Histoire du Franc des Colonies Françaises d’Afrique

Par Enzo Petteng. D’une valeur de 0.0015euros, le Franc CFA est utilisé aujourd’hui dans  14 pays d’Afrique. Il est imprimé à Chamalieres, une petite commune de 17 000 habitants, fief de Valéry Giscard d’Estaing (qui en fut le maire jusqu’en 1974, aujourd’hui c’est son fils qui est à la mairie) situé dans le Puy De Dôme a 3 km de Clermont-Ferrand.

Créé en 1939, le France CFA est officiellement mis en circulation au lendemain de noël, le 26 décembre 1945, le jour ou Paris ratifie les accords de Bretton Woods et procède a sa première déclaration de Parité au fameux FMI (Fond Monétaire International).

En imposant cette monnaie, La France du Général De Gaulle renforce ainsi son contrôle sur les monnaies de ses colonies. L’objectif ? S’assurer qu’à l’avenir, les matières premières restent disponibles a bon prix, même en temps guerre.

En 1960, les pays africains francophones obtiennent l’indépendance,au prix de sanglants combats contre les forces armées française. Mais le Franc CFA, lui, reste en place.
Les pays sont alors répartis en deux groupes:

– Les huit états d’Afrique de l’ouest (le Bénin, le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo) sont réunis sous l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine). Dans cette zone, le Franc CFA est rebaptisé « Franc de la Communauté Financière d’Afrique ».

– Les six états d’Afrique centrale (le Cameroun, la République Centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Tchad) sont réunis sous la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale).
Pour eux, ce sera le « Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale ».

L’île de la Réunion et Mayotte ont utilisé le Franc CFA respectivement jusqu’en 1975 et 1976 avant d’adopter le Franc français puis l’euro.
A noter que d’autres pays d’Afrique utilisent une monnaie également appelée Franc, sans qu’elle soit rattachée à l’euro et donc ne faisant pas parti de la zone franc (il s’agit du Burundi, du Rwanda, de Djibouti, de la république de Guinée et de la République Démocratique du Congo avant l’adoption du dollar).

 

Franc CFA, une monnaie de singe
Afin de « stabiliser » les finances des pays utilisant le Franc CFA, trois règles sont posées:

  • le Trésor public français garanti la convertibilité des Francs CFA dans n’importe quelle autre monnaie
  • le taux de parité entre les Franc CFA est fixe (1E=655,95FCFA et ce, dans la zone UEMOA ou CEMAC)
  • les transferts de capitaux dans la zone Franc sont entièrement libres et gratuits

En revanche, 50% des réserves du Franc CFA doivent être déposées sur les comptes du trésor public français(en 2005 cela représentait 76 000 000 000 d’euros de bénéfices pour la France).

Pour assurer la parité avec l’euro, les pays de la zone Franc sont obligés de contrôler la hausse des prix généralisée, dû au déséquilibre (inflation). Ainsi, les banques africaines, pourtant en surliquidité, sont forcées de limiter les prêts aux entreprises. Moins de crédits égalent donc moins d’investissements par les pays eux-mêmes. Moins d’investissements égalent moins d’infrastructures, donc moins de développement et tout à l’avenant.

Ce système est d’autant plus bénéfique pour la France puisque le libre échange des capitaux permet aux entreprises étrangères d’investir sur place. En zone UEMOA les entreprises française assurent 50% des investissements étrangers. A l’instar de la zone Euro ou  60% des échanges se font entre les pays membres, la zone Franc devrait booster le commerce entre les pays utilisant le CFA. Mais la réalité africaine est tout autre: les exportations des pays de la zone UEMOA vers ceux de la zone CEMAC ne dépassent pas 2% et les exportations des pays de la zone CEMAC vers ceux de l’UEMOA 3%. Par ailleurs, les Francs CFA CEMAC sont inutilisables en zone UEMOA et les Francs CFA UEMOA inutilisables en zone CEMAC.

En d’autres termes, si un ressortissant sénégalais voyage au Cameroun, il ne pourra pas utiliser son argent même si les deux pays utilisent la même monnaie et ont la même valeur… Il devra convertir ses Francs CFA UEMOA en euro puis convertir ses euros en Franc CFA CEMAC.

Ahmed Sekou Touré
Ahmed Sekou Touré

Depuis, tous ceux qui ont suggéré ou tenté une sortie ont été  neutralisés

Ahmed Sékou Touré
Bien qu’ils soient plusieurs pays à avoir refusé cet assujettissement monétaire et à avoir de tenter d’en sortir, le seul à l’avoir complètement quitté, c’est la république de Guinée (Guinée Conakry). Son premier président, Ahmed Sékou Touré, souhaitait une totale indépendance pour son pays, aussi bien dans le domaine politique, qu’économique. Ce qui eut le don de froisser considérablement le président français de l’époque, Charles de Gaulle qui, au cours d’une tournée en Afrique en 1958, fut reçu de manière triomphale,  dans les colonies malgache, congolaise et ivoirienne. Mais froidement reçu lors de son passage en Guinée.

Dans son discours, Le président guinéen déclara: « Je préfère la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage« ,  ce à quoi de Gaulle répond: »l’indépendance est à la disposition de la Guinée ».

Deux mois plus tard, le 2 octobre, la Guinée obtient son indépendance (le premier pays d’Afrique francophone). Celle-ci est vécue comme une humiliation par la France, qui retire alors, tous ses fonctionnaires et ses crédits.

L’ancien ministre de la défense de l’époque, Pierre Messmer, raconte dans ses mémoires que les services français ont tenté un coup d’état contre Sékou Touré avec la collaboration du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. La tentative avait été déjouée par Touré.
Le Franc guinéen est lancé en 1960, et est toujours la monnaie officielle du pays.

Sylvanus Olympio
Le premier président élu de la république du Togo, qui, ne voulant pas continuer à subir une domination française,  décida une sortie de la zone franc pour créer une monnaie locale.

Le 13 Janvier 1963, quelques jours après avoir lancé les premières impressions des nouveaux billets,  Olympio fut assassiné par un ex-légionnaire français, le sergent Etienne Gnassingbé, qui lui succédera a la tête du Togo avec les félicitations de l’Elysée, et restera au pouvoir durant 38 ans.

 

Modibo Keita
Le militant panafricain, lui aussi premier président élu de son pays, le Mali et pour qui la colonisation perdurait  avec ce système monétaire, et représentait un frein pour le développement du pays, décida a son tour de se retirer de la zone Franc puis créa le franc malien, qui devint la monnaie officielle du Mali, le 30 Juin 1962.

Comme Olympio, Keita sera victime d’un coup d’état, mené par un autre ex-légionnaire français, le lieutenant Moussa Traoré, le 19 Novembre 1968. Ce dernier succédera lui aussi à la présidence et ramènera le Mali entre les griffes du Franc CFA le 1er juillet 1984.

Modibo Keita mourra dans sa cellule et dans des circonstances suspectes, jamais éclaircies après 9 ans de détention, le 16 mai 1977.

 

Thomas Sankara
«Le Franc CFA a, lié au système monétaire français est une arme de la domination française». Ce qu’avait déclaré le président panafricaniste et anti-impérialiste burkinabè en 1985.

Refusant toute aide du Fonds Monétaire International ou de la Banque Mondiale, afin de ne pas subir le dictat des financiers internationaux, Sankara a transformé son pays semi-désertique, affamé et endetté, en un pays auto-suffisant dans le domaine alimentaire en seulement 4 ans.

Concernant la dette accumulée par les gouvernements précédents, Sankara déclara lors du 25ème sommet des pays membres de l‘OUA (Organisation de l’Union Africaine) à Addis-Abeba, en Éthiopie :

« Nous estimons que la dette s’analyse d’abord de par ses origines. Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont prêté de l’argent, ce sont ceux-là qui nous ont colonisés, ce sont les mêmes qui géraient nos États et nos économies, ce sont les colonisateurs qui endettaient l’Afrique auprès des bailleurs de fonds, leurs frères et cousins. Nous étions étrangers à cette dette, nous ne pouvons donc pas la payer. »

Il appela ainsi tous les pays africains à former un front uni contre celle ci:« (…)Si le Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine conférence

Une affirmation prémonitoire puisqu’il fut assassiné 3 mois plus tard, le 15 octobre 1987 par Blaise Compaoré, qui lui, fut installé sur le  fauteuil de président par François Mitterand, fauteuil duquel il ne bougera pas durant 27 ans.

Mouammar Kadhafi
En 2011, le gouvernement Kadhafi détenait, d’après la secrétaire d’état américaine Hillary Clinton, 143 tonnes d’or et une quantité semblable d’argent. Cet or aurait été accumulé dans le but avoué de créé une monnaie panafricaine basée sur le dinar libyen, afin de proposer une alternative aux pays de la zone franc.
Le Colonel Kadhafi a alors été traqué puis abattu par les services Français le 20 octobre 2011.

Kako Nubukpo

En 2015, le ministre togolais chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques, critiqua ouvertement la BCEAO (Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest). Un chef de service de la banque (français), a alors exprimé le souhait que celui-ci soit rappelé à l’ordre par les autorités politiques de son pays. En juin de la même année, le président togolais Faure Gnassingbé (successeur de son traitre de père), ne le reconduit pas à son poste de ministre, lors de la formation du nouveau gouvernement.

Idriss Déby Itno

En août 2015, c’est au tour du président tchadien d’appeler les pays africains à sortir de la zone Franc CFA. Il est aujourd’hui toujours vivant et toujours en fonction… Pour le moment.

La Franc CFA a maintenant 77 ans, et est utilisé dans des pays indépendant depuis plus de 50 ans. Les décisions monétaires sont faites sous la surveillance de Paris, présente au sein des organes décisionnaires des banques centrales où elle s’octroie volontiers un droit de véto…

Les pays africains ne seront jamais indépendants sans une souveraineté monétaire, et le franc CFA reste la dernière monnaie coloniale encore utilisée dans le monde.

Par Enzo Petteng

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