Mario Epanya est un photographe, make-up artist et designer camerounais.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
L’une des raisons qui m’a poussé à écrire un article sur Mario Epanya est la suivante. Sur notre page Facebook parente Noir & Fier, ses photos font souvent un carton. En cherchant à me documenter sur lui, j’ai compris pourquoi il était un photographe différent.
Différent de la masse tout d’abord. Car dans une époque où chacun dispose d’un appareil photo comme il dispose d’un oeil et où chaque personne possède une galerie à travers son compte Instagram, Mario Epanya sort évidemment du lot. Du véritable monde artistique ensuite, car Mario dispose d’une véritable patte. Cette particularité, elle lui permet de brouiller les contours à propos du média utilisé pour son oeuvre. Il n’est ainsi pas rare que l’on se demande si certaines de ces photos ne sont pas des peintures tout en considérant celles-ci comme très réussies.
Les débuts
Car cette ambiguïté du média utilisé dans la réalisation de l’oeuvre, on peut l’expliquer par le parcours de l’artiste. Mario Epanya est né à Yaoundé au Cameroun. Dès l’âge de cinq ans, il réalise ses premiers dessins et peintures. Encouragé dans cette voie par son père, il se documente sur des grands artistes européens de la Renaissance au 19ème siècle. Cette influence aide le jeune artiste à développer son art qui ne tarde pas à être remarqué au Cameroun.
Ce talent perfectionné, il le mettra pour la première fois en public au service de l’Histoire Africaine. Cette thématique, croisée avec ce qui deviendra plus tard l’un de ses intérêts artistiques majeurs, la beauté noire, donnera en 1996 à une thématique à l’époque hautement originale. Il s’agit d’une exposition de portraits imaginaires de Reines d’Afrique telles que Makeda ou les Amazones.
Bien qu’appréciée par le public, l’exposition ne permet pas à Mario de vendre de toile. Mais comme souvent dans un parcours de vie, la réussite vient avec le talent et la détermination sans apparaître lorsqu’on l’attend. Son exposition avait lieu lors de la semaine de la mode et de la culture africaine. Lors de celle-ci, après une défection il se propose et s’improvise maquilleur des mannequins prévus pour défiler. Utilisant les codes acquis lors de son acquisition de la peinture pour le maquillage, il fait un véritable carton. Il est alors appelé dans toute l’Afrique pour ses talents de make-up artist.
Le départ pour la France
En 2000, Mario décide de partir à la conquête d’une des capitales mondiales de la mode : Paris. N’y disposant d’aucune connexion, Mario Epanya ne baisse toutefois pas les bras. Il met à profit l’une de ses plus extraordinaires qualités : son énergie.
Souhaitant y travailler comme make up artist professionnel, il contacte tous les grands noms de la ville. Il parvient ainsi à en convaincre, parvenant à travailler comme assistant auprès des plus grands. Il devient par exemple formateur et maquilleur studio chez Dessange Paris. Bientôt, il enchaîne les collaborations avec de grands magazines comme Haarper’s Bazar, FHM et maquille des célébrités comme Denzel Washington ou Uma Thurman. Il travaille aussi pour les Césars et le Festival de Cannes.
La photographie
En 2007, il devient photographe professionnel. Il mêle alors son expérience acquise dans les domaines du make-up, de la peinture pour réaliser des photos uniques. La beauté noire y est sublimée à travers des modèles portant des coiffures oscillant entre traditionnel et le glamour. La peau noire y semble être un métal précieux tant l’artiste est parvenu à la faire briller sans tomber de le piège du maquillage ou de la retouche mal réalisés faisant du visage de modèles des toiles de peinture en une dimension. En mettant l’emphase sur la noirceur de la peau, en la mettant en valeur, il peut grâce à un superbe travail de lumière faire de ses modèles de véritables sculptures sur photo. C’est dans ce cadre qu’il lance Glamazonia, une exposition qui fait le tour du monde et qui reçoit un succès critique.
Un autre coup de génie, de poker et de culot de Mario Epanya intervient en 2009. Il constate l’absence dans le milieu de la mode africaine, d’une édition d’un grand magazine comme Vogue. Il décide alors de…le créer. Armé de son talent, de son appareil photo, de modèles et de…Photoshop, il crée des couvertures virtuelles de ce magazine.
Celles-ci font le tour du monde et suscitent l’intérêt de nombreux professionnels et amateurs du milieu de la mode. Pendant deux ans, ces couvertures adressées au grand groupe de presse Conde Nast, nourrissent l’espoir d’une édition de Vogue Africa, mais le groupe refuse finalement, l’Afrique n’étant pas selon eux un marché au potentiel intéressant pour un média du luxe. Toutefois, comme souvent, la récompense d’un long effort ne se retrouve pas là où on l’attend. Mario est désormais connu du monde entier de la mode y compris ses noms les moins accessibles. Il collabore désormais avec les plus grands sur un pied d’égalité.
Dans la foulée, Mario a lancé son propre magazine, Winkler, qui dédié à la beauté noire. Car la diversité dans la mode, comme la solidarité entre entrepreneurs noirs semblent être de ses combats.
Sa dernière aventure en date est le lancement d’une marque de sous-vêtements inspirés de tissus africains. Cette aventure est une nouvelle fois motivée par le flair de Mario Epanya. Car devant le succès des tissus en wax ces dernières années, peu de créateurs ont pensé à en faire des caleçons unisexes qui peuvent en outre faire usage de shorts et de maillot de bain. Et ce nouveau succès semble montrer que le succès ne résiste pas aux assauts conjugués du talent, de la détermination, du réseau et du culot.
mario-epanya.format.com
https://www.facebook.com/Underwear-by-Mario-Epanya-210148595682793/?fref=ts
https://www.nofi.media/2018/10/ozwald-boateng-british-airways/59598