Il y a plus de cinq cent ans, étaient construites dans la région occidentale du Kenya d’impressionnantes ruines de pierre qui survivent à ce jour.
Par Sandro CAPO CHICHI /nofi.fr
La France est le premier pays touristique au monde. Parmi ses principales attractions figurent le château de Versailles. Si ce dernier possède une grande richesse architecturale et artistique, on peut dire que l’histoire de Louis XIV, de Marie-Antoinette et de Louis XVI, voire de Napoléon contribue très largement à l’intérêt qu’il génère chez le public.
En d’autres termes, des vestiges de construction historiques ne sont souvent considérées comme présentables au grand public occidental que lorsque l’on peut mettre des noms dessus. Les ruines du Grand Zimbabwe, qui font partie des vestiges de constructions les plus impressionnants en Afrique subsaharienne ne font pas exception à la règle. C’est ainsi par exemple l’empire du Monomotapa (actuel Zimbabwe), bien qu’il n’ait pas été à l’origine de la création de ces ruines est parfois présenté comme ‘l’Empire du Grand Zimbabwe’.
C’est comme si une civilisation ancienne digne de ce nom se devait d’avoir des ruines ; et que des ruines, pour susciter l’intérêt devaient être associées à des personnes ou à des cultures connues. C’est à notre avis pour cela qu’il y a quelques années, l’empire du Monomotapa fut choisi (avec Ghana, Mali et Songhaï) par l’Education Nationale française parmi de très nombreux autres états africains pré-coloniaux pour être enseignée dans les manuels d’histoire des collégiens français.
Souvent comparé dans son style aux constructions du Grand Zimbabwe, Thimlich Ohinga, est un ensemble de 138 enclos de pierre d’un à quatre mètres de haut et d’un à trois mètres de large construits sur une colline dans la province de Nyanza. Ses fonctions auraient été à la fois défensives, économiques et sociales.
Contrairement au Grand Zimbabwe toutefois, les enclos auraient été construits avec des pierres sans mortier. Ses origines sont mystérieuses. Bien que la zone soit aujourd’hui occupée par des populations d’ethnie luo (de langue nilo-saharienne), d’où son appellation qui signifie ‘brousse épaisse entourée de pierres’, la plupart des spécialistes s’accorde à dire qu’il aurait été fondé il y a plus de 500 ans par des populations de langue bantou. L’identité de ces populations et leur civilisation restent toutefois inconnues et la promotion de ce site, récemment inscrit sur la liste tentative du Patrimoine Mondial de l’UNESCO auprès du grand public devait a priori rester problématique.
Toutefois, la médiatisation du peuple luo dont était issu le père du président américain Barack Obama, depuis l’accession au pouvoir de ce dernier a fourni une solution au problème. Dans son livre ‘The Obamas: The Untold Story of an African Family’, l’écrivain Peter Firstbrook présente ainsi les Luo comme les bâtisseurs de Thimlich Ohinga. Sur le site archaeological.org, Thimlich Ohinga est aussi présenté comme ‘un site sur la terre des ancêtres d’Obama’. L’ histoire ‘africaine’ d’Obama, par ces importantes ruines de pierre, est d’un côté légitimée comme celle d’une ‘grande civilisation’.
De l’autre, les ruines ont désormais un visage et un nom connus du grand public qui leur permettront de susciter un plus grand intérêt. Tels sont, semble-t-il, les bricolages nécessaires à la promotion, pour un pays africain, de son héritage à un public étranger. Espérons que les pays africains sauront un jour parvenir à un système de préservation autonome de leur héritage sans avoir à manipuler leur histoire pour la faire valoir dans des moules culturels qui ne sont pas les leurs.