Hommage à Maya Angelou

Maya Angelou (1928-2014) était une danseuse, chanteuse, écrivaine, poétesse et activiste afro-américaine.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

 

Origines
Née en 1928 dans l’état américain du Missouri, Marguerite ‘Maya’ Johnson grandit entre chez sa grand-mère , relativement aisée et sa mère. A l’âge de 8 ans, elle est violée par le compagnon de sa mère, après quoi celui-ci est assassiné par des oncles de Maya. Cet événement générera un double traumatisme chez l’enfant qui restera muette pendant plus de quatre ans.

Maya Angelou enfant www.mayaangelou.com
Maya Angelou enfant www.mayaangelou.com

Quelques années plus tard, elle décide de faire l’expérience du sexe avec un garçon de son quartier, une expérience qui débouchera sur la mise au monde de son seul fils Clyde en 1945, quelques semaines après avoir été diplômée de son lycée à San Francisco.

Une vie d’adulte prématurée

L’enfance volée de Maya allait être suivie par une adolescence perdue. Pour subvenir aux besoins de son fils, Maya Angelou allait effectuer un grand nombre d’emplois dans des secteurs aussi divers que la prostitution, la conduite de Tramways, la danse dans des clubs de nuit, avec en toile de fond des activités illégales comme la consommation de la drogue.

En 1951, Maya rencontre Tosh Angelos, un marin grec qu’elle épouse en 1952. Toutefois, les objections de ce dernier quant à la vie sociale de Maya et notamment de sa vie religieuse auront lieu de leur mariage qui prendra fin en 1954. Peu après, avec une version modifiée du nom de son époux, Angelou utilisera le pseudonyme Maya Angelou par sa carrière artistique, d’abord  dans le calypso, ensuite dans son oeuvre pluridisciplinaire.

L’activisme comme cadre de début de vie adulte

En 1954, elle fait une tournée en Afrique et en Europe avec sa troupe de théâtre interprétant la pièce Porgy and Bess.

Lors de la tournée Porgy & Bess / mayaangelou.com
Lors de la tournée Porgy & Bess / mayaangelou.com

Son arrivée à New York dynamise sa carrière musicale et son activisme.
La deuxième moitié des années 50 la voit multiplier les prestations de danse et de musique dans des clubs et des cabarets, notamment dans le genre du calypso. Elle sortira son premier album Miss Calypso en 1957, dont voici un extrait :

En 1959, elle intègre le Harlem Writers Guild, la plus vieille association d’écrivains noirs américains et une association culturelle appelée L’association culturelle pour les femmes d’héritage africain.
A cette époque, elle rencontre de nombreuses personnalités de l’activisme noir aux Etats Unis dont Martin Luther King. Avec lui, elle contribue à organiser la Southern Christian Leadership Conference, un événement déterminant dans l’histoire de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Pour le financer, elle co-édite la célèbre revue ‘Cabaret for Freedom’.

Vers l’Afrique
Sensibilisée notamment à la cause de l’apartheid en Afrique du Sud, elle rencontre Vusumzi Make en 1961. Ce dernier était un militant anti-apartheid sud-africain en exil. Avec lui et son fils Clyde, elle part en Egypte où elle travaille pour le journal ‘The Arab Observer’. En 1962 toutefois, elle se sépara de Make et émigre au Ghana. Elle allait y rencontrer une communauté afro-américaine composée notamment de Shirley et de W.E.B. DuBois. Elle y travaille dans la presse et dans l’administration à l’Université du Ghana. Elle s’y familiarisera avec Malcolm X, avec qui elle s’était déjà entretenue à New York. Lors de la dernière visite de Malcolm X au Ghana en 1964, celui-ci avait convaincu Maya de le rejoindre aux Etats-Unis pour l’aider à développer sa nouvelle association, l’Organisation pour l’Unité Afro-Américaine, ce qu’elle fit en 1965, mais Malcolm X fut assassiné peu après. La tragédie de ce scénario se répétera avec l’autre plus grande figure de l’histoire afro-américaine, à savoir Martin Luther King. Peu après que celui-ci lui ait demandé d’organiser une marche, il fut assassiné le jour même de son 40ème anniversaire, la laissant dans une dépression. Elle en sort en grande partie grâce au soutien moral de son ami, le célèbre écrivain James Baldwin.

Succès
En 1969, elle sort sa première de ses sept autobiographies, ‘I know why the caged bird sings’, qui traite de ses premières années jusqu’à ses seize ans et qui remportera un grand succès international. Entre temps, elle avait notamment écrit et produit pour la télévision américaine ‘Black, Blues, Black!’, une série documentaire sur la part africaine des Noirs américains leur ayant permis de créer le blues. En voici un extrait:

En 1972, elle est la première femme noire à écrire le scénario d’un film avec Georgia, Georgia, un film suédois.L’année suivante, elle se marie une nouvelle fois, avec Paul Du Feu, un charpentier britannique dont elle divorcera en 1981. Entre temps, elle avait joué en 1977, dans l’adaptation télé du roman d’Alex Haler, ‘Roots’ / ‘Racines’. Le succès de ses activités littéraires prolifiques lui ouvrira la porte de nombreuses universités américaines en tant que professeure invitée. Sa consécration en tant que figure culturelle américaine arriva en 1993 lorsqu’elle fut choisie par le Président Bill Clinton pour réciter son poème ‘On the pulse of morning’ lors de son investiture présidentielle.

Maya Angelou lors de l'investiture de Bill Clinton en 1993
Maya Angelou lors de l’investiture de Bill Clinton en 1993

Un an après la publication de sa dernière biographie, Mom & Me & Mom, Angelou s’éteint le 28 mai 2014, quelques mois après son dernier contrat dans une université américaine fin 2013, à l’âge de 86 ans. Si elle a laissé derrière elle un fils, un petit fils et deux arrière petits fils, c’est un tout un peuple qui avait à sa mort, hérité de l’héritage considérable d’une femme dont les expériences, les rencontres, le talent, la force et la conscience avait accompagné le redressement d’un peuple des trépas de la ségrégation raciale à la dignité d’une identité retrouvée.

Traduction du poème  Still I Rise (‘Pourtant je m’élève’) de Maya Angelou par Olivier Favier :

Vous pouvez me rabaisser pour l’histoire
Avec vos mensonges amers et tordus,
Vous pouvez me traîner dans la boue
Mais comme la poussière, je m’élève pourtant,

Mon insolence vous met-elle en colère?
Pourquoi vous drapez-vous de tristesse
De me voir marcher comme si j’avais des puits
De pétrole pompant dans ma salle à manger?

Comme de simples lunes et de simples soleils,
Avec la certitude des marées
Comme de simples espoirs jaillissants,
Je m’élève pourtant.

Voulez-vous me voir brisée?
La tête et les yeux baissés?
Les épaules tombantes comme des larmes.
Affaiblie par mes pleurs émouvants.

Es-ce mon dédain qui vous blesse?
Ne prenez-vous pas affreusement mal
De me voir rire comme si j’avais des mines
d’or creusant dans mon potager?

Vous pouvez m’abattre de vos paroles,
Me découper avec vos yeux,
Me tuer de toute votre haine,
Mais comme l’air, je m’élève pourtant.

Ma sensualité vous met-elle en colère?
Cela vous surprend-il vraiment
De me voir danser comme si j’avais des
Diamants, à la jointure de mes cuisses?

Hors des cabanes honteuses de l’histoire
Je m’élève
Surgissant d’un passé enraciné de douleur
Je m’élève
Je suis un océan noir, bondissant et large,
Jaillissant et gonflant je tiens dans la marée.
En laissant derrière moi des nuits de terreur et de peur
Je m’élève
Vers une aube merveilleusement claire
Je m’élève
Emportant les présents que mes ancêtres m’ont donnés,
Je suis le rêve et l’espérance de l’esclave.
Je m’élève
Je m’élève
Je m’élève

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