« Les femmes comme leaders », par Amy Jacques Garvey

 Amy Euphemia Jacques Garvey était la seconde épouse de Marcus Garvey. Elle était journaliste, oratrice et militante panafricaniste. Elle représenta souvent son mari lors de réunions et d’événements publics. Cet article d’Amy Garvey a été publié le 25 Octobre 1925 par le « Negro World »[1], au sein du quelle elle était une rédactrice régulière. Elle nous donne ici sa vision du leadership de la femme noire.

Les exigences de l’époque présente exigent que les femmes prennent place aux côtés de leurs hommes. Les femmes blanches rassemblent toutes leurs forces et s’unissent indépendamment des frontières nationales pour sauver leur race [2] de la destruction et afin préserver leurs idéaux pour la postérité… Les hommes blancs commencent à se rendre compte que, comme les femmes sont l’épine dorsale de leur foyer, elles peuvent aussi, grâce à leur expérience économique et leur aptitude pour les détails, participer efficacement à guider le destin de la nation et de la race.

Aucune ligne d’effort ne reste longtemps fermée à la femme moderne. Elle fait campagne pour l’égalité des chances et l’obtient. Elle travail bien et gagne le respect des hommes qui jusqu’à présent s’opposaient à elle. Elle préfère gagner elle-même sa croûte plutôt qu’une femme au foyer à demi-affamée. Elle n’a pas peur du travail acharné, et en étant indépendante elle obtient plus du mari actuel que sa grand-mère à l’époque.

Les femmes d’Orient, jaunes et noires, imitent lentement mais sûrement les femmes du monde occidental, et comme les femmes blanches renforcent la civilisation blanche en décomposition, les femmes des races les plus sombres font de même pour aider leurs hommes à établir une civilisation basées sur leurs propres normes, et s’efforcent de bâtir un leadership mondial.

Les femmes de tous les climats et de toutes les races ont un rôle tout aussi important à jouer dans le développement de leur groupe particulier que les hommes. Certains lecteurs peuvent ne pas être d’accord avec nous sur cette question, mais ne façonnent-ils pas l’esprit de leurs enfants, les futurs hommes et femmes? Même avant la naissance, une mère peut ainsi diriger ses pensées et sa conduite pour mettre au monde un génie ou un idiot. Imaginez les premières années de contact entre la mère et l’enfant, lorsqu’elle oriente son langage et est responsable de sa conduite et de son comportement. Beaucoup d’hommes sont sortis des profondeurs de la pauvreté et de l’obscurité et ont marqué la vie aux avis et aux conseils d’une bonne mère dont l’influence a guidé ses pas tout au long de sa vie.

Les femmes étendent donc cette sainte influence hors du royaume de la maison, adoucissant les maux du monde par leur contact gracieux et bienveillant.

Certains hommes peuvent argumenter que le foyer sera brisé et que les femmes deviendront grossières et perdront leur douceur. Nous ne le pensons pas, parce que tout peut être fait avec modération… La « baby-doll » est une chose du passé, et la femme éveillée se prépare à toutes les urgences et est prête à répondre à n’importe quel appel, même si elle doit faire face aux canons sur le champ de bataille.

New York a une femme Secrétaire d’Etat. Deux États ont des femmes gouverneures, et nous ne serions pas surpris si dans les dix prochaines années une femme honore la Maison Blanche à Washington. Les femmes occupent aussi des postes diplomatiques et, depuis des temps immémoriaux elles ont été utilisé comme espionnes afin d’obtenir des informations pour leur pays.

Les femmes blanches ont plus de possibilités d’afficher leur capacité en raison de la position des deux races, et en raison du fait que les hommes noirs sont moins reconnaissants envers leurs femmes que les hommes blancs. Les premiers chanteront plus facilement les louanges des femmes blanches que des leurs; mais qui mérite plus d’admiration que la femme noire, celle qui a supporté les rigueurs de l’esclavage, les privations conséquences d’une race paupérisée, et les indignités accumulées sur un peuple faible et sans défense? Pourtant, elle a souffert avec force, et est toujours prête à aider dans la marche vers la liberté et le pouvoir.

Ne vous découragez pas femmes noires du monde, mais allez de l’avant, indépendamment du manque de reconnaissance que l’on vous montre (…)

Nous sommes fatiguées d’entendre les hommes noirs dire: « les jours meilleurs arrivent », alors qu’ils ne font rien pour que ces jours arrivent. Nous devenons tellement impatientes que nous arrivons aux premiers rangs et avisons le monde que nous brosserons le flanc des hommes nègres lâches et boiteux et que la prière sur nos lèvres et nos armes seront prêtes pour toutes, jusqu’à la victoire.

L’Afrique doit être aux Africains, et les Noirs partout doivent être indépendants, Dieu étant notre guide. Monsieur l’homme noir, regardez votre pas! Les reines d’Éthiopie règneront de nouveau, et ses Amazones protégeront ses rivages et ses habitants. Raffermissez vos genoux tremblant, et avancez, ou nous vous remplacerons et nous mènerons à la victoire et vers la gloire.

~ Par Amy Jacques Garvey

Source: « Women as Leaders » from The Negro World (October 25, 1925)

Traduction : F.Makandal

Note : [1] « Negro World » était un hebdomadaire créé en 1918 à New York. Il s’agissait du média de l’UNIA (Universal Negro Improvement Association and African Communities League), une organisation noire et panafricaniste fondée par Marcus Garvey et Amy Ashwood (sa première épouse) en 1914.

[2] Le terme de race est à resituer dans son contexte historique.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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