Blaise Diagne

Blaise Diagne (1872-1934) est le premier député noir africain de la République Française.

Par Sandro CAPO CHICHI / Nofipédia

Jeunesse et origines

Blaise Diagne est né le 13 octobre 1872 sur l’île de Gorée, dans l’actuelle République du Sénégal, alors une colonie française. Il est le fils Niokhar Diagne, un cuisinier sérère et de Gnagna Preira, une domestique de père lébou et de mère bissau-guinéenne.

Gnagna Preira et les trois petit-fils de Blaise Diagne
Gnagna Preira et les trois petit-fils de Blaise Diagne

Elevé dans la foi catholique à Gorée puis à Saint Louis, son éducation est confiée par ses parents à Adolphe Crespin, un membre influent de la communauté métisse favorisée de Saint Louis. Celle-ci, qui constitue en quelque sorte l’élite de la société locale, était notamment très active dans l’examen et la contestation des inégalités au détriment des Sénégalais dans la société coloniale française. La confrontation du jeune Diagne à ce milieu aura certainement une influence sur son intérêt et son idéologie politiques.

Adolphe Crespin
Adolphe Crespin

A travers ce genre d »adoptions’ par des familles métisses, des jeunes Noirs issus de communautés défavorisées pouvaient grimper les échelons de la société, et même, à l’instar de métis, intégrer les écoles, réputées de meilleure qualité, de France métropolitaine. C’est ce que fait Blaise Diagne lorsqu’il se rend à Aix-en-Provence dans le but d’y intégrer le lycée de la ville, malheureusement sans succès. En 1890, il retourne au Sénégal à Saint-Louis, ville dont il intègre le lycée. Il finira major de sa promotion.

Début de carrière professionnelle
En 1892, Diagne tente le concours de fonctionnaire des douanes, un concours auquel peu de Noirs avaient de fait la possibilité de postuler. Il le réussit, obtenant un poste secondaire de fonctionnaire dans l’administration française au Dahomey (actuelle République du Bénin), au Congo, au Gabon et à Madagascar. Durant cette période, il est initié à la Franc-Maçonnerie à la Réunion, une institution qu’il rejoint pour les idéaux d’égalité, de laïcité et de progressisme qu’elle prônait. La Franc-Maçonnerie lui permettra à plusieurs reprises de conserver son statut de fonctionnaire de l’état français malgré de nombreux différends avec ses supérieurs. Ses revendications pour les droits des Noirs et sa remarquable confiance en lui allait irriter à plusieurs reprises ses supérieurs hiérarchiques, peu habitués à avoir affaire à des Africains se comportant comme leurs égaux. Ainsi, après chacune de ses missions, Diagne se voyait noter dans ses rapports par ses supérieurs le même commentaire : « à ne plus jamais envoyer dans cette colonie ». Après avoir été renvoyé de son service à Madagascar en 1908, Diagne allait rencontrer à Paris Marie-Odette Villain, une femme blanche originaire d’Orléans qu’il allait épouser en 1909. Avec elle, il allait reprendre son travail de fonctionnaire colonial en Guyane en 1910, remportant notamment une décoration coloniale pour avoir embelli le jardin d’un pénitencier local. Le scénario observé ailleurs allait toutefois se répéter. Diagne, dénonçant sans succès ses supérieurs qui n’avaient pas puni des marins français qui l’avaient insulté et refusant la corruption de marchands français allait une nouvelle fois entraîner son départ de son poste, une nouvelle fois à Paris et cette fois-ci pour douze mois.

Blaise Diagne
Blaise Diagne

Débuts dans la politique
Durant cette période, Diagne allait constater le fossé de plus en plus grand creusé entre Africains et Français blancs dans l’idéologie coloniale, dénonçant dans la presse les problèmes de cette société et défiant des intellectuels français à des débats contradictoires sur la question. Contrairement aux autres colonies françaises en Afrique, le Sénégal jouissait d’une représentativité, certes mince, à la chambre des députés française et d’un plus grand degré d’assimilation chez ses ‘élites’. A l’approche des élections pour celle-ci prévue pour 1914 et après le refus de ses supérieurs quant à sa candidature à un poste plus élevé dans l’administration coloniale, il décida de retourner au Sénégal. Il allait s’y porter candidat pour représenter la colonie, où il était toutefois pratiquement inconnu.

Le Premier député noir africain de France
Pour pallier à ce désavantage auprès de son adversaire en poste depuis 1902, le métis François Carpo, il allait mener une véritable campagne électorale à la fois auprès de jeunes politiciens mécontents des discriminations coloniales et de populations au style de vie traditionnel qu’il allait convaincre, notamment par sa pratique de sa langue natale, le wolof, l’intégration de ses discours dans les institutions locales comme la palabre et la demande de compensation agricole. Hostile à Diagne, le maire français de Dakar avait notamment menacé de couper l’eau et l’électricité des électeurs africains s’ils votaient pour Diagne, une mise en garde à laquelle le candidat noir avait indirectement répliqué qu’il organiserait une grève générale si les commerçants française ne payaient pas davantage aux clients africains.
En mai 1914, Blaise Diagne remportait l’élection qui allait permettre l’adoption de lois octroyant leurs pleins droits de citoyens français aux populations sénégalaises, sans que celles-ci n’aient à renoncer à leurs statuts d’Africains et/ou de musulmans. Ces lois allaient aussi entraîner le recrutement de quelques 135000 jeunes Africains pour combattre sous le drapeau français pendant la première guerre mondiale. Ils allaient y disposer d’un statut plus avantageux que celui des tirailleurs sénégalais, notoirement victimes de discrimination. En 1919, juste après sa réélection en tant que député, Blaise Diagne allait apporter son importante contribution à l’organisation du premier congrès panafricain à Paris, initiative lancée par W.E.B. DuBois. En tant que sous-secrétaire des colonies et Général en chef des troupes noires françaises, il allait user de sa relative influence à Paris pour faire réussir le projet dont il allait être nommé président. L’amitié de Diagne avec DuBois allait toutefois s’effriter dans les années 20 après le refus de Diagne de condamner la colonisation européenne en Afrique. Pour le Sénégalais, qui le dira à Marcus Garvey lors d’une édition suivante du congrès panafricain, les Français avaient apporté la liberté en Afrique, et il se considérait comme un Français d’abord et un Noir ensuite. Il avait aussi déclaré qu’en comparaison avec les Etats-Unis, les Noirs en France jouissaient de droits plus importants, comme ceux d’être égaux devant la perspective de devenir des élus politiques, de se marier avec des Blanches, d’être assis aux meilleures places dans les théâtres ou dans des avions, etc. La réalité n’était toutefois pas aussi parfaite pour les Noirs de métropole, où Diagne passait désormais la plupart de son temps et où il était l’objet de racisme. Bien que son engagement pour offrir les bras de jeunes Noirs à l’armée française en 1914-1918 était motivée par des promesses finalement non tenues de Georges Clémenceau, le premier ministre français de construire et de favoriser de plus grandes structures de développement et d’éducation en Afrique, Diagne semble avoir abandonné une certaine partie de son idéal contre la discrimination à la fin de sa vie.

Blaise Diagne attaqué en diffamation après avoir révélé dans un journal les dessous d’une affaire portant sur la construction d’une mosquée en 1927 à Touba au Sénégal
Blaise Diagne attaqué en diffamation après avoir révélé dans un journal les dessous d’une affaire portant sur la construction d’une mosquée en 1927 à Touba au Sénégal

En 1930 par exemple, il défendit le travail forcé dans les colonies françaises devant l’Organisation internationale du travail. En 1934, deux ans après une nouvelle réélection à la députation, il mourut, laissant derrière lui sa veuve Marie-Odette, ses trois enfants Adolphe Raoul et Roland, mais aussi l’héritage et le souvenir d’un homme, qui s’il pourrait être considéré aujourd’hui comme un traître était peut être celui d’un homme engagé et idéaliste, qui, dépassé par le manque de justice envers les siens, aurait finalement accepté cette discrimination comme une nécessité temporaire, qui allait paver la voie aux générations futures pour bâtir cette France dénuée d’inégalités entre Noirs et entre Blancs.

Timbre sénégalais à l'effigie de Blaise Diagne
Timbre sénégalais à l’effigie de Blaise Diagne

Références
Blaise Diagne (1872-1934): Senegal’s First Black African Deputy to the French
National Assembly in The Human Tradition in the Black Atlantic 1500-2000,
edited by Beatriz Mamigonian and Karen Racine / Hilary Jones
Diagne, Blaise. in The Oxford Encyclopedia of African Thought/ Timothy J. Stapleton.
The Worley Report on the Pan-African Congress of 1919 in The Journal of Negro History /H. F. Worley and C. G. Contee

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https://www.nofi.media/2015/03/diagne-famille/14288

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