Le lien entre le créole haïtien et des langues du Bénin, Togo et Ghana

Les liens entre Haïti et le Bénin sont bien connus.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Le plus célèbre héros haïtien, Toussaint Louverture, en aurait été originaire par ses deux parents ; le mot ‘vaudou’, qui désigne la célèbre religion d’origine africaine du pays, ainsi que les titres de ses prêtres, entre autres,  seraient originaire des langues Gbe (fongbé, éwégbé, minagbé, ajagbé, etc) principalement parlées au Bénin, au Togo et au Ghana.

Statue en hommage à Toussaint Louverture au Bénin
Statue en hommage à Toussaint Louverture au Bénin

Outre ces quelques mots, l’origine de la langue haïtienne, le créole haïtien, à l’instar d’autres créoles afro-américains, aurait souvent été présenté comme le résultat universel de l’apprentissage, par des enfants, sur les plantations, des langues de communication rudimentaires utilisées par les adultes d’origine différente, procédé universel dans la formation des créoles du monde et qui expliquerait leurs similarités. Selon une linguiste canadienne, Claire Lefebvre, la situation serait différente: le créole haïtien devrait effectivement la majorité de son vocabulaire au français du 17ème et du 18ème siècles, mais la structure de la langue créole haïtienne devrait sa structure à des langues africaines, notamment aux langues Gbe d’Afrique de l’Ouest comme le fongbé.

Le processus aurait été le suivant. Des locuteurs de langues comme le fongbé auraient intégré dans leur langue le vocabulaire et les éléments grammaticaux français mais auraient conservé la structure africaine de leur langue. Par exemple, en haïtien, le pronom personnel ‘nou’ pour désigner ‘nous’ est  le même que celui utilisé pour signifier ‘vous’. Pour un locuteur du français, il est difficile de comprendre ce choix. En revanche, pour un Fon du Bénin, un Mina ou un Ewe du Togo, le choix est parfaitement compréhensible puisque ces langues ont la singularité de prononcer ces deux pronoms de la même manière ‘mi’.

En fongbe, le crâne est considéré de façon imagée comme la calebasse ‘ka’ de la tête ‘ta’ (ta-ka). Pour un locuteur du français, il n’y a aucune raison objective de présenter le crâne par un autre mot que celui de ‘crâne’. Pourtant, les locuteurs du créole haïtien utilisent un autre terme qui ressemble au cas très particulier du fongbe et appellent le crâne ‘kalbas-tèt’ ou ‘tèt-kalbas’, ces deux termes étant évidemment hérités des mots ‘tête’ et ‘calebasse’, mais à travers le moule d’une pensée africaine, qui montrerait, avec de nombreux autres exemples, que la conception du monde propre aux Africains arrivés en Haïti n’a pas été entravée par les terribles obstacles qui se sont dressés devant eux, face à la sauvegarde de leur identité, et donc de leur humanité.

 

 

Pour en savoir plus :

Creole genesis and the acquisition of grammar : the case of Haitian creole / Claire Lefebvre

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