La négrophobie en Mauritanie est de plus en plus médiatisée. Toutefois, à l’autre bout du monde arabe, la ségrégation d’une minorité noire passe presque inaperçue. Il s’agit des Akhdam du Yémen.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
En arabe, Akhdam signifie ‘serviteurs’. C’est le nom appliqué à une minorité socio-ethnique du Yémen. De couleur plus sombre que le reste de la société yéménite, elle est aussi au ban de celle-ci.
Les Akhdam parlent l’arabe comme le reste de leurs compatriotes. Ils préfèrent ne pas utiliser ce terme dérogatoire qu’est Akhdam. En effet, ils lui préfèrent Muhamasheen qui signifie ‘les marginalisés’.
Ce choix d’ethnonyme semble exprimer chez eux une conscience de leur discrimination. Mais exprime-t-il une résignation face à celle-ci? Ou plutôt une volonté de son rejet. Pour les autorités yéménites, il n’existerait pas de discrimination officielle.
Mohammed al-Gharbi Amran est l’ancien député-maire de la capitale yéménite de Sanaa. Selon ses propos confiés à nos confrères de IRIN en 2005, les Muhamasheen auraient besoin de mieux connaître et revendiquer leurs droits.
Amran a aussi mentionné que 30% des Muhamasheen qui auraient reçu des logements sociaux les auraient vendu pour retourner vivre dans leur traditionnelle précarité.
Un fait sur lequel tout le monde s’accorde est que la société yéménite est traditionnellement hostile aux Muhamasheen.
L’illustration en est un proverbe yéménite qui présente le contact avec les Muhamasheen comme pire qu’avec des animaux.
« Nettoyez votre assiette si elle a été touchée par un chien. Mais brisez là si elle a été touchée par un Akhdam ».
Les origines des Muhamasheen, toutefois, sont obscures. Certaines théories en font des descendants de conquérants éthiopiens du sixième siècle de notre ère.
D’autres en font des anciens migrants Soudanais de cette période.
Ou encore des Indiens dravidiens. Dans le monde arabe, ces deux ethnonymes sont toutefois historiquement utilisés par extension à tous les Noirs africains. Il n’est donc pas impossible qu’ils soient originaires d’autres régions du continent.
Ils auraient par la suite été discriminés, et réduits à la servitude par les pouvoirs yéménites successifs jusqu’à ce jour. Leurs emplois traditionnels sont ceux de nettoyeurs de latrines ou de cordonniers.
En l’absence d’études scientifiques plus approfondies, il n’apparaît pas impossible qu’ils soient présents au Yémen depuis bien plus longtemps. Progressivement, le préjugé lié à la couleur noire dans le monde arabe leur aurait été appliqué.
Nombre de Muhamasheen, qui comptent environ 10% de la population yéménite, dénoncent aujourd’hui vivement leur condition.
Ils ne posséderaient pas de logements et vivent dans des bidonvilles. Ils ne seraient officieusement que difficilement admis dans les écoles et dans les autres services publics.
Ils seraient en outre sujets aux abus physiques et psychologiques du reste de la
Un rapport récent de l’UNICEF semble donner raison à ces revendications.
Selon ce dernier, 80% des adultes muhamasheen sont illettrés, contre 40% pour le reste de la population.
9% des Muhamasheen ont accès à l’eau potable, contre 29% pour la population générale.
80% des Muhamasheen sont privés d’une protection sociale de la part de l’état contre 46% pour le reste de la population.