Par Anthony Mouyoungui Avec un pourcentage de 49,80 %, Ali Bongo a été réélu à la présidence du Gabon contre 48,23 % pour Jean Ping. Un écart très serré, mais qui ne comble pas le fossé qui s’est ouvert entre les partisans des deux camps. En témoigne les incidents de mercredi soir après la proclamation des résultats officiels.
La réélection d’Ali Bongo dans les conditions que l’on sait n’est pas vraiment une surprise en soi. De nombreux africains s’attendaient à ce qu’il manque de fair-play et suive les exemples de ses doyens de la sous-région passés maîtres dans l’art de tricher aux élections. Il n’a fait que confirmer la phrase, qui occupe une place importante dans le guide des dictateurs, ‘’on n’organise pas les élections pour les perdre’’. Ali, tel Mohammed, a su voler comme un papillon et piquer comme une abeille pour remporter la victoire. Contrairement à Mohammed, sa victoire est sans classe et sans panache et, aujourd’hui, nul africain à part ses fans ne se réjouit de le voir rempiler pour sept longues années à la tête de ce pays pétrolier. Au contraire, l’atmosphère est à la consternation tant les espoirs placés en ces élections étaient grands. En effet, le cas gabonais représentait pour beaucoup d’africains la dernière possibilité de voir une élection libre et transparente se dérouler en Afrique centrale. La victoire du président sortant, qui a usé de la même méthode que son homologue du Congo-Brazzaville, a du mal à passer. Elle est même en travers la gorge de tous et des gabonais en particulier.
Si le PDG, Parti Démocratique Gabonais, qui n’a rien de démocratique, a cru que son tripatouillage allait passer comme une lettre à la poste, c’était sans compter sur la soif des gabonais à aspirer au changement et à une vie meilleure. Leur réaction a l’issue de l’annonce officielle des résultats en est une illustration parfaite. Marcher dans les rues, incendier l’Assemblée Nationale et braver la force publique est leur façon de montrer qu’ils n’ont pas l’intention de se laisser faire et de se laisser voler cette victoire qui représente tant pour eux. Il est vrai que la violence n’est pas le mode d’expression conseillé, mais c’est le seul qui reste à un peuple dont la voix n’est pas entendue depuis presque un demi-siècle. Un peuple qui s’est exprimé honnêtement et qui est en train de se faire voler sa victoire par un groupe de malhonnêtes assoiffés de pouvoir. Des individus qui croient être les seuls capables de gouverner le Gabon alors qu’en presque 50 ans de règne leur bilan est catastrophique.
Mercredi soir, les gabonais ne sont pas sortis dans les rues parce que Jean Ping, dont le quartier général a été visité par l’armée, l’aurait demandé, mais pour exprimer leur colère et leur ras-le-bol. Le candidat malheureux, ancien cacique du régime Bongo père pendant 28 ans, représentait pour les gabonais une voie de sortie par défaut. En effet, dans la logique ‘’n’importe qui d’autre sauf Ali Bongo’’, l’ancien président de la commission de l’UA a bénéficié d’un vrai élan populaire qu’il n’aurait sans doute jamais eu s’il était face à un autre adversaire. Le fait que l’un (Ali) est l’oncle des enfants de l’autre (Ping) donnait l’impression de ‘’déshabiller Pierre pour habiller Paul’’ ! Qu’à cela ne tienne, l’important pour le peuple était de ne plus voir un Bongo à la tête du pays. Dommage ! Les gabonais devront encore le supporter pendant les sept prochaines années.
Le cas gabonais n’est pas unique, il est même symptomatique du paysage électoral de l’Afrique centrale. A chaque élection organisée dans la sous-région, c’est la même conclusion : désillusion pour le peuple. Il n’est pas étonnant que l’on puisse parler, ni plus ni moins, que de ‘’malédiction’’. Alors, l’Afrique centrale serait-elle maudite ? C’est la question que l’on ne cesse de se poser. Aucun exemple positif d’alternance, que des mauvais exemples de fraudes dans les résultats au Congo, au Tchad et aujourd’hui au Gabon. Tous les bons exemples se trouvent ailleurs (Benin, Botswana, Ghana ou Nigeria). Tricher aux élections et intimider les opposants sont devenus une marque de fabrique de la sous-région. La liste des braquages électoraux réussis en Afrique s’allonge d’un nouveau cas en attendant la RDC et le Cameroun où, sauf miracle, le même schéma sera reproduit. Du temps de l’apartheid, les sud-africains noirs luttaient pour avoir droit au vote avec les fameux ‘’one man, one vote’’ ; d’une certaine façon, les populations de l’Afrique centrale sont dans la même situation. Et la revendication dans des sociétés où la justice est aux mains d’un groupe de personnes, passe malheureusement par la violence comme ces derniers soirs à Libreville. ‘’C’est le bulletin de vote ou la balle, la liberté ou la mort, la liberté pour tous ou la liberté pour personne’’ disait Malcolm X en 1964.
Par Anthony Mouyoungui