Le passeport africain : un pas vers la suppression des frontières ?

Par Anthony Mouyoungui. De la 27e session ordinaire de l’Union Africaine, tenue à Kigali du 17 au 18 juillet, un seul moment est à retenir : la présentation du passeport africain. Les premiers exemplaires ont été donnés à Idriss Deby-Itno (Tchad) et Paul Kagamé (Rwanda). Un acte symboliquement très fort qui soulève pourtant quelques interrogations. Les africains étant habitués à ce genre de coup d’éclat qui ne dure que le temps d’une photo.

L’image des présidents rwandais et tchadien brandissant, tels des médaillés olympiques, leurs passeports marquera à jamais les annales de l’histoire de l’organisation panafricaine. Ce simple document est un pas fait sur le chemin de l’unité et de l’intégration. Ainsi, tout citoyen d’un pays membre de l’UA pourrait utiliser ce document en lieu et place de celui de son pays d’origine et circuler librement dans tout le continent. Il pourrait partir du nord au sud, de l’est à l’ouest sans réelles tracasseries. Dans le futur proche, l’on parle d’avant 2018 la mise à disposition de ce passeport aux citoyens ordinaires, tout africain serait chez lui partout en Afrique. Une bonne nouvelle pour les africains qui voudraient se déplacer sur le continent ; ce qui n’est pas très facile aujourd’hui et surtout très coûteux.

Au-delà du symbole que représente ce passeport, nous sommes en droit de nous questionner sur ce qui changera concrètement ? Un passeport est un titre de voyage qui permet à son détenteur de passer les frontières d’autres états s’il a le visa d’entrée. Or, l’on ne peut pas franchir les frontières de certains pays africains si l’on n’a pas le visa. A quoi servirait alors un passeport africain si les frontières sont encore fermées ? N’aurait-on pas mis la charrue avant les bœufs ?

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Aujourd’hui, sur le continent, les Seychelles sont le seul pays qui octroie un permis d´entrer sans contrainte à tous les africains, et le Ghana, depuis ce mois de juillet, permet à tout citoyen africain d’entrer dans son territoire avant que ne lui soit octroyé un visa à l´aéroport. En dehors de ces deux exemples, les autres pays du continent sont très fermés et ne respectent pas les textes dont ils sont signataires. Il est vrai qu’il existe des accords bilatéraux de libre-circulation (entre les deux Congo ou entre le Cameroun et le Nigeria notamment). Mais, dans l’ensemble, circuler en Afrique est plus difficile et plus coûteux pour un africain que d’aller hors du continent. Si au niveau de l’Afrique de l’Ouest, la circulation est plus facile grâce à l’existence d’un réseau routier transfrontalier, il n’en est pas de même pour l’Afrique Centrale. Aller du Congo au Gabon ou du Congo au Cameroun c’est faire face à toutes les tracasseries administratives qui existent. Ce qui est d’autant plus aberrant quand on fait qu’il existe un passeport CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) censé donner à son titulaire le droit de circuler librement dans la sous-région. Le cas de l’Afrique Centrale illustre la difficulté de circulation sur le continent. Si six pays n’arrivent pas à garantir à leurs ressortissants la libre circulation qu’en sera-t-il de 55 états soit plus d’un milliard d’individus ? Le passeport ne serait donc pas un gage de libre circulation, mais un pas vers ! Le gage de libre-circulation serait plutôt la suppression des visas entre états. Ce n’est que de cette façon qu’un africain pourrait être content de détenir ce passeport. Le Ghana vient de le mettre en place, aux autres pays de suivre.

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En attendant cette étape, ne boudons pas notre plaisir. Saluons ce pas important pour le continent. Ce qui n’était qu’une idée, jugée utopique par les plus sceptiques, est en train de se matérialisée. Plus d’un demi-siècle après les indépendances, on peut dire sans risque de se tromper qu’il était temps ! Ce qui doit sûrement réjouir Kwame Nkrumah et Patrice Lumumba.

Par Anthony Mouyoungui 

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