Le Pape François a officiellement reconnu le génocide arménien par les Turcs, le présentant comme le premier du vingtième siècle. Avant celui-ci toutefois, et toujours au vingtième siècle avaient eu lieu le génocide des Namibiens par les Allemands et celui des Boers par les Britanniques.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
En 1915-1916 avait eu lieu la mort d’environ un million deux cent mille Arméniens vivant sur le territoire de l’empire ottoman (actuelle Turquie). Présentées comme le résultat de massacres par le gouvernement turc actuel qui leur nie le statut de génocide, celui-ci a récemment été reconnu par le pape François qui a déclaré, citant un accord signé par l’un de ses prédécesseurs, le Pape Jean Paul II:
Quelques dix ans auparavant, entre 1904 et 1907, dans le cadre des guerres entre Héréros, Namas et Allemands, avait eu aussi lieu un processus systématique d’extermination de ces deux populations de Namibie. Nous citons à ce sujet notre article publié sur notre encyclopédie Nofipédia:
Entre-temps, les Allemands avaient mis en place des camps de concentration près de tous les importants lieux de peuplement où des enfants, hommes et enfants héréros étaient intégrés dans des conditions volontairement inhumaines : travail forcé, sous alimentation. Les Nama qui avaient appris des erreurs des Héréros évitèrent le combat direct et décidèrent d’utiliser des techniques de guérilla particulièrement efficaces. Malgré une forte résistance qui dura jusqu’à fin 1907, les Nama furent toutefois progressivement défaits et leur leader Hendrik Witbooi fut tué en octobre 1905. Nombre d’entre eux furent internés dans les camps. Les archives coloniales font état de la mort de 7682 prisonniers entre octobre 1904 et mars 1907, soit entre trente et cinquante pour cent des populations internées. Nombre d’entre eux moururent des conditions de détention, de maladies telles que le scorbut ou de typhus. Alors que les Héréros étaient au nombre de 80000 en 1903, ils n’étaient plus que 15130 en 1911. Les Nama, quand à eux, étaient passés de 20000 à 9781 pour la même période. En janvier 1908, pour l’anniversaire de l’empereur, les derniers internés furent libérés. La fin de ce crime donnait naissance à un autre et s’établissaient à ce moment des lois d’apartheid faisant qu’aujourd’hui encore, la majorité des fermes de Namibie sont la possession de fermiers blancs.
Avant ce massacre même avait eu lieu en 1902 une politique d’extermination de Boers (ancêtres des Afrikaners d’Afrique du Sud) et de Noirs africains en Afrique du Sud par les Britanniques. En 1902 se terminait la seconde guerre des Boers entre les colons britanniques. Entre temps s’étaient constitués les états boers du Transvaal et d’Orange après une victoire des Boers sur les Britanniques en 1880-1881 lors de la Première Guerre des Boers. Mais lors de la seconde, les choses tournèrent à l’avantage des Britanniques. Dans ce cadre, les Britanniques avaient établi des camps de réfugiés où, à partir de 1900, en raison d’un durcissement des attaques britanniques, de plus en plus de civils boers et noirs africains allaient se regrouper. Les misérables conditions de détention volontairement maintenues par les pouvoirs britanniques des internés allaient causer la perte de plus de 28000 boers dont 22000 étaient probablement des enfants de moins de seize ans, et d’environ 14000 Noirs. Le futur premier ministre britannique David Lloyd George avait reconnu à cette occasion la mise en place d’une ‘politique d’extermination’ des femmes et enfants boers. Il s’agissait peut être du premier génocide du 20ème siècle et Hitler fut fasciné dans sa jeunesse par les circonstances de ses morts.
On peut se demander pour quelle raison ces deux génocides soient si peu médiatisés au point que le chef de l’Eglise catholique et ses conseillers n’en aient jamais entendu parler. Si l’activisme des Afro-descendants dans la médiatisation de ces génocides (comme nous le faisons ici sur NOFI) est indispensable à leur vulgarisation, on peut se demander si la médiatisation de ce génocide commis à l’encontre des Boers, qui sont les ancêtres des Afrikaners créateurs de l’infâme régime de l’apartheid ne gênerait pas les intérêts de l’Etat d’Israel et de ses puissants alliés. Comme les Juifs fondateurs d’Israël en effet, les Boers sont des descendants de protestants discriminés en Europe depuis des siècles, ‘menacés dans leur survie’ par leurs voisins (anglais et Noirs africains en Afrique du Sud) guidés par une religion protestante messianique qui en faisaient le peuple élu et à qui la terre (d’Afrique du Sud) d’émigration leur revenait par droit divin. Comme les Boers, les Juifs d’Israël, avaient été les victimes de génocide dans des camps de concentration, ce qui ne les empêche pas aujourd’hui d’établir une politique criminelle de colonisation et de séparation ethnique. Mettre en avant le génocide boer reviendrait à annuler l’argument du passé de vexations, de discriminations, de génocide et d’auto-défense, utilisé pour justifier la politique actuelle d’Israël, en de nombreux tous points similaire à celle, universellement reconnue comme criminelle de l’apartheid sud-africain.