Makam Kinanga, jeune patron du football congolais

Makam Kinanga est un jeune congolais qui ambitionne de rehausser le football en RDC. Depuis 2015, il est à la tête du club Jeunesse sportive de Tshangu, une fusion entre les clubs VEA sport de Kimbatseke et Canon 13 de Ndjili, dans le district de la Tshangu. Un projet ambitieux pour ce jeune francilien né à Kinshasa et rentré pour contribuer au développement de son pays. Makam, désormais « président Makam » veut aujourd’hui présenter son bijou à la diaspora de France et compter sur son soutien. Actuellement à la recherche de sponsors, il nous a accordé un entretien, doublé d’un petit cours sur les rouages du football congolais (attention footix) !

Dimanche 24 juillet, vous pourrez le rencontrer et découvrir le club JST au terrain de Porte de la Chapelle, de 13h à 20h. Produits dérivés en vente sur place !

Qu’est-ce qui vous a décidé à racheter un club au Congo ?

Mon père était propriétaire du club VEA sport depuis 1992 et m’emmenait voir des matchs quand j’étais petit. J’ai aussi pratiqué le foot mais ça n’a pas marché pour moi, ce n’était peut-être pas mon chemin. En 2008, j’ai fait mon premier voyage retour au Congo, le club était un peu en déclin. Mon père voulait le revendre à un prix bien au-dessous de tout le travail qu’il y avait investit. Donc en 2012, je lui ai proposé de le racheter. Il me l’a vendu à un prix symbolique et j’ai tenu à le payer pour ne pas créer de conflit avec mes frères et soeurs. Ça me permet de pouvoir travailler tranquillement. En 2015, j’ai aussi fait l’acquisition du club Canon 13. Les deux entités ont fusionné pour devenir Jeunesse Sportive de Tshangu (JST).

Est-ce un projet que vous avez toujours eu ?

Pas du tout. J’envoyais un peu d’argent pour faire vivre le club mais sans être plus impliqué que ça. C’est lorsque j’ai été sur place et que j’ai vu l’engouement des supporters que je m’y suis vraiment intéressé. Alors je me suis lancé. Aujourd’hui je suis actionnaire majoritaire du club et deux associés travaillent avec moi. A côté de ça, j’ai une société de transport qui me permet de financer les activités du club. Le football est un projet à long terme.

Jeunesse Sportive de Tshangu (logo)
Jeunesse Sportive de Tshangu (logo)

Est-ce difficile de s’imposer en tant que jeune président de club ?

Non. Je sais comment me comporter pour que les anciens me respectent et m’écoutent. Le président de la République n’avait que 32 ans en arrivant au pouvoir, et il dirige pourtant des papas. Aujourd’hui, c’est la façon de parler et l’argent qui comptent. Au départ, ils pensaient que j’étais un joueur, mais je me suis imposé. Le simple fait de venir d’Europe vous donne déjà cette aura, le reste est une question der leadership et j’ai toujours été un leader.

Quelle est la principale difficulté dans la gestion ?

La principale difficulté est de tout gérer à distance. Tu ne vois pas tout ce qui se passe. Depuis trois ans je suis régulièrement à Kinshasa, plus qu’ici d’ailleurs. Je suis déterminé quitte à rester sur place pour faire évoluer ce nouveau club. La seule chose qui pourrait m’arrêter c’est de ne plus avoir d’argent (rires). Pour l’instant, nous avons rencontré quelques sociétés qui pourraient être intéressées pour investir et avec qui nous sommes actuellement en discussion. Ce qui est dur aussi, c’est de dépenser continuellement de l’argent sans qu’il n’y ait aucune entrée.

Le club VEA sport avant la fusion avec Canon 13
Le club VEA sport avant la fusion avec Canon 13

Etait-ce important pour vous de contribuer au développement de votre pays ?

Oui Je suis un africain et je suis un nationaliste. J’aime le foot et j’aime aider les gens, si je peux éviter à ces jeunes là de devenir des criminels ou des shegueys*, j’aurai fait quelque chose de bien. Même pour ceux qui ne resteront pas dans le foot, si le passage par le club peut leur permettre de s’insérer ensuite dans la vie professionnelle et d’avoir un métier, ce sera une bonne chose. A partir de là, j’ai comme projet de créer une fondation pour financer les études d’enfants congolais. Parce que la plupart des écoles sont privées et que les familles n’ont pas les moyens. Beaucoup d’enfants sont déscolarisés pour cette raison. Pareillement, beaucoup de mères manquent d’une poignée de dollars pour pouvoir honorer leurs factures et rentrer chez elles après l’accouchement. Je sais que je ne pourrai pas aider tout le monde, alors je vais commencer par mon disctrict. Je choisis de commencer par mon pays pour pouvoir ensuite, pourquoi pas, agir pour les autres.

Quelle est la mission d’un président de club ?

Installer le club dans la durée. Etre président, ça te permet d’être visible dans les médias et de créer des relations. Grâce à ce réseau, on va pouvoir développer notre projet humanitaire. Souvent, le problème des Noirs est qu’ils aiment venir quand tout est finalisé et beau. Au départ, les gens n’y croient pas. Donc je prends mon mal en patience, lorsque ça prendra les gens viendront. Quoiqu’il arrive, je suis déterminé à faire les choses. On a de bons éléments dans l’équipe, pourquoi ne pas les revendre pour générer du capital. Puis, j’ai plusieurs atouts : je suis un jeune qui a grandit en France, j’ai donc plus de facilité à aller vers les entreprises pour développer le club et les partenariats.

Avez-vous eu à affronter le  problème de la récupération politique ?

C’est une bonne question. Des clubs comme anciennement VEA et Canon 13 représentent un enjeu pour les politiques parce qu’ils portent les couleurs du département. Les effectifs des clubs, ajoutés aux supporters, représente beaucoup de monde et la Tshangu est un département clé. Aussi les politiciens cherchent forcément à t’approcher, que ce soit le pouvoir en place ou l’opposition, surtout lorsque que c’est un jeune qui est à la tête de tout ça. D’autant que les élections approchent. Ma réponse pour l’instant est de ne pas prendre part à tout ça. D’abord parce que je ne veux pas mettre ma vie en danger, ensuite parce que je ne veux pas compromettre le club. Si je prends le parti de l’un au de l’autre, cela pourra créer des désaccords chez les supporters et les éventuels investisseurs. Je ne veux pas qu’on puisse me mettre des bâtons dans les roues.

Quelles ambitions nourrissez-vous pour le club ?

D’ici cinq ans, je souhaite que le club joue la Ligue africaine, puis la Coupe du monde des clubs. Je prends souvent pour exemple le TP Mazembe, de Moïse Katumbi, (ex-gouverneur du Katanga). En 2010, il a  été le premier club africain à avoir atteint la finale, après son match contre l’Inter de Milan. Depuis quelques années ses joueurs sont sponsorisés par Adidas et de gros investisseurs font vivre le club. Il a son propre stade, son propre avion. Aujourd’hui Mazembe a un budget que les clubs en Ligue 1 n’ont même pas. S’approcher de ce modèle c’est mon ambition. A côté de ça, je veux rassembler toute la jeunesse du département pour la fédérer autour d’un seul club, JST.

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Quelle est votre stratégie pour les prochaines saisons ?

En ligue 2,  les joueurs auront plus de visibilité et prendront de la valeur. En attendant, il faut assurer la montée qui coûte très cher. Pour cette année, la stratégie est de jouer le maintien. J’espère qu’à la fin de la saison il y aura des sponsors. Pour 2017-2018, on essaiera de monter pour la Linafoot, la ligue 1 de chez nous. Ça, c’est la cour des grands qui réunit des clubs comme le TP Mazembe ou d’autres qui participent à la Ligue des Champions. Les entraînements ont déjà repris et  le club va jouer la super coupe de Kinshasa. Après cela, un autre championnat se déroulera fin Août, tout va se faire très vite. Les joueurs en Ligue 2, au Congo, sont généralement payés par primes de matchs et non par mois. La plupart d’entre eux viennent de quartiers pauvres. Seul le coach a un salaire. Pour le reste, ça devient intéressant lorsqu’ils réussissent à gagner plusieurs matchs, dans ce cas ils s’en tirent à 200 dollars. C’est une fortune au pays, où le salaire moyen tourne autour de 70 dollars.

Pourquoi souhaitez-vous faire connaître JST en France ?

Parce que la Tshangu est un Département très populaire. La majorité des premiers congolais expatriés en France en est originaire. Ce sont des gens fiers de leur département donc, prêts à aider pour voir grandir le club. C’est important pour la promotion du club, parce qu’au Congo un club de football coûte énormément d’argent. Il n’y a aucune subvention, même les ballons ne sont pas donnés par la fédération. Le club doit aussi prendre en charge les frais de participation avant les saisons, le convoie et les  visites médicales des joueurs. Moi qui travaille surtout avec la jeunesse, j’assure de ma poche leur transport quotidien, à hauteur de 70 ou 100 dollars par jour. Si tu n‘as pas un gros commerce derrière, c’est dur de suivre. Je souhaite que mon projet soit porté par la communauté, notamment pour attirer les investisseurs et sponsors. Sans cela, ça va vraiment être difficile.

*Shegueys: enfants des rues de Kinshasa.

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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