Est-ce que « Noir » rime avec « ghetto » ? Quand le succès d’Afrostream rend certains jaloux

Le magazine Stylist a publié une interview de la chroniqueuse Rokhaya Diallo intitulée « L’ère de la télé ghetto » dans laquelle on accuse notamment Afrostream d’un « communautarisme audiovisuel qui n’est pas commun au PAF français ». Nofi a interrogé la communauté noire. Selon elle, ce qui pose problème en France c’est que les Noirs s’organisent entre eux et imposent leur vision de la société.

« L’ère de la télé ghetto ? » C’est le titre choisi par Stylist pour intituler son interview de la chroniqueuse Rokhaya Diallo sur le partenariat conclu entre Afrostream et la chaîne de télévision française TF1. En effet, MYTF1VOD diffusera désormais des films afro-américains et africains sélectionnés par le site dédié à la communauté noire. Pour le magazine, ce rapprochement traduit « un communautarisme audiovisuel qui n’est pas commun au PAF français ». Depuis, la polémique ne cesse de gonfler. Du coup, la rédaction a publié une réponse pour se justifier :

Capture-d’écran

Pourtant, le mal est fait. Plus que de la maladresse, le terme « ghetto » veut bien dire ce que ça veut dire. Malheureusement, en France, ce mot est employé pour désigner une certaine catégorie de la population de banlieue. S’il s’agissait d’une collaboration entre TF1 et Bollywood, est-ce que le magazine Stylist aurait parlé de « ghetto » ou de « communautarisme » ? D’où notre questionnement : est-ce que « Noir » rime avec « ghetto » ?

 « Quand il s’agit des Noirs, on brandit toujours la menace du communautarisme »

Nous avons recueilli des réactions de la communauté noire de France. Le moins que l’on puisse dire, l’article du magazine ne passe pas. Les personnes interrogées fustigent la banalisation d’un racisme primaire.

« C’est de l’hypocrisie française », commente Arnaud, Parisien d’une trentaine d’années. Le commercial s’insurge contre ce refus de la France de reconnaître l’existence de la communauté noire : « Il y a une culture noire et il y a un marché noir. On a supprimé le mot noir dans le dictionnaire et interdit de faire des statistiques ethniques », dit-il. Par conséquent, « on ne peut pas analyser notre communauté sur le plan social ni économique ». « C’est pour cela que, lorsqu’on crée Afrostream ça pose problème », ajoute-t-il et d’ajouter : « Parce qu’on n’accepte pas qu’il y ait un marché noir en France. On le voit, il y a de plus en plus d’annonceurs qui se ruent vers ce marché et c’est cela qui dérange un pays peu habitué. »

Du même avis, Eric dénonce un système médiatique qui n’accepte pas certaines minorités. « En France, on ne veut pas que la communauté noire se rassemble », explique-t-il. « Que les Asiatiques vivent entre eux, cela ne pose pas problème. Que les Arabes se regroupent, personne ne s’offusque », poursuit-il. « Quand il s’agit des Noirs, on brandit toujours la menace du communautarisme. Pour moi, la polémique sur le succès d’Afrostream est la preuve que la France n’accepte pas toutes ses minorités », conclut-il.

Indigné par le titre de Stylist (« L’ère de la télé ghetto »), Patrick rappelle qu’ « il y a 99% des films dans lesquels il n’y a que des personnages blancs, et cela ne gêne personne ». Et de se demander « pourquoi, alors, les films où il n’y a que des Noirs représentés dérangent ? » « Les Noirs qui s’organisent ça fait peur à tout le monde. Aux politiques, par exemple, qui veulent avoir la mainmise sur notre communauté », lâche-t-il.

« Ce titre est votre Watergate »

Force est de constater que les mots employés par la rédaction du magazine Stylist prêtent à confusion. Révolté, le site Oeil d’Afrique a pubié ce vendredi 13 une tribune afin d’y dénnoncer une stigmatisation déguisée de la communauté noire.

L’éditorialiste du site spécialisé sur l’actualité africaine déclare : « Vous dites ne pas vouloir associer le terme Ghetto à la communauté noire, mais c’est pourtant ce que vous faites en publiant pour illustrer votre article une photo représentant les actrices du film Bande de filles…on ne peut trouver mieux comme cliché. » Poursuivant, il précise : « Ce titre est votre Watergate…celui qui va vous entraîner dans les profondeurs abyssales de la honte et de l’opprobre , vous qui vous vouliez un magazine plutôt  jeune et fun ouvert sur toutes les cultures…allez brutalement vous retrouver dans la case  vieux et con affublés d’une étiquette beauf et raciste ». « Car raciste votre titre l’est et il est plus que temps qu’on cesse justement de ghettoriser telle ou telle communauté sous prétexte de créer un débat sur l’importance ou non d’une branche communautaire dans tous les domaines et à tous les niveaux de la société », explique-t-il.

Il y a lieu d’affirmer que le magazine Stylist a dérapé car, de plus, personne n’accuse Beur FM ou Radio latina de communautarisme. Par ailleurs, personne n’obligera le public blanc ou autres de visionner des films proposés par Afrostream via MYTF1VOD. Comme personne ne force les Noirs à voir les films généralistes diffusés par la plateforme américaine Net Flix.

Enfin, chers confrères de Stylist, n’employez plus jamais le terme « Ghetto » à tort et à travers. Ce mot, sensible et historique, désigne de facto une communuté. Et, nous n’avons pas la prétention de vous donner des leçons, mais mettre « Ghetto » dans le titre d’une interview qui porte sur Afrostream ne peut que renvoyer à la communauté noire. Comme nous n’avons aucun problème avec aucune communauté, nous louons le travail de Tonjé Bakang car son site révolutionne le marché.

Sébastien Badibanga
Sébastien Badibanga
Journaliste-reporter, cool et branché. La politique est mon dada. J'aime aussi : la culture, les Etats-Unis, le PSG, l'électro et la mode. Je suis un épicurien qui croque la vie à pleine dent. "Je ne suis pas là pour plaire ou déplaire, mais pour porter la plume dans la plaie" (Albert Londres).

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