Originaire de l’Afrique de l’Ouest, le culte de divinités yoruba appelées Orisha connaît un succès grandissant dans le monde entier, notamment aux Amériques, inspirant même des popstars.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
On connaît le Christianisme, le Judaïsme et l’Islam, ces religions originaires du Moyen Orient devenues internationales; le Bouddhisme, cette religion d’Inde depuis longtemps diffusée en Asie et plus récemment en Occident. Une religion africaine possède ce statut de religion globale depuis des siècles en Afrique et en Amérique. Il s’agit de la religion des Yorubas, un peuple originaire du Nigéria et de la République du Bénin. Avec la traite négrière transatlantique, elle s’est exportée en Amérique. D’abord avec les esclaves Noirs et leurs descendants, pour gagner un public aujourd’hui bien plus large. Histoire d’un cheminement inattendu.
Chez les Yorubas
Les Yorubas se disent généralement originaires de la ville d’Ife (actuel Nigéria). Cette ville serait, selon ce peuple, le lieu de l’origine du monde. Dieu aurait confié la création du monde à un certain nombre de divinités, comme Orishala/Obatala, Eshu/Elegbara, Oduduwa, Ogun ou Orunmila/Ifa. Celui-ci est la personnalisation d’un système de divination toujours en usage. D’autres divinités comme Chango, la déité associée aux phénomènes atmosphériques font aussi partie intégrante du panthéon yoruba.
Chez leurs voisins
Avec le prestige économique et culturel de la civilisation d’Ife, au début du deuxième millénaire de notre ère, la culture yoruba s’est diffusée chez ses voisins du Nigéria, du Bénin et du Togo. On retrouve notamment chez les Edos, les Adja-Tado (Ewé-Fon), les Igbos, le système de divination Ifa, les divinités Ogun, Orishala ou Legba. Ces populations font aussi référence à Ife comme le lieu de création de l’humanité.
Avec la traite négrière
Avec la traite négrière, de nombreux Yorubas allaient être déportés aux Amériques. Cette déportation faisait essentiellement suite à l’effondrement de l’Empire d’Oyo au début du 19ème siècle. Cependant, l’impact de la religion yoruba allait être plus important et vivace que celles des populations déportées avant eux comme les Adja-Tado ou les Kongos. Des pratiques de la religion yoruba se trouvent ainsi au Brésil. Elles font partie principale de religions afro-brésiliennes comme le Candomblé, l’Umbanda et le Batuque. Ainsi que de celle, afro-cubaine, appelée Santeria. Ces religions qui, pour masquer leurs pratiques interdites par les maîtres esclavagistes, ont souvent vu le syncrétisme de saints catholiques et des Orishas à l’origine de nombreuses ramifications dans le reste de l’Amérique et même de l’Europe.
Dans le reste de l’Amérique et en Europe
A partir de pratiquants de la Santeria cubaine, le culte des Orishas s’est exporté aux Etats-Unis. Les Porto-Ricains, Afro-Américains et même le reste de la société ont été influencé. Il s’est également diffusé au Mexique. Les religions afro-brésiliennes se sont aussi exportées en Argentine et en Uruguay, puis au Venezuela. Des Argentins les importent aussi vers l’Espagne et l’Italie, alors que des Brésiliens les exportent vers le Portugal. Si la plupart des prosélytes de ces religions ont été à l’origine des Noirs, beaucoup de ses pratiquants sont aujourd’hui des Blancs. On compte plusieurs millions de pratiquants de ces cultes des Orishas dans le monde afro et ailleurs. Comment expliquer ce succès dans ce monde où l’Afrique n’est pas vraiment considérée? Les religions africaines ont été redécouvertes par des descendants d’Africains en Europe pour des raisons identitaires. En Amérique par contre, c’est leur côté thérapeutique qui a séduit. En effet, il se manifeste à travers ce qu’on pense être la possibilité de prévenir, d’altérer ou de modifier les événements du monde réel. Ceux-ci seraient causés par l’énergie et les divinités. En consultant Ifa et en accomplissant danses et rituels nécessaires à apaiser les Orishas, on parviendrait à améliorer son quotidien tant au niveau des relations sociales que de la réussite.
Toutefois, dans des pays latins où la religion catholique est omniprésente, parallèlement à leur expansion, ces cultes font l’objet de nombreuses discriminations, pour leur association à des pratiques comme les sacrifices animaliers, à l’hostilité du Christianisme à son endroit, ou encore à du racisme anti-noir. Au sein des pratiquants se distingue déjà des factions reprochant à d’autres la commercialisation croissante de ces religions.
Leur ancrage dans la culture populaire est toutefois bien présent, avec des artistes comme les rappeurs cubains d’Orishas ou les chanteuses d’Ibeyi s’en inspirant.