Il est insensé de vouloir dissocier la question raciale de celle de l’esclavage.
Le 10 mai est officiellement la date de la commémoration des abolitions de l’esclavage en France et
l’anniversaire de la loi Taubira, par laquelle elle le reconnaît comme crime contre l’humanité.
Une date que nous devons faire nôtre et que l’Etat français prend encore une fois en otage.
Une injonction au devoir de mémoire tournée en ridicule ce 10 mai 2016 que nous vous
racontons en six épisodes.
Commémoration au Jardin du Luxembourg Paris, 6ème arrondissement (en matinée).
Aimé le malmené. En ce jour spécial, François Hollande a convié le Révérend Jesse Jackson,
frère de lutte et fidèle ami du défunt Martin Luther King. Un orateur, une figure et le premier
homme noir à être candidat à la présidence des Etats-Unis. Dans son discours, il évoque ces
symboles afros, espoirs d’une issue favorable possible, dûment méritée.Barack Obama, Christiane Taubira, George Pau-Langevin, Aimé Césaire. Aimé Césaire qui, dans la bouche de l’interprète devint Aimé « César », deux fois. Un seul jour dans l’année où nos aînés sont à l’honneur, un seul jour où le mépris doit s’effacer pour laisser place au respect. C’est demander la lune apparemment. L’erreur est réitérée mais pas corrigée, qu’importe après tout.
Opération séduction. A quelques mois de l’élection de 2017, le président de la république ne
pouvait pas laisser passer une si belle occasion. Galvanisé par l’aura de ce militant pour les
droits civiques, il vend à Jesse Jackson l’image d’une France sympathisante de ce combat pour l’égalité, concernée par la cause des Noirs et des minorités, en croisade contre la négrophobie. Il évoque le BUMIDOM, l’immigration, l’horreur de la traite et de la servitude, le combat pour l’adoption de la loi Taubira au Sénat. Hollande va même jusqu’à dire son admiration pour les esclaves révoltés d’Haïti ! Enfin, il annonce la création d’une fondation pour la mémoire de l’esclavage ! Un premier pas vers les réparations financières «à l’automne» précise-t-il et d’ajouter «L’automne, c’est juste après l’été donc dans très peu de temps». Une bonne nouvelle et surtout, une promesse actée devant témoin.
Un lot de consolation pour Lionel. Faire plaisir à tout le monde, c’est s’assurer du soutien auprès du plus grand nombre. Aussi, pour bons services rendus, il était légitime que Lionel Zinsou, candidat battu lors de la présidentielle au Bénin se retrouve à la tête de cette fondation. Un lot de consolation fort intéressant, mais aussi cohérent. Il faut reconnaître que Zinsou, le banquier d’affaires, sait comment lever des fonds, ce qui sera un atout pour la structure. L’actuel comité pour la mémoire, dirigé par Myriam Cottias, en deviendra l’instance scientifique. Ainsi tout le monde est content et personne ne fera de vagues.
Commémoration place du Général-Catroux, Paris, 17 ème arrondissement (en fin de journée).
Séparation de corps. Les spectateurs venus assister à cette commémoration sont priés de rester à
l’extérieur de la pelouse. Ils se sont donc tassés autour des grilles, sous une pluie diluvienne. Heureusement, les parapluies n’avaient pas été oubliés dans le bus ! Sur le petit carré VIP, à côté de la sculpture des fers brisés, un orchestre exclusivement blanc abrité sous un chapiteau. La garde nationale, alignée et armée de ses instruments de musique. Aucune représentativité de ces groupes ethniques pourtant à l’honneur ce jour. Enfin, l’estrade où se tient une partie des intervenants. Les
forces de l’ordre quant à elles, ne sont pas décidées à laisser entre la Brigade anti-négrophobie, pourtant invitée. De la provocation. Il faudra qu’un des membres s’insurge pour que le groupe puisse intégrer la cérémonie.
Hors sujet. La météo étant exécrable, la maire de Paris, Anne Hidalgo, n’allait tout de même pas se donner la peine de se déplacer. La cérémonie s’est donc déroulée en présence de Brigitte Kuster, maire du 17 ème arrondissment, Haim Korsia, le Rabin de France et Claude Ribbe, président de l’association des amis du général Dumas, qui organise cette commémoration et l’ancien boxeur Jean-Marc Mormeck, devenu délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outre-Mer. Kuster tient un
discours très orienté qui sonne « Oui, la France a participé mais c’était pas la pire.» Elle a raconté les actions des nazis contre les oeuvres d’Art liées à la mémoire. Il fut également fut question de Victor Hugo et de Louis XIV cités en référence. Hors sujet. Tout comme l’orchestre qui a joué à plusieurs
reprises l’hymne national sud africain et la Marseillaise. Le joyeux groupe d’orateurs est
enduite allé déposer une gerbe de fleurs au pied de la sculpture.
Le mépris. Une fois que la clique termine son parcours sur la gadoue, elle tourne fièrement le
dos au reste de «l’assemblée», pour jouir du mini-concert de l’orchestre. Un ordre de passage a pourtant été défini pour les interventions mais voilà, nos revendications n’intéressent pas les politiques, qui font passer le message à cet auditoire trempé, humilié, en colère. Les soupirs et les plaintes sont à peine étouffés, et ce depuis le début de cette mascarade de cérémonie commémorative. Pour ajouter à l’insulte, les officiels quittent les lieux et ce n’est qu’à partir de là que tout le public a enfin le droit de fouler la pelouse. Les intervenants noirs montent sur l’estrade et tentent de s’adresser au public, gêné par la cacophonie des musiciens en tain de ranger leurs instruments. Place au concert à présent, par un groupe de musiciens afros cette fois. La musique adoucit les mœurs, mais pas cette fois, les trempés, humiliés, en colère.
Vidéo de la Brigade anti-négrophobie: