pour une durée de 48 heures.
L’opposition en alerte
Le principal opposant au président et ancien allié de ce dernier, Moïse Katumbi, était invité par le Parlement Européen le 7 septembre dernier, dans le cadre d’une conférence sur la démocratie, l’alternance et le respect des droits de l’Homme en Afrique. L’ex-gouverneur du Katanga avait alors profité de cette tribune pour interpeller le chef de l’Etat sur son départ imminent et obligatoire : « Kabila doit quitter le pouvoir le 19 décembre. » La séance avait également été ponctuée par 1 minute de silence en solidarité avec Béni, pour les exactions que la population y subit régulièrement. Concernant le dialogue engagé par le pouvoir congolais, dans, affirme-t-il, un désir de transparence, le candidat a qualifié l’initiative de « monologue du pouvoir ». Enfin, Moïse Katumbi a réitéré son statut d’opposant numéro un : « Je suis et reste candidat (…) j’irai jusqu’au bout. »
Autre partie prenante de ce bras de fer, Le Front pour le respect de la Constitution, qui regroupe le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), 31 regroupements de la société civile, 46 partis politiques, soutenus par la Commission épiscopale du Congo (CENCO). Le groupe s’était retiré du dialogue national inclusif à cause d’un manque de considération, d’équité et de représentation proportionnelle. Cependant, depuis le 14 décembre dernier, le Front a annoncé la reprise de ses travaux, avec désormais trois experts habilités à intervenir dans des commissions, ainsi que trois délégués à la table des négociations. Elle s’est également agrandie pour atteindre le nombre de 32 délégués au total retenus. 16 de ces élus sont signataires de l’accord de la cité de l’Union africaine sur l’organisation d’élections « apaisées, crédibles et transparentes ». Parmi eux, 3 membres de la société civile, 6 de l’opposition politique, 1 de l’opposition républicaine et 6 de la majorité présidentielle. Cependant, 3 membres du Front pour le respect de la constitution ont refusé de signer.
Pour le reste de la société civile, dont la partie opposée au rempilage du président Kabila, les réseaux sociaux-nonobstant la requête du pouvoir congolais- et les rues, resteront les espaces les plus importants. A ce jour, aucune manifestation d’envergure nationale n’a encore été décrétée ; les prochains jours nous dirons comment les congolais et la diaspora congolaise s’organisent.