Maman « célibattante », enseignante, auteure, femme engagée, Jahlyssa Sekhmet a fait de l’Histoire de l’Afrique et de sa diaspora son combat.
Pour ceux et celle qui ne vous connaissent pas qui êtes vous ?
Je me nomme Jahlyssa Sekhmet, je suis enseignante depuis une quinzaine d’années. J’ai un DEUG de droit option sciences politiques et une licence de sociologie. Je suis une passionnée d’Histoire du monde noir. J’ai suivi pendant plus d’une dizaine d’années des cours, colloques et conférences donnés par de nombreux intellectuels dont le Professeur Théophile Obenga ou encore le Professeur Jean-Charles Coovi Gomez.
Parlez-nous du projet Conscious Education Editions ?
Conscious Education Editions est une maison d’édition spécialisée dans les outils et les manuels pédagogiques du monde noir que j’ai créé. Pourquoi ? En tant qu’enseignante à l’école élémentaire, la première fois que l’enfant noir est confronté à son histoire dans l’institution scolaire, c’est en classe de CM2, avec « le commerce triangulaire ». L’Histoire qui y est donc transmise se résume en « les Africains vendaient d’autres Africains aux Européens contre de la verroterie ou de la pacotille. Ensuite les Européens les emmenaient dans le Nouveau Monde pour les faire faire travailler jusqu’à la mort. » Voici le début et la fin de l’Histoire africaine si elle n’a pas été expliquée hors contexte scolaire…
C’est pourquoi, j’ai décidé de créer un outil pédagogique qui retrace notre histoire de la préhistoire à nos jours. J’ai pensé à cet outil pour que les enfants puissent comprendre les faits exacts de la traite négrière et surtout ce qu’il y avait avant cela sur le continent africain. Avec ce livre, l’enfant aura enfin une vision globale de cette histoire, dans sa continuité historique. Les différents dispositifs, ouvrages et ateliers, de Conscious Education Editions se veulent un complément à l’enseignement scolaire.
Qu’est-ce qu’un atelier AFRODYA ?
Ce sont des ateliers d’Histoire pour enfants et adolescents qui leurs permettent de s’approprier l’Histoire de l’Afrique, de sa diaspora au travers de vidéos et de débats adaptés à leur âge.
Votre structure se veut être une démarche noire et fière, en quoi et pourquoi ?
Je suis issue d’une communauté qui ne parlait pas de l’esclavage, ce sujet était « tabou ». Notre génération a fait des recherches et ose mettre les choses à plat. Cette démarche part tout d’abord d’une réhabilitation de notre histoire qui a été bafouée et surtout d’un respect envers nos ancêtres, qui ont été torturés, jetés à la mer, violés… Leur mémoire n’a pas été réhabilitée et chaque peuple doit être en paix avec son passé pour pouvoir avancer.
En quoi Conscious Education Editions se distingue des autres organisations consacrées à la valorisation de la culture noire ?
Elle se distingue par sa spécialisation d’outils pédagogiques, mais aussi ludiques, éducatifs et artistiques orientés vers un jeune lectorat.
Vous êtes l’auteure de « L’Histoire de l’Afrique et de sa diaspora, de la préhistoire à nos jours, à partir de 10 ans ». D’où vous est venu l’idée d’écrire ce recueil ?
Plus jeune, ma fille a commencé à me poser des questions sur la Guadeloupe, l’Afrique, l’esclavage… J’avais quelques connaissances, mais je n’avais pas de supports sur lesquels m’appuyer. De nombreux ouvrages existaient, mais ils étaient en grande partie orientés vers un public adulte. Les livres pour la jeunesse traitant de l’esclavage dans la grande majorité commençaient avec les bateaux négriers ce qui ne permettait pas de lui faire comprendre qu’avant les traites négrières arabe et européenne, il y avait une Histoire. Il me manquait un support avec une vraie continuité chronologique historique.
Des projets futurs ?
Je serai sûrement entre les Caraïbes et l’Afrique, avec de nombreux projets artistiques, notamment dans l’écriture, la peinture, la création d’une école panafricaine, l’agriculture…
Le mot de la fin, des encouragements à notre communauté ?
Nous sommes un peuple qui a beaucoup souffert à un moment donné de notre Histoire. De grandes âmes se sont élevées pour nous montrer la route. Rendons leur honneur et respect en accomplissant chacun notre mission à notre niveau, pour que ces milliers d’hommes et de femmes ne soient pas mort en vain. À la nouvelle génération qui construira le monde demain. « Chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir », citation de Frantz Fanon.