Kojo Tovalou Houénou, le Marcus Garvey d’Europe

Kojo Tovalou Houénou (1887-1936) est un activiste panafricain d’origine dahoméenne qui a lutté pour l’unité entre Noirs et contre les ravages de la colonisation en France et dans ses colonies au début du vingtième siècle.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

 

Toute la fatalité qui pèse dans les tragédies eschyliennes n’approche pas la noirceur de la tragédie africaine. Sous couvert de civilisation on traque des hommes comme les fauves. on les pille. on les vole, on les tue, et ces horreurs sont présentées ensuite dans de beaux morceaux d’éloquence comme des bienfaits.

Kojo Tovalou Houénou

On présente souvent la résistance à la colonisation au Bénin (ex Dahomey) comme s’arrêtant avec la capture et l’exil du roi Béhanzin. On connaît moins le parcours de son compatriote Kojo Tovalou Houénou, qui en plus d’être son héritier spirituel, prétendait être son neveu. Fils d’un riche dahoméen soutien de la colonisation française, il allait commencer sa vie dans un cadre privilégié, étant diplômé en France en droit et en médecine. Il participera même à la première guerre mondiale en tant que médecin militaire, avant d’en être dispensé pour cause de blessure, se voyant attribuer  en 1915 la nationalité française au terme d’une procédure rare pour un Africain à l’époque. A Paris, où il se présentait comme un prince neveu de Béhanzin, il allait devenir une personnalité mondaine de la ville, fréquentant des célébrités et des intellectuels et publiant même un long ouvrage de linguistique. En retournant sur sa terre d’origine en 1921, il se rendit compte de la pauvreté des siens et du rôle de la colonisation française dans cette situation. C’est à cette époque qu’il allait changer son nom de Marc Tovalou Quenum en celui, plus africain, sous lequel il est aujourd’hui connu. Mais Tovalou Houenou ne devint véritablement militant radical qu’en 1923 après avoir été chassé d’un théâtre du quartier parisien de Montmartre quand des touristes américains blancs, mécontents de voir un Noir présent dans le même établissement qu’eux obtinrent qu’il en soit chassé. S’il fut soutenu par la presse française, cette expérience lui ouvrit les yeux et l’entraîna à dénoncer de manière radicale l’empire colonial français.

René Maran
René Maran

Il fonda en 1924 la Ligue Universelle pour la Défense de la Race Noire et avec son ami guyanais René Maran un journal, Les Continents où il exposerait ses nouvelles idées. En 1924, il allait visiter Harlem et y rencontrer Marcus Garvey pour devenir son représentant le plus influent en Europe.

 

Tovalou Houénou, au centre, Garvey à droite, et George O. Marke à gauche.
Tovalou Houénou, au centre, Garvey à droite, et George O. Marke à gauche.

Ses rapports avec l’Universal Negro Improvement Association de Garvey allaient valoir à l’ancien enfant chéri du Tout-Paris des persécutions de la part de la France. Chassé de métropole, renvoyé du barreau des avocats français, puis chassé du Dahomey pour être soupçonné d’avoir organisé une révolte, il alternera ses dernières années entre prison et tentatives de représentation politique vaines au Sénégal. Il mourra en prison de la fièvre jaune en 1936 au Sénégal, quatre ans après avoir épousé Roberta Dodd Crawford, une chanteuse afro-américaine (ou martiniquaise) rencontrée à Paris.

Le souvenir de celui qui a été surnomma le Marcus Garvey de l’Europe allait temporairement s’éteindre avant  de réapparaître bien après l’indépendance comme le témoignage d’Africains qui à cette époque aussi vaient su se battre contre l’oppression et comprendre la nécessité de l’Union entre l’Afrique et sa diaspora.

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