« L’esclave fugitif (…) aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule… ». Article 39 du Code Noir de Colbert, 1685.
Comprenez que l’artiste qui s’élèvera contre la toute-puissante radio verra sa carrière neutralisée et réduite en cendre avant même d’avoir percé.
On peut objectivement dire que ce n’est pas sur cette station qu’on découvre des exclusivités, et pour cause, la nouveauté est un pari trop dangereux. Peu importe le niveau de l’artiste, s’il n’est pas connu, s’il n’est pas docile, on ne mise pas sur lui. La musique est un élément secondaire, ce qui importe, c’est le bénéfice. Pourtant, aucun des membres de la direction de Sky n’est spécialiste, ni même connaisseur du Hip-Hop. En écoutent-ils même ? La culture urbaine est noire, le rap est noir, la musique est noire, mais la décision ne l’est pas. Ce sont toujours les mêmes qui tiennent les chaînes et les mêmes qui se trouvent au bout. On ne verra assurément pas un Mac Tyer ou un Kerry James choisir la programmation musicale sur Chérie Fm. On ne se fiera pas à leur jugement pour décider quel est l’artiste variété au top. Mais pour le rap, c’est comme pour le pétrole africain, la ressource est la leur mais puisqu’ils ne savent pas l’exploiter… on leur rend service.
La vérité c’est que Skyrock n’est plus la plateforme qui a servi de tremplin à quelques chanceux artistes, et qu’elle ne l’a jamais été. Passivement, elle récolte le produit de ceux qui persévèrent seuls dans leur coin, assurent eux-mêmes difficilement leur « buzz » et leur promo. Un business oui, mais pour qui ? Il est question de business lorsque les deux parties y trouvent leur compte. Ce n’est pas le cas ici puisque seul Laurent Bouneau peut se targuer d’avoir reçu les rappeurs du moment, quand eux peuvent difficilement espérer atteindre les 100 000 exemplaires vendus. Car ce monsieur et ses complices ne sont rien de moins que des proxénètes qui mettent en avant la poule qui rapporte le plus sur le moment. Pas un refuge mais un repère de loups pour les jeunes kickeurs aux dents longues, sacrifiés comme des agneaux à la cupidité Bounéenne.
N’oublions pas que Skyrock a migré sur le rap par opportunisme, lorsque, à fin des années 1980, pour se démarquer des autres radios, pour retenir sa cible des 15-25 ans, et surtout pour contrer NRJ. Anciennement La voix du lézard, l’antenne fut une référence en matière de radio libre, mais en vérité, pas en matière de musique urbaine. Aussi, l’équipe décisionnaire ne connaît et ne comprend pas la difficulté pour les jeunes artistes rappeurs de s’imposer dans le système. Elle ne voit en eux qu’un moyen de rester crédible. Ceux qui ont la chance d’être reçus et diffusés ne doivent sous aucun prétexte entrer en désaccord avec la direction, quel que soit le motif, sous peine d’être boycotté. Le lézard gobe les talents réfractaires et les audiences.
Pourtant, cela ne permet pas de multiplier les ventes de disques de ceux qui mettent leur art à disposition de nos oreilles. Devenue radio incontournable, Skyrock est surtout un frein de taille pour la créativité et pour la possibilité à chacun de montrer ce qu’il vaut.
En vérité, tant qu’il n’y aura pas d’économie noire, de business noir et de patrons d’antenne noirs, il n’y aura ni respect ni reconnaissance. Et comme dirait Tupac dans son titre « Wonda why thy call you bitch » : « ça n’a rien de personnel, c’est juste du business… juste du business baby ».