Se réapproprier une identité, se replier sur ce qu’il reste d’authentique en soi, c’était la mission de cette revue militante. Publiée le 1 er juin 1932 par huit étudiants, Légitime Défense n’aura qu’un seul numéro.
René Ménil, Etienne et Thérus Lérot, Jules-Marcel Monnerot, Maurice-Sabas Quitman, Auguste Thésée, Pierre Yoyotte et Michel Pilotin. Huit noms aujourd’hui tombés dans l’oubli. Pourtant, ces activistes furent à l’origine d’une initiative des plus importantes dans la lutte pour l’émancipation en Martinique, et dans les Antilles françaises.
Le 1 er juin 1932, les huit compères publient la première et unique édition de la revue Légitime Défense, un dénombrement d’inspiration Marxiste qui s’élève contre qui prend position contre l’ordre établi. Légitime Défense accuse ouvertement les « békés » (descendants d’esclavagistes installés aux Antilles) de la misère de la condition noire et de la misère sociale régnant sur la Martinique. La revue fait effectivement cas de cette lutte des classes exposée par Karl Marx, mais qui, en raison de l’esclavage, fait plus de dégâts dans les îles. Une situation où l’asservissement a officiellement été aboli le 22 mai 1848, mais qui perdure grâce à l’oligarchie française (blanche), et par la participation de la nouvelle classe que sont les martiniquais bourgeois (noirs).
Légitime défense accuse de façon virulente cette bourgeoisie noire de ne pas faire cas de la souffrance des autres martiniquais pauvres subissant de plein fouet la pauvreté et le rejet. Les auteurs interpellent cette classe qui, « sauvée » de sa condition de « nègre », cherche à s’assimiler à la classe dominante blanche et écrase à son tour ses semblables. Ils l’accusent de trahison et de lâcheté: « Dans les campagnes, des noirs continuent à couper la canne et ne pensent pas encore à couper la tête de ceux qui ne cessent pas de les trahir. » Jules-Marcel Monnerot.
Légitime défense appelle les antillais à faire de leur négritude une fierté, une identité assumée. Cet appel est une injonction à se défaire de tout ce qui a été imposé par les anciens maîtres esclavagistes et perpétué par leur descendance. C’est une prise de conscience qui veut se généraliser dans toute la Martinique. Légitime Défense fut un acte politique, une critique acerbe et ouverte du colonialisme, un appel au combat.
Légitime Défense n’aura qu’un seul numéro, on parle de numéro d’Anthologie dans lequel poésie, politique et économie sont brillement orientées au service d’une cause. Evidemment, la revue fait scandale auprès des élites françaises qui interdisent sa parution et coupent les bourses à ces huit étudiants téméraires. Tous les exemplaires sont saisis par la police Ils seront également trahis par leurs parents qui, étant de ces classes qui veulent plus que tout s’assimiler, leur couperont les vivres.