« Je sais que les gendarmes, avant de prévenir la famille, ont dit qu’ils devaient prévenir des renforts car cela allait partir en cacahuètes ».
Les détails de l’arrestation d’Adama Traoré, mort le 19 juillet dernier, ont été dévoilés après l’audition du chef de patrouille. Aujourd’hui, la théorie de la bavure policière se précise après l’audition du chef de patrouille par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale. Les autopsies confirmaient le « syndrome asphyxique », qui a apparemment été causé lors de l’arrestation.
Doutes, hypothèses farfelues, omissions. Derrière le mystère de la mort d’Adama Traoré se dessinait une tragédie ne remettant pas en cause la santé du jeune homme ou l’altération de ses capacités dues à des stupéfiants. Deux des trois agents avaient déjà confirmé que le jeune homme avait « pris le poids de nos trois corps ». Le troisième, entendu par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).Le gendarme détaillé une prise. Immobilisé à terre, Adama a reçu le genou du gendarme à des endroits stratégiques : « genou droit au niveau du centre du dos de l’individu », « genou gauche sur la partie costale dorsale de l’individu ».
I can’t breathe…
Cette audition vient apporter plus de lumière sur les circonstances de cette malheureuse interpellation. En effet, Adama Traoré, déjà connu des services de police et du même chef de patrouille, s’était retranché chez lui ce 19 juillet, pour échapper à une premier contrôle. Le trio de gendarme avait donc pénétré le domicile familial pour procéder à l‘arrestation. Il est caché sous une couverture, les volets sont fermés. Très vite les policiers le tirent de sa cachette, notamment grâce à « une clé de jambe ». Ils le neutralisent rapidement : « La rapidité de notre intervention ne lui a pas permis d’aller plus loin dans sa résistance. » Le chef de patrouille donne ses ordres pour le convoi au poste d’Adama, alors même qu’ « A cet instant l’individu m’indique avoir du mal à respirer », un scénario qui a un air de déjà vu…
Malgré cela, le jeune homme de 24 ans est embarqué, mains menottées dans le dos et à bout de souffle. Les adjoints du chef de patrouille l’alertent sur l’état du jeune homme : « je me retourne et je constate que l’individu est effectivement en train de s’affaisser dans le véhicule ».
Agonisant sur le sol
Selon les dires de l’auditionné, chacun des agents pense à ce moment précis qu’Adama est en train de faire un malaise. Pourtant, aucun ne semble paniquer, le chef de patrouille constate : « une perte de tonus musculaire ». De plus, « Il ne tient pas debout ». Il est sorti du véhicule et allongé sur le sol en position latérale de sécurité, les mains toujours menottées dans le dos. Adama « s’est uriné dessus », il agonise sur le sol de l’arrière de la caserne, attendant les pompiers que le chef de patrouille aurait fait appeler. Il a aussi ordonné que l’on surveille le pouls. Lorsque les secours arrivent, il est déjà trop tard, et ce n’est qu’à leur intervention que les menottes sont retirées à la victime. Le gendarme affirme qu’Adama respirait et ouvrait les yeux jusqu’à la fin et pourtant, le défibrillateur n’a pas suffit à le réanimer.
Une version contredite par un sapeur-pompier
« la victime se trouve sur le ventre, face contre terre ». Entendu le 2 août par l’IGGN, un des sapeurs-pompiers, intervenu pour réanimer Adama Traoré, a livré un récit en totale contradiction avec celui du chef de patrouille de la gendarmerie. Selon lui, le jeune homme ne se trouvait pas en position latérale de sécurité à l’arrivée des secours. Lorsqu’on lui a signalé que son témoignage ne corroborait pas les dires du gendarme, il a précisé: « il est possible s’il a été mis en PLS (position latérale de sécurité) », en effet « c’est impossible de tenir sur le côté avec les mains dans le dos menottées ». Quoiqu’il en soit, ces indications accusent un peu plus la responsabilité des trois gendarmes à l’origine de l’arrestation. Adama Traoré agonisait depuis le trajet dans la voiture de la gendarmerie et les soins nécessaires ne lui ont été donnés que tardivement, parce que personne n’y croyait ? C’est en tout cas ce qu’un des gendarmes a déclaré lors de son audition: « Nous n’étions pas encore sûrs qu’il était vraiment inconscient et qu’il ne simulait pas. » Une grave erreur de jugement, si cette hypothèse est avérée, qui a coûté la mort à un jeune homme de 24 ans, et mis en danger les forces de l’ordre », détail dont elles avaient bien conscience: « Je sais que les gendarmes, avant de prévenir la famille, ont dit qu’ils devaient prévenir des renforts car cela allait partir en cacahuètes », a ajouté le sapeur-pompier. L’annonce du décès d’Adama Traoré a en effet donnée lieu à plusieurs nuits de révoltes et à de nombreuses manifestations pour réclamer justice.
Le CRAN demande une enquête administratives sur les anciennes activités du procureur Yves Jannier.
Source: Novel Obs et Le Monde